« Aidez-nous à vous aider ! » : le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a exhorté hier les autorités libanaises à engager des réformes afin d’obtenir le soutien de la communauté internationale et sortir le pays du naufrage économique. « Aujourd’hui, il y a un risque d’effondrement. Il faut que les autorités libanaises se ressaisissent, et je me permets de dire ici à nos amis libanais : nous sommes vraiment prêts à vous aider, mais aidez-nous à vous aider, bon sang! » a-t-il lancé au Sénat, lors d’une séance de questions au gouvernement, en précisant qu’il se rendrait « dans quelques jours » au Liban. Le gouvernement du Premier ministre, Hassane Diab, formé en janvier après plusieurs mois de crise politique, s’était engagé à mener une série de réformes dans un « délai de cent jours », a rappelé le chef de la diplomatie française. « Ces réformes ne sont pas au rendez-vous. On sait ce qu’il faut faire sur la transparence, la régulation de l’électricité, la lutte contre la corruption, la réforme du système financier et bancaire. Mais rien ne bouge ! » a déploré Jean-Yves Le Drian, se disant « très inquiet » sur la situation dans ce pays.
Le Liban, en proie à une crise sans précédent, a sollicité début mai une aide du Fonds monétaire international (FMI), après avoir annoncé un plan de réformes et de relance économique qui n’a toujours pas été mis en œuvre. Mais les négociations avec le FMI piétinent et la directrice de l’institution Kristalina Georgieva a reconnu fin juin qu’il n’y avait aucune percée en vue. « La France – et la communauté internationale autour de la France – ne pourra rien faire si les Libanais ne prennent pas les initiatives indispensables pour leur sursaut », a martelé le ministre français des Affaires étrangères.
En décembre, le Groupe international de soutien au Liban (GIS), réuni sous la houlette de la France – comptant plusieurs pays européens et arabes –, avait conditionné toute aide financière à une série de réformes « urgentes ».
Foucher « inquiet »
Même son de cloche de la part de l’ambassadeur de France à Beyrouth, Bruno Foucher, qui a fait part hier de son inquiétude concernant le gel des négociations du Liban avec le FMI au début du mois, après l’incapacité des négociateurs libanais à présenter des chiffres unifiés concernant les pertes affichées par le pays.
« Jusqu’à présent, on demandait au gouvernement libanais d’aller vers le FMI et d’élaborer un programme avec lui pour restaurer la signature internationale du Liban. Mais nous sommes en train de sortir de ce chemin », a déclaré M. Foucher à L’Orient-Le Jour, en marge de la signature d’une convention entre l’Agence française de développement et l’ONG Solidarités international pour un projet de gestion des catastrophes naturelles au Liban (voir par ailleurs). « Nous avons une bonne raison d’être inquiets parce que le FMI ne va pas modifier son langage. Il a répété quatre fois publiquement, y compris à son haut niveau, ce qu’il attendait du Liban. Si le Liban sort de cette voie, comme je l’entends dire, je ne sais pas quel sera le plan B », a mis en garde le diplomate. Et de poursuivre : « La population souffre et cette souffrance ne va pas s’atténuer. Il faut prendre des mesures, faire des réformes et pour l’instant je ne vois pas ce chemin se tracer avec beaucoup de netteté devant nous. Cela nous rend donc très inquiets. »
Les propos de l’ambassadeur de France interviennent après les déclarations mardi du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui avait estimé, dans une allusion aux négociations du Liban avec le FMI, qu’« il ne faut pas se limiter à une seule option pour sortir de la crise ». « Nous devons frapper à toutes les portes possibles pour empêcher l’effondrement et prévenir la famine. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés en attendant les résultats » de ces négociations, a encore dit le leader chiite qui avait appelé dans un précédent discours à établir des relations commerciales avec l’Est.
Interrogé par L’OLJ sur les aides promises au Liban par la conférence dite CEDRE (Paris, 2018), M. Foucher rappelle qu’il s’agit d’un « instrument de relance de la croissance au travers d’investissements lourds » et que le pays ne pourra en bénéficier que s’il redore son image vis-à-vis de la communauté internationale. « Les investissements de CEDRE sont portés par les entreprises. Vous pensez bien que ces dernières ne vont pas travailler dans un État où la signature n’est pas garantie et où les risques financiers sont au maximum. Les entreprises qui voulaient investir étaient nombreuses avant que la crise n’explose. Elles ne viendront que si le Liban restaure son image internationale et c’est la raison pour laquelle le passage par le FMI est nécessaire », explique l’ambassadeur.
Dimanche dernier, le patriarche maronite Béchara Raï avait appelé, dans une homélie d’une rare virulence, à sortir le Liban de son isolement international. « Nous appelons le président de la République à briser le blocus sur la légalité et la libre décision nationale. Nous demandons aux pays amis de sauver rapidement le Liban comme ils l’ont fait à chaque fois que le pays était en danger », avait souligné le prélat.
commentaires (18)
Le France ne peut pas se laver les mains aussi facilement de l'affaire libanaise avec un "bon sang" de son ministre des affaires étrangères au parlement. Elle aurait pu mettre la pression sur Israël depuis deux décennies pour qu'elle se retire du dernier km2 et faciliter ainsi le désarmement de la milice. La France a mis en place un mécanisme pour aider récemment l'Iran à contourner les sanctions US. Elle aurait pu exiger la fin de l'influence de ce pays à l'égard du Liban. La France a délaissé un pays ami et contribue passivement, à côté des USA, à livrer les libanais à la famine. tfeh
Shou fi
15 h 25, le 10 juillet 2020