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Nos Lecteurs ont la Parole

Le temps passe... le temps presse !

« Ô temps, suspends ton vol », disait Lamartine en ajoutant : « Le livre de la vie est le livre suprême qu’on ne peut ni ouvrir ni fermer à son choix. On voudrait retourner à la page que l’on aime, et la page où l’on meurt est déjà sous nos doigts. » Oui, « le temps est le rivage de l’esprit, tout passe devant lui et nous croyons que c’est lui qui passe ».

Personne ne peut échapper au temps qui passe, à l’inexorable processus qui conduit chacun d’entre nous de la naissance à la mort. Mais ne pas pouvoir y échapper ne signifie pas qu’on s’y soumet de gaieté de cœur ! La fuite du temps a obsédé et continue à obséder les hommes. Ce thème traverse toute l’histoire de la philosophie, passionne les physiciens, interpelle les sociologues, enflamme l’imagination des poètes.

« Ô temps, suspends ton vol... » supplie Lamartine... sans succès! Non, il est vain de lutter contre le temps puisque l’échec est assuré. Même si nous sommes jeunes de plus en plus longtemps, même si les cycles de la vie se transforment, si les seuils des âges s’estompent, pour l’essentiel rien de nouveau, nous aurons toujours partie liée avec le temps, avec un début et une fin, une naissance et une mort. II faut dire que l’époque ne nous aide guère à supporter ce temps qui passe car notre société dévalorise parfois la vieillesse.

Jeunes, nous le sommes de toute façon plus longtemps qu’auparavant. Dans les dernières décennies, les progrès techniques de la médecine ont permis de ralentir l’apparition des signes de vieillissement : « Cinquante ans, soixante ans, elle nous guette du fond du miroir. Cela nous stupéfiait qu’il marchât vers nous d’un pas si sûr alors qu’en nous rien ne s’accordait avec lui. » Quelle personne d’aujourd’hui redouterait l’approche de la vieillesse à la soixantaine ?

Un constat à faire : « Le prestige de la vieillesse a beaucoup diminué du fait que la notion d’expérience est discréditée. La société technocratique d’aujourd’hui estime qu’avec les années, le savoir s’accumule, mais qu’il se périme. L’âge entraîne une disqualification. »

Aujourd’hui, implicitement, une injonction logée au creux de notre cerveau nous susurre que ce ne sont pas les jeunes qui doivent vieillir, mais les vieux qui doivent rester jeunes. Un jour, alors qu’on a la sensation d’avoir enfin atteint le cours normal de l’existence, d’être à peu près « posé » dans sa vie privée – ce qui souvent se traduit par le fait d’avoir un conjoint et des enfants –, d’être lancé dans une vie professionnelle et d’être entouré socialement, une impression étrange nous envahit, comme si le socle sur lequel on se croyait solidement amarré vacillait. Nous sentons, de manière diffuse, que le temps a passé, que nous en sommes à la moitié du chemin, qu’un premier bilan s’impose.

Entre 1980 et aujourd’hui, l’âge est passé de 63 à 77 ans pour les hommes et de 69 à 84 ans pour les femmes. Cet allongement de la durée de l’existence place ainsi les gens de 40, 50, 60 ans devant une nouvelle période à vivre. Cette seconde vie, cette « saison » supplémentaire existent depuis peu. Du temps en plus… du temps neuf… De quoi se réjouir, certes, mais cette période peut aussi être source de prières, de méditation et d’adoration, de rapprochement vers et près de Dieu car, comme le dit le prédicateur jésuite Bourdaloue, qui prêcha avec un vif succès des conférences à la cour d’un souverain de 1670 à 1693, « qu’il n’est rien de plus précieux que le temps puisque c’est le prix de l’éternité ». Oui, ce temps « mobile » que nous vivons de « l’immobile » éternité.

Ne soyons pas de ceux qui profanent le temps en usant mal de lui ; de ceux qui le tuent en n’en usant point ; de ceux qui le gaspillent en l’employant à des riens ; de ceux qui le surchargent et s’en font les bourreaux ainsi que d’eux-mêmes.

Le temps veut la mesure, étant, lui déjà, une mesure intérieure des choses, le temps veut le sérieux et la profondeur, étant de par sa nature une ondulation de surface, dont le dessous est la substance immuable des choses et dont l’arrière-fond est l’Être éternel parce que c’est sur cette finitude qu’un flot de questions jaillit : quel est le sens de ma vie ? Qu’ai-je accompli jusqu’à maintenant ? Quelles réussites ? Quels regrets ? Quels espoirs me sont encore permis ? Ce questionnement nous fait un appel : il faut agir durant notre présence sur terre comme si nous devrions vivre à jamais et en même temps agir pour notre vie à l’au-delà comme si nous devrions mourir demain !


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« Ô temps, suspends ton vol », disait Lamartine en ajoutant : « Le livre de la vie est le livre suprême qu’on ne peut ni ouvrir ni fermer à son choix. On voudrait retourner à la page que l’on aime, et la page où l’on meurt est déjà sous nos doigts. » Oui, « le temps est le rivage de l’esprit, tout passe devant lui et nous croyons que c’est lui...

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