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Société - Crise

Les hôpitaux privés du Liban à la toute dernière extrémité

« Avec un coût de fonctionnement en hausse de 50 %, de très lourds impayés et l’augmentation vertigineuse du dollar face à la livre, le secteur agonise », avertit Sleiman Haroun.

Les hôpitaux privés du Liban à la toute dernière extrémité

Sleiman Haroun, président du syndicat des hôpitaux privés : « Notre secteur est à l’agonie. » Photo ANI

Le président du syndicat des hôpitaux privés, Sleiman Haroun, donne l’impression d’avoir perdu tout espoir d’être entendu. Entouré de représentants de tous les hôpitaux du Liban, réunis en assemblée générale à l’hôtel Metropolitan, c’est une mise en garde solennelle qu’il a adressée à l’État. « Si une solution à leur crise financière des hôpitaux n’est pas trouvée, la plupart d’entre eux fermeront dans un délai maximum de trois semaines, à la seule exception des services de dialyse et de chimiothérapie. » Fiction ou réalité ? Les prochaines semaines le diront.

C’est d’un ton où perçait la lassitude que M. Haroun a ouvert son point de presse, après avoir déploré que l’Hôpital universitaire Rafic Hariri, fleuron des établissements hospitaliers publics et champion de la lutte contre le Covid-19, se soit vu lundi obligé de faire des économies de fuel, au détriment de certains de ses services. Il a ensuite évoqué un « secteur hospitalier agonisant sur tous les plans (…), en dépit de nos souhaits de voir les efforts de ces établissements, qui se débattent pour différer l’heure de la fermeture, couronnés de succès ».

« Malheureusement, les choses vont de plus en plus mal, a enchaîné M. Haroun, et les appuis aux hôpitaux se sont avérés n’être que des promesses insolvables qui ne garantissent ni le droit du patient à l’hospitalisation ni les salaires et honoraires des travailleurs du secteur. »

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Mais qu’est-ce qui a conduit les hôpitaux du Liban à cette extrémité? « D’abord, précise M. Haroun, des retards inacceptables que mettent les tiers payants, c’est-à-dire en fin de compte l’État, à se mettre en règle, ensuite de l’écart grandissant entre les véritables coûts de l’hospitalisation et des tarifs déphasés que l’État ne veut pas rajuster. »

Sur le premier point, le président du syndicat des hôpitaux a révélé que le secteur attend toujours le déblocage d’un montant de 450 milliards de livres approuvé par le gouvernement et la Chambre, et censé couvrir une partie des impayés de 2019 de l’armée, des Forces de sécurité intérieure et du ministère de la Santé. «Il y a plus d’un mois et demi que la loi a été adoptée et nous n’avons toujours rien touché. »

Impayés et arriérés

À L’Orient-Le Jour, M. Haroun précise que la moitié des sommes dues pour les malades soignés aux frais du ministère de la Santé pour 2019, ainsi que les deux tiers des sommes dues par l’armée et une partie des montants dus par les FSI pour la même année sont toujours impayés, sachant que les Forces de sécurité intérieure doivent encore régler aux hôpitaux leurs arriérés pour 2017 et 2018.

Le président du syndicat des hôpitaux rappelle en outre que les montants en question ne valent plus, face au dollar, qu’un sixième de leur valeur, en termes de pouvoir d’achat.

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Commentant l’augmentation jugée « insensée » du coût de l’hospitalisation, par rapport aux tarifs officiels en vigueur, le président du syndicat des hôpitaux a annoncé qu’elle a provoqué « une pénurie dramatique de certains médicaments et fournitures médicales », en raison de la baisse vertigineuse du cours de la livre face au dollar. Les prix effectifs de ces fournitures dépassent désormais d’environ 60 à 70 % leur prix officiel tel que fixé par les tiers-garants.

Cet écart, a ajouté M. Haroun, s’applique aussi aux divers produits de grande consommation tels que la nourriture, le nettoyage, la stérilisation, l’entretien et les pièces de rechange. « Toute machine qui tombe en panne aujourd’hui ne peut pas être réparée par les hôpitaux », a-t-il averti.

Coût de fonctionnement en hausse de 50 %

De ce fait, a enchaîné en substance M. Haroun, les coûts de fonctionnement des hôpitaux ont augmenté d’au moins 50 % par rapport à ce qu’ils étaient avant la crise actuelle, ce qui a entraîné un déficit budgétaire important. Si on y ajoute la baisse du taux d’occupation, en raison de la pandémie, les hôpitaux ont perdu en général la moitié de leurs revenus.

En ce qui concerne les barèmes des actes médicaux en vigueur, M. Haroun précise qu’ils ont été fixés il y a 20 ans par le ministère de la Santé en coordination avec la Banque mondiale, mais qu’ils ne correspondent plus du tout au coût réel. Hélas, toutes les demandes d’ajustement ont jusqu’à présent essuyé une fin de non-recevoir, a-t-il insisté.

À titre d’exemple, et un sourire amer aux lèvres, M. Haroun a affirmé qu’en raison de la hausse du taux de change du dollar, le loyer d’une chambre dans un hôpital universitaire ne dépasse plus les 10 $, un montant qui doit couvrir la nuitée, la nourriture, certains tests de laboratoire et des médicaments. Trois autres exemples : l’accouchement naturel est désormais au tarif de 35 $, l’opération d’appendicite à 110 $ et l’installation d’un cathéter à 80 $ !

Promesses en l’air

Et M. Haroun de déplorer qu’un accord de principe pour la création d’une commission mixte de révision des tarifs comprenant des représentants du syndicat des hôpitaux et de tous les tiers payants, et présidée par le ministre de la Santé, n’ait jamais vu le jour.

« Sans une mesure positive acceptable qui nous aidera à survivre, nous sommes obligés, dans un premier temps, de limiter immédiatement l’admission dans les hôpitaux aux seuls cas d’urgence, en particulier la dialyse et la chimiothérapie, et aux cas où la vie du patient est en jeu. Dans un second temps, ce sera la fermeture de la plupart des services hospitaliers dans un délai maximum de trois semaines », a mis en garde M. Haroun.

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Pour L’OLJ, il confie qu’il redoute que beaucoup d’hôpitaux subissent le sort des écoles et soient contraints à la fermeture ou à fonctionner au ralenti. Il estime qu’une dizaine de grands hôpitaux échapperont probablement au sort commun, du fait qu’ils sont appuyés soit par des instances d’État, soit par des universités, soit encore par des congrégations religieuses. Ces établissements continueront d’opérer, mais dans certaines limites, nuance-t-il, relevant par exemple que l’Université américaine, y compris son hôpital universitaire, a déjà annoncé une réduction de 25 % de son personnel. D’ailleurs, note M. Haroun, beaucoup d’hôpitaux n’acceptent plus certaines opérations « à froid » de malades soignés aux frais des tiers payants, en raison des coûts exorbitants des implants et prothèses, malgré le subventionnement de certaines fournitures par la BDL. « Enfin, les hôpitaux gouvernementaux ne sauraient assurer une relève digne de ce nom des hôpitaux privés, estime le responsable. Avec une capacité de 1 500 lits, ils ne font pas le poids face aux 10 000 lits du secteur privé. »

Le président du syndicat des hôpitaux privés, Sleiman Haroun, donne l’impression d’avoir perdu tout espoir d’être entendu. Entouré de représentants de tous les hôpitaux du Liban, réunis en assemblée générale à l’hôtel Metropolitan, c’est une mise en garde solennelle qu’il a adressée à l’État. « Si une solution à leur crise financière des hôpitaux n’est pas...

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