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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

Un expert irakien en questions sécuritaires assassiné à Bagdad

Le meurtre de Hicham al-Hachémi fait craindre un regain de violences ciblées contre les voix dissidentes dans le pays.

Un expert irakien en questions sécuritaires assassiné à Bagdad

Les manifestants irakiens participant, le 7 juillet 2020, place Tahrir, à des funérailles symboliques en l’honneur du spécialiste irakien des questions jihadistes Hicham al-Hachémi, tué lundi soir à Bagdad. Ahmad al-Rubaye/AFP

Lundi soir, le spécialiste irakien des questions sécuritaires Hicham al-Hachémi a été assassiné par des hommes armés devant sa maison, dans le quartier de Zeyouneh à Bagdad. Selon une vidéo qui a circulé sur les réseaux sociaux, alors qu’il était dans sa voiture, des hommes armés lui ont tiré dessus. Une source médicale à l’hôpital où il a été transporté a confirmé à l’AFP que le corps du chercheur portait les traces de plusieurs balles à divers endroits.

Né à Bagdad en 1973, Hicham al-Hachémi a fait partie de l’opposition à l’ancien dictateur Saddam Hussein et passé quelque temps en prison. Après sa libération en 2002, il s’est tourné vers le journalisme, puis avec l’apparition d’el-Qaëda en Irak, il s’est consacré aux questions de sécurité. Conseiller en antiterrorisme du gouvernement actuel comme des précédents, Hicham al-Hachémi s’est notamment fait connaître comme analyste par ses apparitions fréquentes dans les médias locaux et internationaux durant la bataille contre l’État islamique. Après la victoire contre le groupe jihadiste en décembre 2017, l’attention du chercheur s’est progressivement tournée vers les milices chiites soutenues par l’Iran. Il critiquait certaines d’entre elles avec virulence. Membre de l’Iraq Advisory Council, il a également pris fait et cause pour le soulèvement populaire sans précédent qui, à partir d’octobre 2019, a pris d’assaut la capitale et le sud du pays, majoritairement chiite, dénonçant entre autres le système confessionnel, la corruption et la mainmise iranienne sur le pays. Il est néanmoins parvenu à bâtir des relations avec tous les politiciens du pays et a même pu, pendant un temps, jouer la carte de la médiation entre le gouvernement et les contestataires.

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Le chercheur, qui ne mâchait pas ses mots face aux activités miliciennes, avait confié plusieurs semaines avant son décès qu’il craignait d’être la cible des factions pro-Téhéran. Un journaliste irakien ayant requis l’anonymat a divulgué au média arabophone basé aux États-Unis al-Hurra qu’un officiel de sécurité au sein de la puissante milice pro-iranienne Kataëb Hezbollah aurait menacé dans un message téléphonique M. Hachémi en lui lançant « Je te tuerai chez toi ». Durant un récent entretien télévisé, un chef de milice a également accusé le chercheur de fournir au Premier ministre de fausses informations sur les groupes armés dans le pays.

Les manifestants irakiens participant, le 7 juillet 2020, place Tahrir, à des funérailles symboliques en l’honneur du spécialiste irakien des questions jihadistes Hicham al-Hachémi, tué lundi soir à Bagdad. Ahmad al-Rubaye/AFP

Revanche, absurdité et illusion

Le meurtre de Hachémi ravive le souvenir funeste de la guerre civile qui a pris place entre 2006 et 2009 et durant laquelle une série d’assassinats politiques ont été perpétrés par des jihadistes sunnites et des milices affiliées à l’Iran. Il rappelle également la violence imputée aux factions pro-Téhéran qui s’est abattue sur les contestataires irakiens ces derniers mois, faisant des centaines de morts et des milliers de blessés et conduisant à de nombreux assassinats et enlèvements visant spécifiquement certains journalistes et activistes. Si les identités des assassins se confirment, le meurtre du chercheur relèverait alors d’un double avertissement : l’un destiné aux pourfendeurs de Téhéran dans le pays, et l’autre à l’adresse du Premier ministre, lui rappelant qu’il y a certaines lignes rouges à ne pas franchir.

Car la mort de Hachémi intervient à l’heure où le nouveau Premier ministre, Moustapha al-Kazimi, a initié un bras de fer avec les milices pro-Iran, pour répondre à la fois aux demandes de larges pans de la société, qui aspirent à un véritable État souverain, et aux requêtes des États-Unis dont l’aide économique serait cruciale alors que le pays traverse la pire crise de son histoire récente. L’arrestation d’une douzaine de militants membres de Kataëb Hezbollah il y a une dizaine de jours, puis la libération de la plupart d’entre eux, présagent avec force des difficultés que va devoir affronter le chef du gouvernement s’il veut mener son projet jusqu’au bout. Lui qui avait bénéficié de la mise en retrait de Téhéran et de ses alliés dans le pays, résignés à soutenir sa nomination – après l’avoir écarté durant cinq mois – au poste de Premier ministre, doit aujourd’hui composer avec les intimidations et les menaces qui le visent directement. Lundi 29 juin, alors que les miliciens arrêtés quelques jours plus tôt venaient d’être relâchés, des membres de Kataëb Hezbollah ont organisé une démonstration de force en piétinant le portrait de M. Kazimi et en brûlant des drapeaux américains et israéliens.

« La revanche, l’absurdité et l’illusion sont devenues les fers de lance motivant les attaques contre Kazimi », avait écrit Hachémi dans l’une de ses dernières publications sur Facebook avant sa mort, critiquant sans ambages la surenchère affichée par les milices pro-iraniennes dans le pays depuis la démission du gouvernement de Adel Abdel Mahdi en novembre 2019. « Le problème des forces politiques qui ont perdu leurs gains avec la démission de Adel Abdel Mahdi, c’est qu’elles ont perdu leur capacité à penser de manière équilibrée », avait-il commenté.

Malgré les soupçons qui pèsent sur les alliés de la République islamique en Irak, l’ambassade d’Iran dans la capitale ainsi que le leader des Forces de mobilisation populaire ont condamné l’assassinat. L’ambassade des États-Unis a de son côté appelé le gouvernement irakien à « traduire rapidement en justice les responsables du meurtre ».

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Le Premier ministre, qui était un ami de Hicham al-Hachémi, a promis de retrouver les assassins. « Nous nous engageons à poursuivre les tueurs pour les traduire en justice, et nous ne permettrons pas le retour de ces assassinats qui sapent la sécurité et la stabilité de l’Irak », a-t-il déclaré dans un communiqué.

Hachémi laisse derrière lui une femme et quatre jeunes enfants. Réputé être un travailleur acharné, l’analyste avait tissé des liens solides avec de nombreux journalistes et chercheurs régionaux et internationaux. La nouvelle de sa mort s’est propagée très vite sur les réseaux sociaux où les utilisateurs se sont empressés de présenter leurs condoléances. L’expert écrivait aussi régulièrement des articles d’opinion dans le journal indépendant irakien al-Alem al-Jadeed. « Alors que la disparition de Hachémi est une grande perte pour l’Irak et le monde arabe, nous demandons à ce que les autorités en charge de la sécurité ne se contentent pas uniquement de dénonciations, mais qu’elles étendent leurs responsabilités à l’identification des auteurs et à leur traduction en justice, d’autant plus qu’ils sont apparus sur les caméras de surveillance dans la rue durant l’incident (…), et de mettre un terme à la série d’assassinats et d’enlèvements qui ont touché les écrivains, activistes et journalistes afin de parvenir à la stabilité et à la paix civile », peut-on lire dans l’article publié par l’équipe éditoriale du média peu de temps après le décès de leur collègue.

Lundi soir, le spécialiste irakien des questions sécuritaires Hicham al-Hachémi a été assassiné par des hommes armés devant sa maison, dans le quartier de Zeyouneh à Bagdad. Selon une vidéo qui a circulé sur les réseaux sociaux, alors qu’il était dans sa voiture, des hommes armés lui ont tiré dessus. Une source médicale à l’hôpital où il a été transporté a confirmé à...

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Encore un modéré que l'on assassine ! Triste

TrucMuche

15 h 17, le 08 juillet 2020

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  • Encore un modéré que l'on assassine ! Triste

    TrucMuche

    15 h 17, le 08 juillet 2020

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