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Nos Lecteurs ont la Parole

Faillite morale

À l’heure où les ministres d’Occident viennent nous sermonner sur les réformes nécessaires au Liban et que des yeux incorrigibles cherchent encore la lumière d’outre-mer, je m’évertue à répéter aux uns et aux autres que notre salut ne viendra que de nous-mêmes. Oui, la clef est bien là, sous vos nez, cachée dans les 10 452 km2 de cette petite terre. La maladie est interne et nous n’en guérirons qu’après un examen profond et un traitement... de cheval.

Au-delà des divisions communautaires qui nous ont affaiblis depuis toujours, il y a un grand mal tout aussi grave qui s’est installé dans les craquelures du Liban. Il s’agit de la faillite morale de notre société qui a eu lieu bien avant celle de nos finances. Cette maladie était comme une drogue douce, entêtante et facile. Nous en étions presque fiers, dansant dans des soirées endiablées, servis comme des pachas par des employés de maison, ou bien sûr au volant de voitures de luxe alors que notre pays ne produisait presque rien.

Je vous parle en effet de cette pseudo-philosophie libanaise faussement sympathique du « vivre au jour le jour », celle de croquer à pleines dents ce qu’il reste de notre pays béni des dieux par son climat, son histoire, sa cuisine et ses belles montagnes. Ce mythe galvaudé du phénix qui renaît de ses cendres nous a ainsi bercés si longtemps et autorisé tous les excès. Il nous a fait croire qu’on pouvait construire des hôtels de luxe sur d’anciennes décharges et bétonner tout notre littoral sans conséquences. Que notre manque de civisme était une marque de virilité ou d’ingéniosité et que les moralisateurs étaient juste des faibles. L’image des zaïms richissimes et celle des hommes d’affaires milliardaires sans raison nous ont fascinés et corrompus jusqu’à la moelle.

Mais elle était trompeuse, l’ivresse de ceux qui ne construisaient aucun lendemain pour leurs enfants. La dure réalité a rattrapé ce Liban-là.

Les carrières sauvages ont rongé sa forêt. Les projets immobiliers rocambolesques ont détruit l’environnement et leurs appartements de luxe sont pourtant restés vides. Les touristes lassés de ce chaos ne sont presque plus venus. Les Libanais d’outre-mer ont recherché une mer plus propre ailleurs. La confiance dans un pays qui ne sait même plus ramasser ses ordures a naturellement chuté. Jusqu’à ce que le château de cartes s’effondre.

Malgré la douleur de voir cette faillite morale devenue banqueroute nationale, on peut espérer qu’elle serve justement à redistribuer les cartes. Que le Libanais courageux, celui qui travaille vraiment, en triomphe. Que celui qui cultive sa terre vende enfin ses belles récoltes. Que celles qui se battent sur place pour un pays moderne, libre, laïc et civique soient enfin les héroïnes. Pas les hommes d’affaires véreux ou les chefs de guerre faillis et leurs épouses oisives. Qu’on revienne un peu sur terre et qu’on fasse le grand ménage dans cette petite maison libanaise. Ensemble.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

À l’heure où les ministres d’Occident viennent nous sermonner sur les réformes nécessaires au Liban et que des yeux incorrigibles cherchent encore la lumière d’outre-mer, je m’évertue à répéter aux uns et aux autres que notre salut ne viendra que de nous-mêmes. Oui, la clef est bien là, sous vos nez, cachée dans les 10 452 km2 de cette petite terre. La maladie est interne...

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