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Nos Lecteurs ont la Parole

Libérer la justice de l’emprise des prédateurs politiques

Sous le titre « Avons-nous une justice au Liban ? », Me Fady Ziadé posait dans L’Orient-Le Jour du 4 juillet cette question qui donne froid dans le dos et qui résume une cause essentielle du douloureux appauvrissement dont souffrent les Libanais et de la corruption qui gangrène leur pays. Comme il le souligne, la loi sur l’enrichissement illicite promulgée en 1953 et complétée en 1999 par une autre loi sur le même sujet est restée jusqu’ici lettre morte, et ceux qui sont censés l’appliquer n’ont pas pu (ou voulu), depuis près de 70 ans, identifier ne serait-ce qu’un seul fonctionnaire ou un seul responsable politique dont la fortune suscite quand même quelques soupçons. Une situation d’autant plus cruelle que, comme le rappelle M. Ziadé, chez notre voisin et ennemi du sud, des poursuites en justice pour corruption, avec parfois des peines de prison, n’ont pas épargné certains des plus hauts dirigeants de l’État dont notamment l’ex-président Ezer Weizman, l’ancien Premier ministre Ehud Olmert ou l’actuel Premier ministre Benjamin Netanyahu.

S’il est vrai que la corruption sévit peu ou prou ailleurs dans le monde, il n’en demeure pas moins que le Liban ne cesse malheureusement de battre les records en la matière. Dans le dernier rapport 2019 sur « l’indice de perception de la corruption » de l’ONG Transparency International, le Liban est classé au 137e rang sur 180 pays passés en revue. La réalité est toutefois bien pire qu’il n’y paraît à première vue. Ce rapport a en effet été établi avant le soulèvement du 17 octobre 2019 et ses auteurs ne savaient pas encore que les paladins qui nous gouvernent avaient déjà siphoné les caisses de l’État, que les dépôts dans les banques libanaises s’étaient volatilisés, que près de la moitié de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté et que le pays était au bord de l’effondrement.

Cela n’aurait évidemment pas été le cas si le pouvoir judiciaire, le pénal surtout, ne s’était pas grippé depuis la guerre civile de 1975-1991 suite aux pressions et aux interférences au grand jour de la caste politique. Une situation bien illustrée par les tiraillements des nominations et permutations judiciaires qui durent depuis des mois, et qui reflètent d’une manière on ne peut plus claire le système de partage à la libanaise, la mouhassassa, des petits et des gros butins entre les différentes communautés et factions politiques.

On comprend dans ces conditions que l’indépendance de la justice soit devenue l’une des conditions sine qua non posées pour l’octroi de prêts et de facilités financières au Liban par de nombreux pays, dont notamment l’Union européenne. On comprend aussi les raisons des réticences des politiques au projet de loi, pourtant si vitale, sur l’indépendance de la justice qui traîne depuis près d’un an au Parlement. Il faudrait une forte dose d’optimisme pour espérer que ces réticences puissent être surmontées sans de fortes pressions, sinon une révolution de la société civile. Une justice indépendante signifie en effet de donner aux juges la possibilité de demander des comptes à ceux qui ont pillé le Liban.

Il ne s’agit plus là d’une simple question de transparence, mais bel et bien, pour appeler les choses par leur nom, d’un système mafieux dans lequel la séparation des pouvoirs n’a plus grand sens et où le pouvoir judiciaire tout comme le pouvoir législatif du reste ont besoin d’être libérés de la mainmise des prédateurs politiques.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Sous le titre « Avons-nous une justice au Liban ? », Me Fady Ziadé posait dans L’Orient-Le Jour du 4 juillet cette question qui donne froid dans le dos et qui résume une cause essentielle du douloureux appauvrissement dont souffrent les Libanais et de la corruption qui gangrène leur pays. Comme il le souligne, la loi sur l’enrichissement illicite promulgée en 1953 et...

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