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Lifestyle - Architecture

Raëd Abillama signe l’annexe, toute en discrétion, du musée national

L’architecte star du détail vient de réaliser l’annexe du musée national de Beyrouth, qui sera livrée prochainement.

Raëd Abillama signe l’annexe, toute en discrétion, du musée national

Perspective de la vue de nuit de l’annexe signée Raëd Abillama par Carl Geryes.

Le musée national de Beyrouth ne compte pas uniquement une collection époustouflante de sculptures et objets archéologiques. Après avoir navigué à travers l’histoire passionnante du Liban, un rendez-vous sera bientôt fixé pour une pause gourmande au jardin du musée, où l’agence Raëd Abillama Architects a été chargée par le Comité national du patrimoine, présidé par Mona Hraoui, d’implanter un café-restaurant et une annexe destinée à accueillir des manifestations culturelles. Construite dans le jardin qui jouxte le musée du côté de l’avenue Abdallah el-Yafi, le nouveau bâtiment décline une structure d’une simplicité imposante. « Nous avons voulu nous intégrer le plus discrètement possible dans le paysage. Nous avons donc posé un seul volume au-dessus du jardin, puis nous sommes allés en sous-sol, sur deux niveaux », explique l’architecte à L’Orient-Le Jour. Au rez-de-jardin, se dresse la White Box, une salle polyvalente de 1 100m2 surmontée d’une verrière, dite skylights, en guise de toit. Ce système permet de bloquer la lumière pour transformer les lieux en black room ou de la diffuser de manière zénithale en ouvrant les brise-soleil. L’endroit hébergera aussi bien des conférences, des expositions, que des projections de films documentaires. L’accès à la salle se fera par le musée ou par le jardin réaménagé pour accueillir des colonnes et sarcophages romains.

Destiné aux bureaux administratifs et aux archives, le premier sous-sol est également doté d’une salle d’exposition de 500m2. Le deuxième sous-sol accueille la cuisine et le local technique. L’ensemble totalise une surface de 2 300 m2.

L’ensemble de l’annexe a été bâti avec les mêmes matériaux que ceux utilisés pour la construction du musée, de la pierre locale ferné.

La cafétéria, elle, a été installée dans un espace vacant du rez-de-chaussée du musée, dans le prolongement de l’ascenseur gauche. Elle s’ouvre sur le parvis de l’annexe qui fait le pont avec le musée.

L’écologie, la pierre fondatrice

Raëd Abillama, qui compte parmi les architectes et designers libanais les plus talentueux, a décroché une licence en architecture de la Rhode Island School of Design (1993), avant de poursuivre ses études à la Columbia University, New York. Son master en poche, il fait ses premières armes à New York chez l’Uruguayen Raphael Viñoly, concepteur notamment de The New Stanford Hospital, en Californie, de l’University of Chicago Booth School of Business, de l’extension du Cleveland Museum of Art, à Ohio ; et de la tour 432 Park Avenue, le deuxième plus haut gratte-ciel de New York derrière le One World Trade Center de David Childs.

En 1997, Raëd Abillama s’installe à Beyrouth où il crée son agence d’architecture, et cofonde en parallèle ACID (Abillama Chaya Industrial Design), une entreprise spécialisée dans la production des détails architecturaux et du design industriel. La société est reconnue tant pour la production d’escaliers sur mesure que pour ses meubles, comme ceux élaborés pour la boutique Lanvin de New York en 2010.

Au nombre de ses réalisations marquantes, illustrant son approche sensible à l’environnement : le siège de Mitsulift, celui de la First National Bank, ainsi que le Fidar Beach House à Byblos et une floraison de villas, qui lui valent de nombreuses publications dans les magazines. Les chalets résidentiels Faqra Degrees remportent le prix Green Good Design Award dans la catégorie Architecture écologique & durable. Son projet de réaménagement de la Forêt des Pins à Beyrouth décroche le prix Holcim Silver Award 2014, catégorie Construction durable & écologique. Élu par CNN comme l’un des projets les plus écologiques au monde, en 2011, l’iconique Ixsir Winery situé à Basbina, dans le caza de Batroun, bénéficie d’une importante couverture médiatique internationale, et accumule les prix, notamment le Green Good Design Awrad 2011, catégorie Architecture durable ; le Pop Winner de l’Architizer A+ Award 2013 et l’Archmarathon Award 2015, dans la catégorie Loisirs et hospitalité. Par ailleurs, Raëd Abillama a créé de véritables écrins design sur l’avenue Montaigne, le boulevard Saint-Germain à Paris et à Westbourne Grove à Londres pour mettre en valeur les vêtements et accessoires Joseph. Tout récemment, il a conçu les résidences Abi Chelsea, à Manhattan, New York. Dix appartements au paysage architectural élitiste, dont les prix varient entre 12 et 25 millions de dollars.

Au fil de ses conceptions, Raëd Abillama gagne et justifie sa renommée en terme de durabilité de ses projets et de leur insertion dans leur environnement.

« L’écologie est la pierre fondatrice de chacun de nos projets. Elle en fait partie intégrante », dit-il à L’Orient-Le Jour. « On en parle beaucoup, mais il semble que tout le monde n’a pas cerné ce concept et sa nécessité pour notre vie. Il faut en être convaincu, aussi les architectes doivent-ils en premier en prendre conscience et sensibiliser les clients à cette notion », ajoute-t-il. Il fait observer, en substance, que l’architecture écologique est présente dans les traditions humaines depuis toujours et qu’il faudrait orienter son étude vers son renouveau. « La maison traditionnelle est la plus écologique, mais on est allé dans des technologies lourdes comme le chauffage et la climatisation, alors que la disposition du bâtiment, de ses pièces et fenêtres, le choix des matériaux et une bonne isolation thermique sont des éléments importants et moins coûteux en matière d’énergie », remarque-t-il.

Raëd Abillama, l’architecte du détail. Photo DR

Regard tourné vers l’étranger

À la question de savoir comment il traverse à la fois la pandémie de Covid-19 et la crise financière, Raëd Abillama souligne que d’une certaine façon le Covid-19 a été pour lui « un anesthésiant parfait » aux problèmes économiques et politiques. « On a investi au Liban et pour le Liban, et aujourd’hui, on risque de tout perdre. C’est une période de flou pour tout le monde. Avec la variation du cours du dollar, la dépréciation de la livre libanaise, on ne sait toujours pas comment vendre un produit. On est perdu. On vit au jour le jour ou plutôt nous sommes passés en mode survie », confie-t-il. « Il s’agit de savoir comment surmonter cette phase et de pouvoir trouver des marchés qui puissent supporter notre industrie créative. » En attendant, « on s’adapte », dit-il. « Heureusement qu’on a quelques missions à l’étranger, et ici, les projets qui étaient en cours se poursuivent », assure l’architecte.

Interrogé sur les futurs défis à relever, Raëd Abillama estime que le Liban est un pays d’exportations d’idées et qu’architectes, designers et informaticiens réussissent à exporter leur savoir-faire. « Une stratégie d’exportation permet à la société ACID d’étendre ses marchés à l’international », relève l’architecte. Toutefois, d’autres entreprises en quête de croissance envisagent dans leurs planifications de migrer, totalement ou partiellement, vers des pays étrangers avec l’intention d’augmenter leur chiffre d’affaires. « Le pays perd ses citoyens les mieux instruits et les plus talentueux au profit d’un autre pays ; il perd en fait les élites et ressources humaines qui lui permettent de se développer et qui lui permettent de générer des revenus. Mais rien n’est fait pour exploiter ces compétences. Rien n’est fait pour stopper la fuite des cerveaux », regrette-t-il. « Il faut batailler pour avoir accès au haut débit d’internet, un outil de communication indispensable pour toute entreprise. L’incurie des gouvernements qui se sont succédé ont laissé le pays couler », déplore encore l’architecte.

Perspective de l’entrée du White Box par Carl Geryes.

Une équipe en symbiose

Raëd Abillama est à la tête d’une équipe de 18 professionnels qui disposent d’une solidité et de l’expérience nécessaires pour entreprendre des projets complexes, avec des spécifications techniques proches de l’excellence. Au sein du groupe, architectes, architectes d’intérieurs et ingénieurs en structures « se sont homogénéisés d’une certaine façon », affirme le fondateur de l’agence. « Leur grand potentiel réside dans la symbiose d’un savoir-faire fondé sur de longues années de collaboration. La distinction entre eux est floue et les objectifs sont imbriqués les uns aux autres. Cela nous permet de mieux appréhender les multiples facettes d’un projet, de la phase de conception à l’exécution en portant une attention particulière aux détails et aux finitions. » L’architecte relève d’autre part que cette collaboration favorise une approche holistique et contribue à « donner plus d’humanité aux projets, qu’ils soient urbains ou contextuels ». Il remarque en outre que l’esprit de communication qui règne au sein de son équipe représente « une importance au niveau de la richesse des idées et de la créativité ».

La vie dans les villes

Commentant la frénésie de construction de cette dernière décennie, l’architecte estime qu’il s’agissait « purement de mètres carrés proposés par les développeurs, souvent sans grande qualité ». « Ce n’est pas mauvais de ralentir, de s’arrêter pour repenser la ville, de reprendre possession du balcon qu’on a vitré, alors que cet espace a droit de cité et qu’il est conçu pour faire rentrer la nature chez soi ! Il faut qu’on remette en question tout ce qu’on a fait au cours de ces dernières années », observe-t-il. Aujourd’hui, alors que des centaines de millions d’êtres humains ont pu respirer un air moins pollué et profiter d’un plus grand silence lors du confinement destiné à enrayer la pandémie de coronavirus, le monde doit s’interroger sur la ville du futur.

Le musée national de Beyrouth ne compte pas uniquement une collection époustouflante de sculptures et objets archéologiques. Après avoir navigué à travers l’histoire passionnante du Liban, un rendez-vous sera bientôt fixé pour une pause gourmande au jardin du musée, où l’agence Raëd Abillama Architects a été chargée par le Comité national du patrimoine, présidé par Mona...

commentaires (2)

Combien longtemps va t on pouvoir le garder au Liban ? Un talent de la sorte est incompatible avec les Australopithèques. Et Cromagnons qui pullulent dans le pays ....

Robert Moumdjian

05 h 08, le 22 juillet 2020

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Commentaires (2)

  • Combien longtemps va t on pouvoir le garder au Liban ? Un talent de la sorte est incompatible avec les Australopithèques. Et Cromagnons qui pullulent dans le pays ....

    Robert Moumdjian

    05 h 08, le 22 juillet 2020

  • Enfin, une lecture de fraicheur et d'intérêt dans un Liban tourmenté... Moi même architecte, je ne peux que souligner l'excellence de Raëd. Bravo !!!

    Christian Samman

    15 h 30, le 21 juillet 2020

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