Qui donc nomme les fonctionnaires de première catégorie ? Le vote par la Chambre des députés, le 29 mai dernier, d’une nouvelle loi prévoyant un mécanisme de nomination différent de celui que prévoit la Constitution (loi 7 parue au Journal officiel le 3/7/2020) a créé un conflit à ce sujet. Saisi par le président de la République, Michel Aoun, qui a contesté la constitutionnalité de la nouvelle loi, présentée par les Forces libanaises et adoptée par le Parlement, le Conseil constitutionnel, réuni jeudi à son siège sous la présidence de Tannous Mechleb, en a suspendu l’application, en attendant de statuer sur le fond du problème. On rappelle que le chef de l’État dispose d’un délai de quinze jours, après publication au Journal officiel, pour demander l’invalidation d’une loi. Aucune date n’a été avancée pour la réunion qui doit statuer sur le fond. En attendant, les FL promettent d’ores et déjà de proposer une autre loi, si celle-ci est annulée, en tentant de contourner tous les chefs d’annulation que le Conseil constitutionnel aura soulevés. Le texte contesté prévoit de confier la présélection de trois noms à une commission formée du ministre concerné, du président du conseil de la Fonction publique et du ministre d’État pour le Développement administratif. C’est ensuite au Conseil des ministres réuni de procéder au choix final.Présenté par Georges Adwan, député FL du Chouf, le texte visait à « combattre le clientélisme » et à substituer au pouvoir d’appréciation discrétionnaire du ministre concerné un mécanisme fondé sur des critères de compétence et de mérite inscrits au dossier du candidat, plutôt que sur la base des relations personnelles ou d’intérêts qu’il entretient avec le ministre.
Cependant, selon le président Aoun, le mécanisme de nomination prévu par cette loi viole notamment les articles 65 et 66 de la Constitution, qui disposent respectivement que le Conseil des ministres « nomme les fonctionnaires et met fin à leurs services » (65) et que « les ministres sont en charge des départements de l’État relevant des administrations qui dépendent de chacun d’eux » (66). Sur base de ces textes, il estime que l’autorité compétente pour proposer des fonctionnaires de première catégorie dans les administrations et les institutions publiques est le ministre concerné, de même que l’autorité compétente pour désigner ces fonctionnaires est le Conseil des ministres. Le président estime, dans son recours, que ce mécanisme limite les prérogatives du ministre en lui accordant un rôle formel et non de fond. Interrogée pour savoir pourquoi le président Aoun a devancé les députés du Courant patriotique libre (CPL), qui s’étaient promis dès la séance de vote de demander l’invalidation de la loi, une source proche de Baabda affirme que le chef de l’État a agi conformément aux dispositions de l’article 19 de la Constitution, qui lui confère le droit présenter un recours devant le CC. « C’est donc en sa qualité de garant que le président Aoun a agi, convaincu que la nouvelle loi porte atteinte à la Constitution », ajoute la source. « Il était nécessaire qu’une question aussi sensible que la nomination des fonctionnaires de première catégorie soit tranchée de manière rapide et définitive », a encore dit la source citée. C’est pourquoi, le chef de l’État, plutôt que de renvoyer la loi votée au Parlement pour une deuxième lecture, a recouru à cette procédure. Une mise au point écrite a été publiée hier en ce sens par le bureau de presse de la présidence.
Avis divergents
Selon le Pr Rizk Zogheib, avocat et maître de conférences à la faculté de droit et de sciences politiques de l’Université Saint-Joseph, « la loi (en question) est effectivement anticonstitutionnelle parce que la Constitution accorde la compétence de la nomination des fonctionnaires de 1re catégorie au ministre compétent ; c’est à ce dernier de proposer et au Conseil des ministres de décider. Or la nouvelle loi veut imposer au ministre concerné un choix de trois noms qui résultent d’une procédure de sélection collégiale. Ce texte remplace la décision du ministre par celle d’un comité de trois personnes dont le ministre n’est que l’un des membres. Alors que selon la Constitution, c’est le ministre seul qui propose, la nouvelle loi impose désormais le choix d’un comité ». Et le Pr Zogheib d’ajouter : « Pour concilier l’exigence constitutionnelle – celle qui prévoit que c’est le ministre qui propose – avec l’impératif du mérite, une loi pourrait accorder au ministre la possibilité de proposer une quatrième candidature qui viendrait s’ajouter aux trois autres. Les compétences du ministre et du Conseil des ministres seraient ainsi sauvegardées. »
En revanche, Georges Okaïs, député FL, pense que « ce n’est pas parce que le Conseil constitutionnel a décidé de suspendre l’effet de la loi qu’il va forcément décréter son invalidation ». M. Okaïs rejoint par là ceux qui pensent que le CC a pu vouloir provisoirement absorber le mécontentement du chef de l’État, mais il pense qu’il finira par rejeter son recours. Selon le député de Zahlé, ce recours reflète « une interprétation formaliste de la Constitution ». « Toutefois, ajoute-t-il, la Constitution n’endosse pas le clientélisme. » Et de conclure en affirmant : « Si le CC annule la loi, nous en proposerons une autre, en tentant de contourner tous les chefs d’annulation qu’il aura soulevés. Nous ne resterons pas les bras croisés. Nous continuerons notre bataille pour instaurer une méritocratie qui viendrait remplacer la kleptocratie. »
commentaires (4)
on moins au liban on est tranquille pour nommer quelqu un il suffit de lui demander sa religion et à qui il appartient ( à quel zaim) les choses sont claires
youssef barada
18 h 49, le 12 juillet 2020