Six milliards de dollars ont été sortis de manière illégale du Liban par des responsables bancaires, depuis le mois d'octobre, en dépit des mesures de restriction des flux de devises, a affirmé le directeur général du ministère des Finances, Alain Bifani, également membre de l'équipe de négociateurs du FMI, qui a présenté sa double démission il y a deux semaines.
Dans un entretien au Financial Times, le haut-fonctionnaire démissionnaire a accusé "l'élite politique et bancaire d'essayer de continuer à profiter du système, sans accuser de pertes", alors que le reste du pays traverse une crise économique et financière sans précédent. Selon lui, une analyse des données des transactions bancaires de ces neuf derniers mois montre qu'entre 5,5 et 6 milliards de dollars ont été envoyés "en contrebande" hors du pays par "des banquiers qui n'autorisent pas aux déposants de retirer 100 dollars" de leurs propres comptes.
Quelques heures après les accusations de M. Bifani, l'avocat général près la cour de cassation, le juge Sabbouh Sleimane, a demandé à la commission spéciale d'investigation (CSI) de la BDL d'élargir son enquête concernant les transferts bancaires vers l'étranger entre le 17 octobre et le 31 décembre 2019. Dans une missive adressée à la CSI, le juge souligne que les fonds sur lesquels l'enquête devrait être élargie s'élèvent à plus de 160 millions de dollars. Il réclame également aux banques de signaler à la Commission tous les comptes suspectés d'avoir effectué des transferts vers l'étranger.
Ces derniers mois, la CSI avait refusé de fournir à la justice les noms des propriétaires de comptes ayant effectué de tels versements, estimant que l'origine des fonds transférés n'était pas suspecte. La Suisse avait également rejeté la demande de la justice libanaise concernant le lancement d'une enquête sur des transferts en provenance du Liban, étant donné que rien ne prouvait que ces fonds provenaient d'actions de corruption.
En janvier, la CSI avait demandé à toutes les banques exerçant dans le pays de réexaminer les comptes ouverts par des "personnalités politiquement exposées" afin de déceler les transferts de fonds vers l'étranger effectués à partir de ces comptes depuis le déclenchement du mouvement de contestation contre la classe dirigeante. La CSI est présidée par le gouverneur de la BDL, Riad Salamé.
Depuis l'été dernier, de strictes mesures, s'apparentant à un contrôle des capitaux, sont appliquées par les banques afin de restreindre les retraits et transferts en devises, alors que les dollars se font rare sur le marché libanais. Ces mesures, en l'absence d'une loi imposée par le Parlement, sont toutefois illégales.
"Démantèlement rapide" de l'Etat
Lors de l'entretien au FT, Alain Bifani a mis en garde contre le "démantèlement rapide" de l'Etat libanais, estimant que "5 millions de personnes sont coincées dans une situation très dangereuse et horrible". Depuis l'année dernière, les conditions de vie au Liban sont de plus en plus étouffantes, de nombreux Libanais tombant dans la pauvreté et se retrouvant au chômage. L'inflation est galopante, alors que la monnaie locale s'est effondrée face au dollar et que le pays doit également lutter contre la propagation du coronavirus.
M. Bifani a démissionné de ses fonctions de directeur général du ministère des Finances ainsi que de négociateur avec le Fonds monétaire international afin de dénoncer le manque de volonté des dirigeants libanais de se pencher sur les réformes nécessaires pour redresser le pays. Après avoir fait défaut en mars sur sa dette en devises, le gouvernement a fait appel au FMI afin de demander plusieurs milliards d'aides. Mais les négociations font du surplace et ont été même brièvement suspendues, la classe dirigeante ayant jusqu'à présent échoué à mettre en place des réformes, sans compter les différends entre les négociateurs libanais concernant les chiffres des pertes financières, alors que le pays s'enfonce chaque jour un peu plus dans la crise.
commentaires (11)
a se demander POURQUOI la justice n'a pas POURSUIVI Bifani pour RECEL D'INFORMATIONS ! informations qui plus est sont de nature a menacer la securite nationale. Preuve en est l'enfer ou LUI et les gens avec lesquels il a frayé nous ont mis. Coupable de corruption ? je ne sais pas ! Pour le reste un juge digne de ce nom doit impérativement chercher a y voir BEAUCOUP PLUS CLAIR.
Gaby SIOUFI
09 h 34, le 14 juillet 2020