Prêts à taux zéro, report des échéances, baisse des taux d’intérêt… les mesures de soutien annoncées jusque-là n’ont pas été suivies d’effets.

Mohammad Azakir/Reuters

Hôteliers, restaurateurs, industriels, commerçants… parmi les entreprises les plus affectées par l’épidémie du Covid-19, aucune ou presque n’a bénéficié des mesures censées les aider à surmonter les difficultés économiques. Et « ce n’est pas faute d’avoir essayé, la situation est juste ridicule », affirme Maya Bakhazi, secrétaire générale du syndicat des propriétaires de restaurants, cafés, boîtes de nuit et pâtisseries.

Parmi ces mesures, la circulaire n° 547 émise le 23 mars par la Banque du Liban (BDL), remplacée depuis par la circulaire n° 552, datée du 22 avril, qui permet aux particuliers et aux entreprises en difficulté de bénéficier d’un prêt en livres libanaises ou en dollars, à taux zéro, remboursable sur une période maximale de cinq ans.

Sans frais et sans plafond prédéterminé, ce crédit financé par la Banque centrale devait servir de relais à une trésorerie défaillante et permettre aux entreprises de payer les salaires des employés et leurs frais de fonctionnement durant la période de confinement, soit entre mars et juin.

L’octroi de ces prêts a cependant été laissé à l’appréciation des banques, celles-ci endossant seules le risque de non-remboursement par le client.

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Sur le principe, cette circulaire leur est bénéfique puisqu’elle leur « permet de limiter implicitement l’augmentation des créances douteuses », indique Nassib Ghobril, directeur du département de recherche de la Byblos Bank. Mais dans les faits, « les banques ont tout à perdre et très peu à gagner, le risque étant d’ajouter une créance douteuse à une autre créance douteuse », estime une source bancaire sous condition d’anonymat, avant d’ajouter que « les rares crédits octroyés l’ont été à des particuliers, pour leur permettre de refinancer leurs anciens prêts ».

Le syndicat des propriétaires de restaurants, cafés, boîtes de nuit et pâtisseries déplore ainsi que près de 80 % des sociétés qu’il représente n’ont pas été en mesure de rouvrir leurs portes après le confinement, faute d’avoir eu accès à de telles facilités. « Les banques nous refusent ces crédits parce qu’elles estiment que nous sommes en difficulté et que nous ne serons pas capables de les rembourser, alors que c’est justement pour cela que nous en avons besoin », s’indigne de son côté le représentant des hôteliers, Pierre Achkar.

Contactée par Le Commerce du Levant, la Banque du Liban n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet, se contentant d’affirmer que le nombre « de demandes de crédits acceptés depuis le début du mois de juin est en hausse », sans préciser le nombre de crédits approuvés ou l’enveloppe allouée jusqu’à présent. Sachant que le 30 juin était le dernier délai pour souscrire à ce mécanisme.

En parallèle, le Parlement a adopté le 13 mai la loi n° 177 qui permet de suspendre le remboursement des échéances auprès des banques à partir du 1er avril et pour une durée de six mois. Mais les décrets d’application de la loi n’ont toujours pas été publiés.

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Or les différents acteurs du privé réclament des mesures immédiates. Report du paiement des taxes, baisse des loyers, suspension du remboursement des crédits, réduction des taux d’intérêt… la liste de leurs revendications est longue, et pour le moment seuls les industriels ont été entendus. 

Suite à un accord conclu le 2 juin entre le ministre de l’Industrie et l’Association des banques du Liban (ABL), ils ont obtenu la possibilité de rééchelonner les dettes arrivées à échéance à partir de mars, sur une période de six mois. Cet accord prévoit aussi la suspension pour l’année 2020 des procédures judiciaires contre les industries en défaut de paiement et, enfin, une baisse des taux d’intérêt, plafonnés à un point de pourcentage en plus du taux de référence sur la livre libanaise et le dollar, qui étaient de 4,53 et 7,75 % respectivement à la mi-juin.

Mais pour le moment cet accord n’a pas non plus été mis en œuvre. « Nous n’avons toujours pas reçu de directives de la part des banques sur les conditions requises ou sur la façon de présenter les demandes », indique ainsi Fady Gemayel, président de l’Association des industriels libanais.

« On nous promet beaucoup de mesures intéressantes qui devraient contribuer à alléger le poids des difficultés économiques que nous subissons, mais celles-ci restent malheureusement sans résultat. Même lorsque ces promesses se traduisent par des lois, des circulaires ou des accords, ceux-ci ne sont que rarement appliqués », conclut-il.