En 1992, lorsque feu Rafic Hariri a été nommé à la tête du gouvernement, le taux de change du billet vert par rapport à la livre libanaise était de 3 000 LL pour un dollar environ. Quelques semaines plus tard, le taux avait chuté à près de 1 500 livres. Élémentaire…; mais nombre d’acteurs sur la scène locale se font un point d’honneur de balayer du revers de la main ce postulat bien établi et reconnu en économie : le facteur « confiance » contribue largement à créer le climat propice à une détente, voire à une relance économique. Il suffit parfois d’un signal positif, d’une petite initiative constructive pour actionner le déclic salvateur de la confiance et entraîner par le fait même un effet boule de neige.
Dans le cas particulier de l’effondrement généralisé qui frappe aujourd’hui de plein fouet l’ensemble de la population, le gouvernement de Hassane Diab a suivi jusqu’à présent le chemin inverse : il multiplie les signaux qui, dans la pratique, ont pour conséquence de miner le moral du dernier carré de ceux qui, contre vents et marées, persistent à croire en une possible résorption progressive de la crise.
Pour atténuer un tant soit peu l’impact du séisme économico-financier auquel est confronté le pays, le cabinet Diab aurait pu susciter une détente, fût-elle très relative, sur le marché en s’engageant dans des discussions sérieuses avec les organismes économiques et le secteur bancaire pour dégager une vision commune d’un plan de sauvetage qui aurait permis de négocier avec le Fonds monétaire international à partir d’une position unifiée et cohérente, donc plus avantageuse.
L’exécutif a préféré, au contraire, s’en remettre totalement à une poignée de conseillers qui ont élaboré, sans concertations préalables avec les parties directement concernées, un document faisant transparaître un message déstabilisant, sapant le résidu de confiance auquel les optimistes les plus irréductibles pouvaient encore s’attacher. Ce message a entretenu la perception que l’ensemble du secteur bancaire et des actionnaires est dans le collimateur d’un certain pouvoir dont l’objectif est d’avancer sur la voie de la réalisation de desseins politiques aux contours obscurs, sous le couvert de lutte contre une oligarchie politico-financière.
Que cette perception soit fondée ou non, elle a contribué indirectement à accroître gravement l’atmosphère de panique généralisée. Et au lieu que le gouvernement s’emploie à juguler les retombées de la tempête en calmant les appréhensions de l’opinion et en injectant de petites doses d’assurances, il a fait exactement le contraire en jetant de l’huile sur le feu, donnant ainsi l’impression qu’il avalisait l’offensive contre le secteur bancaire. Une telle ligne de conduite, très peu clairvoyante – pour le moins qu’on puisse dire –, a eu un effet dévastateur décuplé par le contexte politique actuel marqué par la prise de tout le pays en otage pour servir un projet expansionniste régional dont le Liban n’a cure.
Entretenir un climat de confiance toute relative afin d’apaiser les inquiétudes n’est évidemment pas la solution. Il ne s’agit là, certes, que d’une condition nécessaire mais nullement suffisante. Pour replacer le pays sur la voie du salut, encore faut-il, à titre d’exemple, que le Premier ministre s’abstienne de lancer des attaques frontales contre les ambassadeurs américain et saoudien dont les pays ont toujours été d’un grand secours pour le Liban.
Pour tenter de remonter la pente, encore faut-il aussi éviter de s’impliquer dans toutes les guerres de la région et donner un sérieux coup de frein aux campagnes assidues menées sans relâche contre les pays du Golfe. À cet égard, un simple raisonnement arithmétique permet de mesurer l’ampleur du préjudice provoqué par de telles attaques. L’aide que le Liban peut espérer du FMI ne dépasserait pas, selon diverses estimations, quatre ou cinq milliards de dollars, étalés sur trois ou cinq ans, en contrepartie de conditions draconiennes qui risqueraient de s’avérer très coûteuses pour la population. Le montant de cette aide, ou presque, aurait pu être obtenu plus aisément si nous n’étions pas partis en guerre contre les pays qui traditionnellement apportaient une aide non négligeable au Liban, par le biais de dépôts à la Banque centrale, et dont les ressortissants assuraient, de surcroît, des rentrées substantielles en devises en résidant tout au long de l’été dans les centres de villégiature du pays.
Dans le contexte géopolitique actuel, il ne faut pas s’y méprendre. Le Liban est victime aujourd’hui d’une double stratégie savamment orchestrée : une chasse aux sorcières douteuse contre les piliers structurels du système économique libre ; et une tentative soutenue d’ancrer, manu militari, le pouvoir et l’ensemble du pays à un axe régional hégémonique en guerre contre les amis traditionnels du Liban. C’est à ce niveau que réside toute la source du mal…
commentaires (6)
Non, la source du mal n’est autre que d’avoir célébré pendant des décennies des mafieux (voleurs et assassins qui partout ailleurs auraient finit à la potence) tandis que chez nous ils continuent à être honorés comme dirigeants. Croyez-moi, la source du mal est bien ancrée dans ce peuple qui célèbre les tricheurs (harbouk) et ridiculise les honnêtes gens (satlé). Nous ne pouvont pas continuer à lancer des accusations à tort et à travers tout en espérant vivre de la mendicité, sans jamais prendre le temps d’assumer nos propres péchés Et notre propre résponsabilité dans toute cette pourriture. Le gouvernement Diab est certes porteur de mauvaise nouvelles mais aussi de loin celui qui a été le plus transparent jusque-là. Le démoniser en faveur des véritables coupables équivaut à ce mettre un doigt dans l’oeil encore une fois.
Fady Abou Hanna
09 h 28, le 08 juillet 2020