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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

Sainte-Sophie ou le sacre du leadership turc au sein de l’islam politique

Sainte-Sophie ou le sacre du leadership turc au sein de l’islam politique

Des fidèles prient devant la basilique Sainte-Sophie le 10 juillet, suite à l’annonce du Conseil d’État turc révoquant son statut de musée. Ozan Kose/AFP

« Al-hamdulillah, premier appel du muezzin à Sainte-Sophie depuis 95 ans. » Sur son compte Twitter, une jeune Stambouliote se réjouit, en ce vendredi 10 juillet : dans le ciel bleu, l’appel à la prière résonne sur la place Ayasofya Meydani d’Istanbul. Quelques heures plus tôt, le Conseil d’État avait autorisé la reprise des activités religieuses en modifiant le statut de la célèbre basilique byzantine, reconvertie en musée en 1934. Une décision ouvrant la voie à la reconversion du lieu en mosquée, et présentée comme le grand retour de la Turquie dans le monde de l’islam politique.

Pour nombre d’observateurs, il s’agit certes d’abord d’un message de politique intérieure. Le président turc Recep Tayyip Erdogan s’adresse à sa base nationaliste et islamiste afin d’enrayer sa chute de popularité, en mobilisant l’un des symboles forts de l’héritage ottoman. Un pari risqué et critiqué par ceux qui considèrent que le geste ne suffira pas à ranimer la base électorale en l’absence d’une reprise économique, tout en renforçant les clivages internes autour de l’héritage du réformateur laïc Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne.

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Mais, en s’inscrivant dans la lignée d’une politique régionale musclée, la portée du geste dépasse amplement les frontières nationales. La reconversion de Sainte-Sophie a lieu alors que les interventions régionales de la Turquie rencontrent un certain nombre de succès. En Syrie, le président Erdogan est parvenu à consolider son contrôle sur la partie nord du pays. En Libye, les forces turques engagées depuis décembre afin de soutenir les forces du gouvernement d’union nationale accumulent les victoires militaires alors même que l’équilibre des forces était à leur désavantage. Une victoire prochaine – probable à ce stade – sur les forces du maréchal Haftar signifierait que la Turquie ancre non seulement son contrôle sur l’ensemble du pays, mais consolide également son accès aux ressources énergétiques en Méditerranée septentrionale. En capitalisant sur les gains militaires de différents fronts, Recep Tayyip Erdogan mobilise l’idéologie promue en interne – l’islam politique conservateur – afin de négocier une place de leader régional aux dépens d’autres puissances, comme l’Égypte ou l’Arabie saoudite. Sainte-Sophie n’est qu’un pas de plus dans cette direction.

Pour arriver à ses fins, le président turc sait mettre les mots au service de ses actes. Une communication politique ciblée qui vise à promouvoir la victoire symbolique d’un monde musulman persécuté face à l’Occident judéo-chrétien envahisseur. Et Erdogan de prendre des airs triomphants en proclamant que l’événement « rallume le feu de l’espoir des musulmans et de tous les opprimés, ceux qui ont fait l’objet d’injustice, qui ont été piétinés et exploités ».

Les déclarations officielles, en anglais ou en arabe, semblent en effet formulées afin de répondre aux attentes de leurs destinataires. La version anglaise, plus consensuelle et assurément pluraliste, rassure quant au fait que « les portes de Hagia Sophia seront, comme c’est le cas de toutes nos mosquées, grandes ouvertes à tous, qu’il s’agisse d’étrangers ou de locaux, de musulmans ou de non-musulmans ». Sur un ton plus incisif, la version arabe affirme que la « renaissance de Hagia Sophia est un signe du retour de la liberté à la mosquée d’al-Aqsa », en référence à l’autre grand lieu symbolique du monde musulman, situé à Jérusalem sous contrôle israélien.

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La référence à al-Aqsa n’est ni innocente ni hasardeuse. Elle pointe l’instrumentalisation de la cause palestinienne par de nombreux régimes et partis de la région, qui capitalisent sur la solidarité vis-à-vis du peuple palestinien afin de légitimer des choix de politiques intérieures comme extérieures. Elle résonne également avec les ambitions turques sur le dossier : une partie des islamistes tolèrent de manière provisoire les relations qu’entretient Ankara avec Israël au nom de la promesse d’une reconquête de Jérusalem, tandis qu’une autre partie mise sur le potentiel diplomatique de la Turquie afin de s’imposer en médiateur du conflit et de faciliter l’émergence d’un État palestinien.

Ce récit officiel, tantôt victimaire, tantôt nostalgique d’un passé glorieux, rencontre un écho certain au sein d’une partie des communautés musulmanes à travers le monde. « Si j’avais deux cœurs, j’en donnerai un à la Turquie, un autre au Cachemire », confie une internaute en Inde. « La vérité est qu’Istanbul et Hagia Sophia ont le plus souffert des croisés. Les catholiques ont tout volé à Hagia Sophia, violé les femmes », s’indigne un autre. D’autres encore mettent en perspective le destin de la basilique Sainte-Sophie avec celui de la mosquée de Cordoue en Espagne, reconvertie en cathédrale.Les ambitions du dirigeant turc ne font que croître face au silence des dirigeants arabes et musulmans, qui semblent embarrassés face à la rhétorique du reïs turc. En effet, deux jours après la décision d’Erdogan, aucun gouvernement musulman n’avait salué ou condamné son action, laissant ainsi le président turc savourer son sacre en tant que leader de l’islam politique.


« Al-hamdulillah, premier appel du muezzin à Sainte-Sophie depuis 95 ans. » Sur son compte Twitter, une jeune Stambouliote se réjouit, en ce vendredi 10 juillet : dans le ciel bleu, l’appel à la prière résonne sur la place Ayasofya Meydani d’Istanbul. Quelques heures plus tôt, le Conseil d’État avait autorisé la reprise des activités religieuses en modifiant le...

commentaires (2)

IL VA PAYER TRES CHER L,OTTOMAN ERDO POUR TOUTES CES FRESQUES EPHEMERES, L,HISTOIRE EST DEVANT LUI. IL SERA JUGE ET MENERA SON PAYS A LA DESTRUCTION.

LA LIBRE EXPRESSION

22 h 13, le 13 juillet 2020

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Commentaires (2)

  • IL VA PAYER TRES CHER L,OTTOMAN ERDO POUR TOUTES CES FRESQUES EPHEMERES, L,HISTOIRE EST DEVANT LUI. IL SERA JUGE ET MENERA SON PAYS A LA DESTRUCTION.

    LA LIBRE EXPRESSION

    22 h 13, le 13 juillet 2020

  • IL Y A LOIN DE LA COUPE AUX LEVRES ! LE TRES CHER NEO OTTOMAN RECEPT 1er DE SON NOM AURA BEAU FAIRE ..... IMPOSSIBLE D'ARRIVER A RIEN, DU MOINS PAS PLUS QUE D'AMEUTER LA POPULACE CONTRE LES ""OCCIDENTAUX ET LES MUSULMANS ""PECHEURS"" DE SON PAYS

    Gaby SIOUFI

    10 h 54, le 13 juillet 2020

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