Le Liban est décidément un pays où les choses les plus improbables peuvent se produire. Au plus fort du bras de fer entre l’administration américaine et le Hezbollah, un des deux ministres classés sous l’étiquette de la formation chiite a la nationalité américaine. Plus même, Imad Hobballah, ministre de l’Industrie, a passé plus de six ans aux États-Unis où il a poursuivi une partie de ses études universitaires et il est marié à une Américaine.
Ses proches racontent d’ailleurs avec humour qu’en janvier, quelques jours avant la naissance du gouvernement, il se trouvait au Liban pour y subir une intervention chirurgicale à l’épaule, car il vivait pratiquement aux Émirats, où il était vice-président et directeur académique de l’Université américaine de Dubaï (fondée par le député Élias Abou Saab). L’intervention a été retardée de quelques jours pour compléter les examens nécessaires. C’est alors qu’il commence à entendre des rumeurs sur sa nomination possible au portefeuille de l’Industrie, sous l’étiquette du Hezbollah. Son épouse qui était encore à Dubaï l’appelle affolée, lui demandant si c’est vrai. Elle s’inquiète surtout des conséquences négatives sur leur situation en Amérique, si la rumeur se vérifie. Imad Hobballah qui n’a encore reçu aucune notification officielle ne sait pas quoi répondre. Il préfère se concentrer sur l’intervention qu’il doit subir. Mais les événements se précipitent. Il est nommé ministre et il n’a toujours pas subi l’opération à l’épaule. Par contre, son épouse est rentrée au Liban et ils y mènent leur vie normalement, avec deux de leurs filles, la troisième étant à Dubaï et leur fils à Londres.
Imad Hobballah affirme qu’il n’a pas rencontré les responsables du Hezbollah avant d’être choisi par eux. Il n’a même eu aucun contact avec eux. Il pense d’ailleurs que ce serait le président du Conseil, Hassane Diab, qui aurait proposé son nom et le Hezbollah aurait donné son accord. De plus, depuis sa nomination, il n’y a pas eu de contact direct entre lui et l’ambassade américaine à Beyrouth.
Selon ses proches, il ne trouve pas que sa situation est étrange et se contente de sourire lorsqu’on lui parle de ses attaches américaines et de son étiquette politique. Pour eux, le Hezbollah ne choisit pas nécessairement des personnes qui lui sont acquises. Imad Hobballah a en tout cas un cursus satisfaisant et surtout, il a, selon eux, une allégeance pour le Liban qui ne s’est jamais démentie. Il avait occupé pendant plus de 5 ans le poste de président de l’Autorité de régulation des Télécoms. Il avait été alors choisi, comme la plupart des hauts fonctionnaires chiites, par le président de la Chambre, Nabih Berry. En raison de cette fonction, il a été amené à travailler avec plusieurs ministres des Télécoms, comme Charbel Nahas puis Nicolas Sehnaoui. Un jour, ce dernier, qui était ministre dans le gouvernement présidé par Nagib Mikati (2011-2014), lui demande de l’accompagner chez le ministre de l’Éducation de l’époque pour mettre au point un programme qui vise à relier les écoles publiques par un même réseau internet. C’est ainsi qu’il rencontre Hassane Diab pour la première fois. Entre les deux hommes, le courant passe immédiatement, d’autant que les points communs sont nombreux, notamment le fait qu’ils ont tous les deux des attaches avec les États-Unis.
À ce sujet, les proches de M. Hobballah relatent un incident survenu en Amérique. Quelques années après sa première rencontre avec Diab, il s’est retrouvé avec lui aux États-Unis. M. Hobballah, qui avait à cette époque une Dodge, voulait se rendre de Syracuse (dans l’État de New York, où il avait fait une partie de ses études) à Toledo, dans l’Ohio, et Hassane Diab avait décidé de l’accompagner. La limitation de la vitesse était fixée à 65 km/h. Mais comme la circulation était fluide, l’aiguille du moteur est rapidement montée vers 85 km/h. Soudain, dans un concert de sirènes hurlantes, un convoi policier oblige la voiture à s’arrêter. Deux policiers demandent aux deux hommes de baisser la vitre et l’un d’eux leur dit : « Vous ne voyez pas qu’on ne peut pas rouler à plus de 65 km/h sur cette route ? » Hassane Diab est confus et mal à l’aise, mais Imad Hobballah décide de tenter une parade. Se basant sur une pancarte proche qui annonce qu’il s’agit de la route 90, il la montre aux policiers en disant : « Vous voyez ? La vitesse est fixée à 90 km/h, nous sommes donc dans les limites exigées par la loi. » Les deux policiers se regardent perplexes et l’un d’eux déclare à son compagnon : « Heureusement qu’ils ne roulent pas sur la route 680! » puis ils décident de laisser partir la Dodge et ses passagers... C’est sans doute un petit incident, que les proches racontent pour faire rire les présents. Mais il en dit long sur les relations entre les deux hommes.
C’est donc Hassane Diab qui aurait proposé Imad Hobballah à l’Industrie. Le nom aurait obtenu l’aval du Hezbollah, ainsi que celui du chef du CPL, Gebran Bassil, et, bien sûr, celui du président de la Chambre. Selon ses proches, M. Hobballah ne se soucie pas vraiment de cet aspect politique de sa nomination et préfère se concentrer sur le ministère de l’Industrie. Il croit beaucoup à la possibilité de développer ce secteur, disent-ils. Mais il sait aussi qu’il faut faire vite et que même si le secteur devait connaître rapidement un boom, les résultats ne devraient pas être perceptibles immédiatement.Plusieurs de ses collègues ministres affirment que Imad Hobballah est un frondeur, mais dans le but de faire avancer les choses. En tout état de cause, bien que bénéficiant de l’appui de plusieurs « fées » locales et internationales, lui estime ne pas avoir de compte à rendre à une partie politique en particulier.
commentaires (12)
Un moment je croyais lire Paris Match. Sacrée Scarlett.
Achkar Carlos
19 h 34, le 15 juillet 2020