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Lifestyle - Patrimoine

La Direction générale des antiquités s’affaire malgré les crises

La crise économique qui frappe le Liban ne freine pas les activités de la Direction générale des antiquités qui fourmille de projets. Parmi ceux-ci, le centenaire des fouilles de Byblos qui sera célébré au Louvre ainsi qu’à Leiden.

La Direction générale des antiquités s’affaire malgré les crises

Une vue de l’exposition au musée national à Beijing. Photo DR

On pourrait penser que dans un Liban où les problèmes s’accumulent crescendo, la sauvegarde du patrimoine s’apparenterait presque à un luxe inutile. Le directeur général des antiquités (DGA), Sarkis el-Khoury, pense le contraire. « Le patrimoine est une culture nationale, une composante de nos racines et d’une certaine manière de notre identité. Il me revient donc de prendre mes responsabilités en connaissance de cause. » « Pendant le confinement du pays, notre équipe n’a pas chômé puisque nous préparons le centenaire des fouilles de Byblos », affirme le directeur de la DGA. Des conférences et des expositions sont ainsi prévues en 2021 à Jbeil, ainsi qu’au musée du Louvre, à Paris, et au Rijksmuseum Van Oudheden, le musée archéologique national des Pays-Bas, situé à Leiden. Les excavations de Byblos avaient en effet débuté en 1920, avec le savant égyptologue Pierre Montet qui accompagnait en Syrie la mission Huvelin. Ses sondages avaient entraîné l’Académie des inscriptions à subventionner plusieurs campagnes de fouilles à Byblos. En quatre ans, l’archéologue multiplie les découvertes, dont celles des tombes des rois giblites du Moyen et du Nouveau Empire égyptien. Dans sa dernière campagne en 1924, il s’adjoint Maurice Dunand qui poursuivra les recherches jusqu’en 1975.Par ailleurs, la DGA travaille actuellement « à créer des itinéraires culturels pour chaque région ou district afin que le randonneur ou le touriste ne rate pas des sites d’intérêt ». « Les listes de circuits que nous dressons permettront d’en voir beaucoup plus qu’un voyageur non informé. Il pourra faire en un week-end ce que d’autres personnes font en une semaine », explique Sarkis el-Khoury. Il annonce pour bientôt le lancement d’une application mobile pour promouvoir ces lieux considérés comme incontournables, ce qui complétera l’offre. À titre d’exemple, le directeur de la DGA cite la région de Baalbeck, qui regroupe plusieurs temples romains, notamment Qsarnaba et Niha, mais aussi la pyramide de Kamouh el-Hermel et le site de Anjar. Ce projet, explique-t-il, vise principalement à développer le tourisme culturel qui profitera directement à l’économie des villages.

La dame exhumée à Beyrouth a trôné au Colisée. Photo DR

Du Colisée à l’Empire du Milieu

De manière plus globale, le patrimoine archéologique libanais a été très présent sur le plan international avec plusieurs participations à de grandes expositions. Quand Rome a célébré Carthage la rebelle, la DGA a affirmé sa présence lors de l’exposition « Carthago, le mythe immortel », qui s’est déroulée au Colisée du 27 septembre 2019 au 29 mars dernier. Quatre cents pièces archéologiques prêtées par les musées d’Italie, du Liban, de Tunisie et d’Espagne ont reconstitué l’histoire de cette puissante cité punique fondée par les Phéniciens en 814 avant J.-C. sur le golfe de Tunis puis détruite par les Romains avant d’être reconstruite sous le nom de Colonia Julia.

Pour cette plongée dans l’ancienne colonie phénicienne, le Liban figurait naturellement au premier rang, donnant à voir 42 artefacts, dont le socle d’un sphinx portant une inscription phénicienne, découvert à Oum el-Amed, près de Naqoura au Sud-Liban ;

les célèbres figurines de bronze et feuille d’or du temple des obélisques de Byblos ; la statuette d’un bébé d’Echmoun et une autre statuette de femme, exhumée à Beyrouth. Dans le lot également, figuraient des amphores et des jarres funéraires provenant de Tyr et de Tell el-Rachidieh ; des objets en ivoire, des boîtes, des cuillères, des jeux de dame issus des fouilles de Kamed el-Loz dans la Békaa. Cette collection, datant de la période du Bronze ancien, a été acheminée par cargo spécial jusqu’à Rome, sous le contrôle de l’archéologue Tania Zaven, directrice régionale du Mont-Liban nord et du site de Byblos. Pour l’anecdote, en raison de la pandémie, c’est via Zoom que la responsable a procédé début juin à l’emballage des objets et à leur transport jusqu’à l’avion qui les a rapatriés à Beyrouth.

Cette exposition d’envergure a fait la une de plusieurs médias italiens et étrangers, brillant en revanche par son absence dans la presse libanaise, le ministère libanais de la Culture et la DGA n’ayant pas pris la peine d’annoncer l’évènement.

Toujours à l’international, la DGA a dévoilé une autre vitrine au musée national de Chine, où une quinzaine d’œuvres archéologiques, dont un bronze de Jupiter Héliopolitain, des verres irisés, des figurines et des poteries, déroulent le fil des grandes périodes qui ont marqué l’histoire du pays. Sélectionnées par la responsable des fouilles de Beyrouth, l’archéologue Laure Salloum, ces pièces, issues des différentes régions du Liban, sont présentées à Beijing, dans le cadre d’une manifestation culturelle rassemblant 22 pays asiatiques. Signalons qu’en 2017, le musée national de Chine a été le premier musée visité au monde avec 7 550 000 visiteurs. Cette exposition fera ensuite étape au musée Confucius, à Qufu, dans la province de Shandong, avant de s’installer au musée de Hainan sur la mer de Chine méridionale.

Une vue de l’exposition « Carthago, ville éternelle ». Photo DR

Entre-temps, à Bachoura…

Sur un tout autre plan, l’une des grandes batailles des associations civiles pour la préservation du patrimoine ces dernières années concernait la sauvegarde la parcelle n° 740 à Bachoura. Des fouilles préventives, menées au printemps 2016 par l’archéologue Georges Abou Diwan et son équipe de l’Université libanaise, y ont révélé des découvertes exceptionnelles : une partie de la muraille de la colonie de Berytus et une voie romaine menant à une nécropole datant du Ier siècle après J.-C. qui a livré les vestiges de riches mausolées de forme circulaire ou rectangulaire, des tombes creusées dans le substrat rocheux ou dans le sable. De nombreux objets y ont été exhumés, dont la statue d’un sphinge (créature mythique considérée comme le gardien des tombes), représenté par le corps d’une lionne, les ailes d’un aigle et la tête d’une femme, ainsi qu’une sculpture unique d’un lion portant un agneau, ce qui, à l’époque augustéenne, était un emblème iconographique militaire indiquant que la tombe accueillait un vétéran romain.

Qu’est-il advenu de ce site ? On sait qu’au Liban, la Constitution définit la propriété privée comme un droit inviolable et sacré. En cas de nécessité publique, en l’occurrence un patrimoine à conserver, une procédure légale doit être suivie : l’expropriation moyennant un dédommagement. Or, faute de budget, le ministère de la Culture n’est pas en mesure d’acquérir cette parcelle dont le prix s’élève à des dizaines de millions de dollars, et on ne peut interdire ad vitam aeternam au propriétaire d’entreprendre la construction de son terrain.

Le directeur de la DGA, Sarkis el-Khoury, souligne avoir « vainement » fait pression sur les promoteurs pour qu’ils repensent leur projet architectural, dont les plans préservaient la voie romaine et les mausolées, mais allaient porter atteinte à la muraille. Pour résoudre le problème, le ministre de la Culture de l’époque, Ghattas Khoury, s’est alors appuyé sur les conseils de trois experts, Jean Yasmine, Hani Kahwaji et Michel Daoud, qui lui ont assuré que le démantèlement de la muraille et sa réintégration dans le projet immobilier sont une opération qui obéit à des normes internationales. Aussi, une grande partie du mur avait été démontée, avant que les ONG pour la préservation du patrimoine ne présentent un recours devant le Conseil d’État, demandant l’arrêt des travaux et l’annulation du permis de construire. Aujourd’hui, le lieu est abandonné et le directeur de la DGA s’en inquiète. « Mieux vaut, dit-il, que les travaux de construction reprennent car un site ainsi abandonné, ouvert à tout vent, se dégrade vite et devient source de multiples risques. »

On pourrait penser que dans un Liban où les problèmes s’accumulent crescendo, la sauvegarde du patrimoine s’apparenterait presque à un luxe inutile. Le directeur général des antiquités (DGA), Sarkis el-Khoury, pense le contraire. « Le patrimoine est une culture nationale, une composante de nos racines et d’une certaine manière de notre identité. Il me revient donc de prendre...

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