Tout n’est finalement qu’une question de temps. Et chez nous, le temps s’écoule peinard comme les billets verts bidon qui ruissellent des comptes des déposants vers les coffres de la Banque du Liban. Il n’y a pas à dire, de nos jours, le pays appartient à ceux qui se lèvent fauchés. Chaque lever du soleil apporte avec lui son beau bouquet de promesses, ficelé par Sinistro Diab et les enfoirés installés aux commandes : cela va du tanker distillant son mazout à la pipette, au calcul de la circonférence de la miche de pain, en passant par la collection reliée plein cuir des myriades de circulaires de la BDL, qui iront prendre la poussière sur les étagères de la bibliothèque du gouverneur. Lequel en est réduit, le pauvre, à ne gouverner que les changeurs véreux de la place, davantage occupés maintenant à imposer le toucher rectal au client demandeur de devises. Ceux qui rêvent encore de réformes structurelles peuvent toujours se brosser. La famine aidant, et avec les ravages du scorbut, les poules auront perdu depuis longtemps leurs dents et nos arrière-petits-enfants leur dentier…
En attendant, rien ne vaut les courses pour slalomer entre les étalages de supermarché, nouvellement conceptualisés par les tenants du sous-développement durable et de la pénurie équitable. Lentement, mais sûrement, les marques courantes font place aux sous-marques des secours humanitaires. Et à défaut de pouvoir voyager, le tour-opérateur s’étale désormais sur les rayons. Mais passer du Made in Paris, Londres, Berne et Berlin à… Grozny, Nouakchott, Bagdad ou Téhéran, le choc est brutal et le coïtus irrémédiablement interruptus.
Voici quand même quelques bons trucs à savoir pour ceux qui n’ont rien à braire des âneries débitées par les vieilles badernes de la politique :
– Attendre toujours qu’une route se coupe à l’autre bout de la ville avant de sortir du côté opposé. Nous sommes un pays pauvre et les protestataires sont relativement peu nombreux. Par conséquent, il n’y aura jamais suffisamment de main-d’œuvre pour couper partout et au même moment toutes les voies d’accès.
– Choisir pour faire la fête les parages immédiats du domicile d’un gros belon de la République. C’est là généralement qu’on trouve le plus de soldats au centimètre carré, tous payés avec l’argent du contribuable. Miam-miam! De plus, si ça pète quelque part, le baltringue officiel sera bien obligé de courir avec sa horde alimenter les micros et caméras en puisant dans son stock d’indignations, laissant à disposition son clapier au frigo bien garni.
– Pour le reste, se fier absolument au principe d’incertitude de Heisenberg en mécanique ondulatoire, applicable au Liban : à savoir, qu’on ne peut jamais connaître avec précision et au même moment la position et la vitesse d’un dollar allant d’un compte perso bloqué à la banque, jusqu’à la poche d’un responsable politique.
C’était notre contribution hebdomadaire au moral de la population.
gabynasr@lorientlejour.com
commentaires (6)
Moral bien à plat.
Esber
14 h 43, le 10 juillet 2020