Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - Éclairage

Au Yémen, les séparatistes rétablissent leur fragile entente avec Riyad

Le Conseil de transition du Sud, qui a renoncé à son autonomie hier, a des objectifs qui diffèrent toujours de ceux du gouvernement yéménite et de la coalition sur le long terme.

Au Yémen, les séparatistes rétablissent leur fragile entente avec Riyad

Des combattants du Conseil de transition du Sud dans la province d’Abyan, au Yémen, le 12 mai 2020. Saleh al-Obeidi/Getty Images/AFP

Les séparatistes rebattent leurs cartes dans le sud du Yémen. Après avoir annoncé hier renoncer à leur autonomie, ils se sont aussi engagés à appliquer l’accord de partage des pouvoirs présenté par l’Arabie saoudite. Basé dans la ville portuaire d’Aden, le Conseil de transition du Sud (CTS) avait proclamé son autonomie en avril, rompant ainsi avec l’accord de Riyad signé cinq mois plus tôt avec le gouvernement yéménite. L’entente, conclue sous l’égide du royaume wahhabite et qui n’a jamais été appliquée, avait pour objectif d’aller de l’avant après les combats qui avaient opposé séparatistes et loyalistes l’été dernier à Aden, en présentant un front uni face aux rebelles houthis dans le Nord.

« Nous avons atteint nos objectifs », s’est félicité hier le porte-parole du CTS, Nizar Haitham, sur Twitter, avant de saluer le rôle joué par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis dans la mise en œuvre de l’accord de Riyad. Les deux alliés mènent une coalition au Yémen depuis 2015 pour appuyer le gouvernement yéménite face aux rebelles houthis, soutenus par l’Iran. « Le consentement des parties yéménites pour accélérer la mise en œuvre de l’accord reflète la volonté sérieuse de dialogue », a déclaré pour sa part le ministre saoudien de la Défense et vice-prince héritier, Khaled ben Salmane. « Le moment de l’annonce (du CTS) est significatif. Quelques signes positifs de progrès de la part de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite étaient nécessaires pour qu’elle conserve ne serait-ce qu’une once de crédibilité et de contrôle, alors que la détérioration de la situation du Yémen atteint un niveau sans précédent », indique à L’Orient-Le Jour Élisabeth Kendall, chercheuse en études arabes et islamiques au Pembroke College de l’Université d’Oxford. « Les cessez-le-feu et les consultations de paix n’ont mené nulle part – dix lignes de front ont été ouvertes depuis janvier », constate-t-elle. « Le CTS est en train d’essuyer des défaites, de perdre des soutiens et fait face à plusieurs adversaires à la fois – à l’instar des groupes politiques locaux de Hadramout (au Sud) et dans la province de Mahra (à l’Est) où sa présence est contestée », remarque pour sa part Raiman al-Hamdani, chercheur au Conseil européen des relations internationales (ECFR). Samedi dernier, le rallye de soutien organisé par le CTS s’est heurté à de vives oppositions, perçu comme une ingérence d’Abou Dhabi – qui appuie l’entité séparatiste en coulisses.

Lire aussi

Le Yémen, victime improbable de la crise financière libanaise

Selon une source officielle citée par l’agence saoudienne SPA, le mécanisme proposé par l’Arabie saoudite pour « accélérer l’application » de l’accord de Riyad inclut le maintien du cessez-le-feu décrété en juin entre loyalistes et séparatistes, la nomination d’un gouverneur et d’un directeur de la sécurité pour le gouvernorat d’Aden, et la formation d’un gouvernement par le Premier ministre yéménite dans les trente jours. Si les contours du gouvernement n’ont pas été précisés hier, l’accord de Riyad prévoit la nomination de 24 ministres, divisés à parts égales entre les ministres du président Hadi et ceux issus du sud du pays.

Nouvelle phase d’escalade
En accentuant la pression sur le CTS pour mettre en veilleuse les tensions de ces derniers mois avec les autorités yéménites, l’objectif de l’Arabie saoudite est de recentrer les efforts militaires sur la lutte contre les houthis – mettant également de côté ses dissensions avec les EAU sur le terrain. Le partage des pouvoirs prévus dans l’accord de Riyad ne présente toutefois qu’une solution temporaire et ne prend pas en compte les objectifs des acteurs concernés sur le long terme, à l’instar des velléités séparatistes du CTS. Le projet de sécession reste inacceptable aux yeux des Saoudiens, qui craignent de voir une installation permanente des rebelles houthis et de l’influence iranienne à ses frontières. « Cela montre que même si un gouvernement avec un partage du pouvoir se concrétise dans les trente jours – et les échéances précédentes ont systématiquement été manquées –, la bataille pour le territoire, les ressources et l’indépendance n’est pas terminée », souligne Élisabeth Kendall. « La déclaration du CTS n’a pas de mots conciliants pour le gouvernement Hadi, elle ne le mentionne même pas. La décision est conçue uniquement comme une réponse politique aux EAU et à l’Arabie saoudite. Cela n’augure rien de bon pour l’avenir de l’accord de partage du pouvoir », estime-t-elle.

Alors que la pression internationale s’accroît pour trouver une issue au conflit, les Nations unies tiennent des consultations virtuelles entre les parties yéménites pour relancer les négociations de paix, basées sur l’accord de Stockholm conclu en décembre 2018. Pessimiste, l’envoyé spécial de l’ONU pour le Yémen, Martin Griffiths, a averti mardi qu’« il y a un risque réel que ces négociations échouent et que le Yémen entre dans une nouvelle phase d’escalade prolongée, de propagation incontrôlée de la pandémie de Covid-19 et de déclin économique grave et menaçant ».

La guerre a plongé le Yémen dans une situation humanitaire et économique sans précédent, 24 millions de Yéménites nécessitant une aide humanitaire. Frappant le pays de plein fouet, la pandémie de coronavirus s’ajoute à la longue liste des catastrophes auxquelles le pays doit faire face à l’instar du choléra, de la famine, des inondations ou encore des pénuries. Se superposant aux différends interyéménites, les intérêts des acteurs régionaux alimentent également le conflit. « Mahra est devenue une zone de guerre par proxy pour les pays du Golfe comme Oman, les EAU, Qatar et même le Koweït », indique, à titre d’exemple, Raiman al-Hamdani. « Plus il y aura d’argent, plus le conflit se poursuivra au Yémen : il n’y a pas d’emplois et la seule opportunité est d’aller se battre », poursuit-il.

Les séparatistes rebattent leurs cartes dans le sud du Yémen. Après avoir annoncé hier renoncer à leur autonomie, ils se sont aussi engagés à appliquer l’accord de partage des pouvoirs présenté par l’Arabie saoudite. Basé dans la ville portuaire d’Aden, le Conseil de transition du Sud (CTS) avait proclamé son autonomie en avril, rompant ainsi avec l’accord de Riyad signé cinq...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut