La première femme ministre de la Défense du monde arabe est une femme déterminée qui préfère l’action aux paroles. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, depuis l’annonce de la formation du gouvernement le 21 janvier, ses apparitions dans les médias restent rares. Après avoir été l’invitée d’un talk show télévisé, Zeina Acar Adra a accordé sa seconde rencontre médiatique au conseil de l’ordre des rédacteurs et à son président Joseph Kossayfi. Elle a d’abord tenu à rassurer les Libanais sur la situation sécuritaire, précisant qu’en tant que ministre de la Défense, elle n’a pas reçu de rapports sur l’existence de cellules terroristes dormantes. Elle a aussi affirmé que le principe de la sécurité préventive est appliqué et porte ses fruits.
Mais dans le gouvernement présidé par Hassane Diab, Zeina Acar n’est pas que ministre de la Défense. Elle est aussi vice-présidente du Conseil, une fonction qu’elle prend au sérieux. De l’avis de ses collègues, Zeina Acar Adra est très présente dans les réunions gouvernementales et suit plusieurs dossiers à la fois. Dans une tentative de booster l’action du gouvernement, une liste de mesures a été établie et c’est elle qui est en charge de la fixation des priorités et du suivi. « En tant que vice-présidente du Conseil, je suis en contact avec tous les autres ministres et je peux donc coordonner les dossiers », explique-t-elle.
Mme Acar a révélé ainsi qu’avec ses collègues, elle travaille sur un projet de réforme administrative destiné à réduire les dépenses de l’État et qui prévoit l’annulation de certaines institutions ou la fusion d’autres. Dans ce contexte, elle a estimé que « la clé de la solution à la crise dans laquelle se débat le pays réside en priorité dans le rétablissement de la confiance entre les citoyens et les institutions de l’État ». Ce qu’il faut aujourd’hui, selon elle, c’est « que les institutions de l’État fonctionnent en harmonie, dans un esprit de complémentarité, et que la justice soit prête à agir rapidement » pour traiter les dossiers qui lui sont déférés.
Mme Acar a insisté sur le fait que l’horizon n’est pas bouché. « Il faut simplement faire face aux problèmes ensemble et agir dans plusieurs directions simultanément, selon une échelle de priorités fixée à l’avance », dit-elle.
La ministre estime que les reproches adressés au gouvernement au sujet d’une lenteur dans la prise des décisions sont injustes. « À peine le gouvernement a-t-il été formé, qu’il a passé les premières semaines à discuter du paiement ou non des eurobonds, rappelle-t-elle. Puis, une fois que la décision a été prise, il a dû faire face à la crise provoquée par le coronavirus et, de l’avis des instances internationales, le Liban est l’un des pays qui ont le mieux affronté cette pandémie. Maintenant, il faut faire face à la crise économique et sociale sans précédent. Le mieux aurait été d’agir ensemble dans un esprit de solidarité au lieu de se polariser en deux camps, loyaliste et opposant. »
Priée de donner des précisions sur les accusations lancées par le président du Conseil contre certaines personnalités qui seraient, selon lui, en train de décourager des parties externes désireuses d’aider le Liban, Zeina Acar a affirmé qu’elle n’a pas de détails sur ce sujet, n’en ayant pas encore parlé avec M. Diab.
La vice-présidente du Conseil a insisté sur le fait que les ministres travaillent actuellement sur plusieurs dossiers visant à réduire les dépenses publiques, notamment au sujet des bâtiments officiels loués à des prix exorbitants et de l’exploitation des biens-fonds appartenant à l’État.
Au sujet du forensic auditing (audit juricomptable) de la Banque centrale, Mme Acar a précisé que « le dossier avance et que le ministre des Finances compte proposer une société à la place du cabinet Kroll », accusé par certaines parties d’être proche des Israéliens. Cela devrait être examiné en Conseil des ministres dans les plus brefs délais, précise-t-elle. Commentant les variations dans le taux du dollar par rapport à la livre et sa hausse en dépit des promesses contraires faites, la ministre a rappelé que le taux de change relève de la responsabilité de la Banque centrale. Interrogée sur le sort du plan de relance économique du gouvernement, en particulier après la démission du directeur général des Finances, Alain Bifani, Mme Acar a répondu que « ce plan est toujours à l’ordre du jour ». « Il faut mettre à l’actif de ce gouvernement le fait qu’il a mis au point un plan financier complet en deux mois. Il reste à le mettre en application et, à ce moment, il se peut que certaines modifications y soient apportées », ajoute-t-elle. Selon la ministre, le projet de loi sur le contrôle des capitaux est désormais entre les mains du Parlement, et la commission des Finances est en train de l’étudier.
« Pas question d’entraver le travail des médias »
Au sujet de la visite à Beyrouth du chef du commandement central américain, le général Kenneth McKenzie, la ministre de la Défense a précisé qu’elle l’a rencontré rapidement mais qu’elle a aussi assisté à son entretien avec le Premier ministre. Elle a indiqué que le général américain a réitéré son appui à l’armée libanaise, assurant que les Américains sont prêts à lui fournir ce dont elle a besoin selon ses propres demandes. À une question sur sa proposition de recourir « à un service civil » optionnel, Zeina Acar a répondu qu’il s’agit d’« une idée qu’elle a lancée, mais qui doit être encore approfondie ». Dans son optique, il s’agit d’« une proposition pour occuper les jeunes qui le souhaitent dans des travaux civiques ». Et de préciser : « Cela n’a donc rien à voir avec le service militaire obligatoire, qui a été adopté à un moment donné avant d’être aboli. Il s’agit simplement d’une façon d’occuper les jeunes et de leur donner l’occasion de travailler dans l’intérêt général. Mais il faut aussi étudier le coût d’une telle initiative. » Au sujet des aides que le Liban pourrait recevoir de l’Irak et du Koweït, Zeina Acar a précisé qu’avec la délégation irakienne qui est venue au Liban, les discussions ont porté sur des mesures pratiques, et le gouvernement fera le suivi.
Commentant la polémique provoquée par l’obligation d’obtenir des permis pour les institutions médiatiques, Mme Acar a répondu qu’elle suit ce dossier avec le ministère de l’Information et le commandement de l’armée, mais elle a affirmé qu’il n’est « pas question d’entraver le travail des médias ». Il y a quelques jours, les services de renseignements de l’armée libanaise ont décidé d’appliquer une décision, remontant aux années 80, qui impose aux journalistes désireux d’effectuer des reportages photo ou filmés d’obtenir une autorisation préalable de l’institution militaire. Et ce sur l’ensemble du territoire, plus particulièrement dans la capitale et au Liban-Sud. Une décision considérée par les organisations de défense de la liberté de la presse comme une nouvelle pression sur la profession.
Au final, Zeina Acar a plaidé en faveur du gouvernement qui « fait de son mieux dans des circonstances particulièrement difficiles ». Par ailleurs, la ministre de la Défense s’est rendue hier à Dar el-Fatwa et elle a sollicité l’aide du mufti Abdellatif Deriane et de toutes les instances religieuses du pays pour éviter que les dissensions politiques se transforment en conflits communautaires et confessionnels.
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TRAVAIL D,HERCULE MAIS IMPOSSIBLE DANS LE CONTEXTE ACTUEL ET A MOYEN TERME DES CHOSES.
LA LIBRE EXPRESSION
10 h 41, le 16 juillet 2020