La journée de jeudi a été difficile pour le gouvernement de Hassane Diab. On peut même dire que l’alerte a été rude, mais finalement, les tentatives pour le pousser à la démission ont échoué. Le premier signal avait été donné à la suite des nominations financières qui avaient abouti au départ d’un des vice-gouverneurs de la Banque centrale, Mohammad Baassiri, considéré comme proche des Américains. Selon des sources gouvernementales, l’ambassadrice des États-Unis à Beyrouth, Dorothy Shea, avait exprimé son mécontentement suite à cette décision. Le gouvernement avait eu beau expliquer alors que la décision n’était pas dirigée contre les Américains. Il fallait simplement changer toute l’équipe qui était en place depuis des années.
Deux semaines plus tard, l’affaire du juge Mohammad Mazeh a constitué la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Qu’un juge libanais ose défier l’ambassadrice des États-Unis et décide d’interdire aux médias libanais ou installés au Liban de l’interviewer pendant un an était inacceptable pour la diplomate et pour son administration. Les autorités libanaises ont eu beau tenter d’arranger les choses, d’abord en expliquant à l’ambassadrice que le juge avait agi de son propre chef selon le principe de séparation des pouvoirs en vigueur au Liban et que sa décision n’avait donc aucune dimension politique. Ensuite, le juge a été déféré devant l’Inspection judiciaire et l’incident a été ramené dans le cadre diplomatique à travers la convocation de l’ambassadrice par le ministre des Affaires étrangères. Mais selon des sources proches des opposants au gouvernement, l’ambassadrice des États-Unis a considéré que ces initiatives de rattrapage sont insuffisantes et elle aurait exprimé son profond mécontentement à ses proches et à ses interlocuteurs. Ce qui a été perçu par certains comme un feu vert pour lancer des protestations visant à faire chuter le gouvernement. Il faut préciser à cet égard que plusieurs forces politiques internes sont hostiles à ce gouvernement et ne souhaitent pas qu’il reste en place, tout comme elles ne souhaitent pas qu’il réussisse.
À ces forces internes, il faut en ajouter d’autres participants au gouvernement qui ne voient pas d’un bon œil ses frictions quasi permanentes avec d’une part l’Association des banques et d’autre part le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, soupçonnés par le président du Conseil de jouer un rôle négatif dans la hausse du taux du dollar par rapport à la livre et de contribuer donc à l’aggravation de la crise monétaire, économique et sociale.
Sur le plan diplomatique, la réunion de nombreux ambassadeurs à la résidence de l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Yarzé, alors que la plupart d’entre eux refusent de rencontrer le président du Conseil, a aussi été perçue comme un encouragement à une tentative de renverser le gouvernement. Enfin, la visite spectaculaire du vice-président de la Chambre, Élie Ferzli, au chef du courant du Futur Saad Hariri et sa déclaration selon laquelle ce dernier doit revenir à la tête du gouvernement ont constitué un ultime message sur la nécessité d’en finir avec le cabinet présidé par Hassane Diab. Les relations entre M. Ferzli et le président de la Chambre, Nabih Berry, étant très étroites, il n’en fallait pas plus pour considérer que le glas venait de sonner pour le gouvernement. D’autant que presque au même moment, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, qui n’a pas ménagé ses critiques contre le gouvernement ces derniers temps, s’est rendu à Aïn el-Tiné pour un entretien avec M. Berry. En même temps, dans les rues, les manifestations avaient soudain repris, accompagnées de fermetures de routes, pour protester contre la cherté de vie, mais aussi pour réclamer le départ du gouvernement et de l’équipe au pouvoir.
Tous ces développements ont donné l’impression que la décision de faire chuter le gouvernement avait été prise. C’est donc dans une atmosphère particulièrement tendue que le Conseil des ministres s’est réuni jeudi au Sérail, en présence du gouverneur de la Banque centrale et du président de l’Association des banques du Liban, Salim Sfeir. Selon des sources gouvernementales, les échanges étaient tendus et l’allocution de Hassane Diab en début de séance n’a pas allégé l’ambiance. Mais contrairement aux rumeurs qui circulaient à l’extérieur, les ministres ont été surpris de constater que nul n’a évoqué la possibilité d’une démission du gouvernement. Au contraire, les propos fermes de M. Diab étaient destinés à pousser les ministres à travailler plus, à prendre des mesures concrètes et à ne pas hésiter à trouver de nouvelles idées pour contourner le blocus indirect qui est imposé au gouvernement, et au Liban en général.
En réalité, des contacts intensifs avaient été effectués dans les coulisses politiques entre le palais de Baabda, le Sérail gouvernemental, Aïn el-Tiné et même Haret Hreik et Clemenceau, pour aboutir à la conclusion suivante : tant qu’il n’y a pas une solution de rechange, il n’est pas question de pousser ce gouvernement à partir. Il n’est donc pas question de laisser le pays dans une vacance gouvernementale ou avec un gouvernement chargé de gérer les affaires courantes dans une situation aussi difficile. Les propositions lancées par Riyad et par d’autres capitales de former un gouvernement de transition dont la seule mission serait d’organiser des élections législatives anticipées n’ont pas obtenu l’aval de toutes les parties politiques, notamment Amal et le Hezbollah qui estiment qu’il s’agit d’une tentative de se retourner contre les résultats des dernières législatives qui ont eu lieu en 2018.
Le projet de faire chuter le gouvernement a donc échoué. Mais si le cabinet reste en place, cela ne signifie pas qu’il n’est pas secoué par des conflits internes. Le dernier en date porte sur la décision de procéder à un forensic audit (un audit pénal) de la Banque centrale, qui est refusé par le ministre des Finances sous prétexte qu’un des cabinets sollicités, Kroll, aurait des connexions avec Israël. Ce qui ne l’a pas empêché de faire des audits en Iran, en Arabie saoudite et en Égypte, rétorque le camp adverse, alors que les neutres avancent qu’on peut solliciter d’autres cabinets. En principe, le sujet devrait être évoqué au cours du Conseil des ministres de mardi.
commentaires (13)
HALLUCINANT !!! Scarlett H... Le fait qu’un juge outrepasse son petit pouvoir au sud... Le fait qu’il muselle la presse... Le fait qu’il obéisse aux milices intégristes chiites... SHaddad a compris de travers. .. pour elle...tout ce ramdam c’est parce que l’ambassadrice US n’a pas accepté qu’un juge ose la défier !!!!mais vivez-vous dans le même pays que l’OLJ , des reporters du terrain, des reporters terrain de l’OLJ qui risquent leur vie en disant LA VÉRITÉ sur vos amis et votre gourou et en oubliant les abonnés de l’OLJ qui ont foi en ce journal ?? Stop svp. Vos envies c’est une chose et la réalité c’en est une autre. J’ai arrêté la suite de ce papier en colère totale quant à cette propagande. LA LIBERTÉ DE LA PRESSE...DE VOS COLLÈGUES à L’OLJ ... ca ne vous dit rien?? !!!!
LE FRANCOPHONE
23 h 29, le 04 juillet 2020