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Le 17 octobre, c’est maintenant

C’était il y a neuf mois. Neuf mois déjà. Neuf mois seulement.

À l’époque, c’est une hausse de la taxe WhatsApp qui avait mis le feu aux poudres dans un contexte déjà économiquement et socialement hautement inflammable. Qu’il semble trivial, aujourd’hui, ce catalyseur, tandis que le prix du pain a augmenté, décision tellement symbolique ; que le taux d’inflation crève des plafonds ; que les économies des déposants ne sont plus qu’une ligne d’écriture comptable dénuée de toute réalité ; que l’on troque une robe de mariée, voire que l’on braque une pharmacie, pour un paquet de couches ; que chaque jour qui passe, des commerces mettent la clé sous la porte ; que la troupe est privée de viande ; que la livre libanaise, étant donné le coût du papier importé, ne vaut désormais pas beaucoup plus qu’un billet de Monopoly; que des hommes acculés se suicident, que, que, que…

Au regard de la situation socio-économique actuelle, l’on peine à comprendre que les journées d’octobre, de novembre, de décembre 2019 aient donné lieu, de manière quasi quotidienne, à de grands rassemblements, parfois arrosés de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc, alors qu’aujourd’hui, la place des Martyrs reste désespérément vide.

Il y a neuf mois déjà, il y a neuf mois seulement, les Libanais se tenaient la main, du nord au quasi-sud du pays, dans une chaîne humaine à tirer des larmes aux pierres. Sur la place des Martyrs, sur la place Élia, sur la place al-Nour, des agoras fleurissaient, où l’on parlait, où l’on rêvait, où l’on débattait du Liban de demain. Chaque intervention commençait par « Moi, Hussein, de Nabatiyé », suivi de « Moi, Rita, de Jbeil », « Moi, Sarah, de Baalbeck », « Moi, Omar, de Tripoli »... Le Liban, une fois n’est pas coutume, était pensé, rêvé, par les Libanais. Ensemble.

Il y a neuf mois déjà, il y a neuf mois seulement, de jeunes manifestants n’allaient plus au travail – ils en avaient encore un à l’époque – pour assurer le blocage d’une route. Nous n’avons plus rien à perdre, disaient-ils alors. Nous comprenons, aujourd’hui, qu’en fait, nous avions encore quelque chose à perdre. Ce qu’il y avait à perdre, après le pouvoir d’achat, les économies d’une vie, les perspectives d’avenir, c’est l’espoir. Parce que la différence entre il y a neuf mois et aujourd’hui, c’est l’espoir. Il y a neuf mois, nous étions gonflés à l’espoir, dopés à l’espoir, enivrés d’espoir.

Les coups de massue assenés par le coronavirus, le regain de confiance des clans au pouvoir, la poursuite de la politique as usual à base de partage d’un gâteau qui n’en a plus que le nom, les séances parlementaires indignes, les Conseils des ministres abscons, les soliloques de Baabda… ont fini d’assommer le peuple, de le dépouiller de tout, jusqu’à l’espoir.

Aujourd’hui, l’on coupe toujours des routes, mais chacun dans son coin, dans son fief, et l’on s’insulte parfois, d’une communauté à l’autre, alors que finalement, ne vivons-nous pas tous le même enfer ?

Il existe dans ce pays, malgré tout, des forces vives, des forces positives, qui pourraient le sortir, au prix de lourds sacrifices certes, mais le sortir tout de même, des abysses.

Rien ne se fera toutefois, aujourd’hui, sans une remobilisation, sans une pression populaire, au-delà des murs confessionnels, au-delà des classes sociales.

La question, aujourd’hui, est de savoir comment relancer cette remobilisation. Comment redescendre dans la rue en tant qu’individus, en tant que peuple.

Et c’est là que tous ceux qui ont émergé ou réémergé à la faveur de la mobilisation du peuple du 17 octobre ont une lourde responsabilité. Une responsabilité qu’ils échouent gravement, aujourd’hui, à assumer. Où sont-ils, ces organisations et partis se revendiquant de la société civile ?

Aujourd’hui, la situation est claire. La colère monte, bientôt elle sera balayée par la rage. Que l’on ne s’y trompe pas : en l’état, cette colère, cette rage seront instrumentalisées par les clans politiques qui s’accrochent au pouvoir. Il est dès lors nécessaire, urgent, indispensable, que ces organisations et partis, que ces groupes qui ont la capacité et l’envie de penser un autre Liban et de le construire s’unissent, se tiennent littéralement la main, comme le peuple l’avait fait, et entraînent dans leur sillage ces Libanais qui, individuellement, ne se remobiliseront pas. Ces groupes doivent aujourd’hui – demain, ce sera trop tard – lancer une action forte, symbolique, et accepter de plonger leurs mains dans ce cambouis infâme dans lequel nous nous noyons.

Neuf mois, c’est le temps d’une gestation. Il est temps d’accoucher de cette révolution.

C’est aujourd’hui que la révolution commence. C’est aujourd’hui qu’elle doit commencer.

C’était il y a neuf mois. Neuf mois déjà. Neuf mois seulement. À l’époque, c’est une hausse de la taxe WhatsApp qui avait mis le feu aux poudres dans un contexte déjà économiquement et socialement hautement inflammable. Qu’il semble trivial, aujourd’hui, ce catalyseur, tandis que le prix du pain a augmenté, décision tellement symbolique ; que le taux d’inflation crève des...

commentaires (5)

TOUT EST TRES BIEN DIT. LA CONTESTATION DOIT SE MUER EN REELLE REVOLUTION DES MASSES ET LES MASSES DOIVENT REINVESTIR LES RUES ET NE POINT S,ARRETER AVANT D,OBTEBIR CAUSE. LE DEPART PUIS LE JUGEMENT ET LA CONDAMNATION DE TOUS LES RESPONSABLES CORROMPUS, VOLEURS ET INCOMPETENTS. LA FAIM EST LE GRAND MOTEUR.

MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

20 h 50, le 04 juillet 2020

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Commentaires (5)

  • TOUT EST TRES BIEN DIT. LA CONTESTATION DOIT SE MUER EN REELLE REVOLUTION DES MASSES ET LES MASSES DOIVENT REINVESTIR LES RUES ET NE POINT S,ARRETER AVANT D,OBTEBIR CAUSE. LE DEPART PUIS LE JUGEMENT ET LA CONDAMNATION DE TOUS LES RESPONSABLES CORROMPUS, VOLEURS ET INCOMPETENTS. LA FAIM EST LE GRAND MOTEUR.

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    20 h 50, le 04 juillet 2020

  • Il y a 9 mois certains prédisaient un fiasco de cette soit disant révolution, non pas parce qu'ils ne souhaitaient pas son succes, mais parcequ'ils avaient pressentis un côté folklorique plus que rage sociale. Le résultat des courses est une situation étouffante pour ce peuple libanais naïf mais combien oh vaillant dans son innocence. 9 mois après qu'elle est la tête d'un seul serpent corrompu qui a été arrachée ? Aucune ! Et pourquoi donc ? Parce que les voleurs qui appartiennent à chacune de nos communautés se sont ligués en s'appuyant sur des principes confessionnels datant de 1943. Date de notre soit disant indépendance , factice et ancrée dans nos cœurs meurtris.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 26, le 04 juillet 2020

  • J’appelle tous les libanais qui défendent leur religion parce que leurs zaims leur ont inculqué la méfiance de l’autre et leur ont prêté des intérêts infondés pour les mobiliser que tout ce qu’on leur dit et qu’on leur répète depuis des décennies dans des ghettos fermés pour les empêcher de rencontrer l’autre de constater par eux mêmes que tout est archi faux. Les libanais veulent vivre ensemble dans un pays apaisé où seul le Liban est prioritaire sur tout le reste car sans nation il n’y a pas de peuple. Pourquoi ne se posent ils pas la question évidente à savoir pourquoi ces zaims enferment ils leurs partisans dans un vase clos en leur expliquant que dehors c’est le danger et que eux veillent sur leur sécurité en ajoutant des propagandes haineuses et en leur achetant des Rangers et des habits militaires et en leur donnant des armes pour aller se sacrifier dans des pays étrangers pour des causes obscures moyennant quelques dollars? Pourquoi avec cet argent ils n’ouvrent pas leur région au monde et ne la confient pas aux autorité pour la pacifier et ainsi l’ouvrir aux investisseurs qui installeraient des usines des fabriques et des sociétés pour donner du travail à ses habitants? Pourquoi ne pas investir dans l’éducation, les hôpitaux et les aides aux personnes âgées au lieu d’acheter des armes et envoyer notre jeunesse aux fronts pour que eux puissent envoyer leur rejetons à l’étranger faire des études pour les remplacer au pouvoir et continuer leurs méthodes de saccage?

    Sissi zayyat

    11 h 19, le 04 juillet 2020

  • Toute révolution qui n’a ni tête ni queue, sans chef ou sans violence ,demeure une manifestation folklorique téléguidée par les mêmes chefs de tribus confessionnelles . En 1920 après la famine les ottomans ont quitté le pays et cette fois si famine y aura qui quittera le pays en 2020 ?.

    Antoine Sabbagha

    08 h 22, le 04 juillet 2020

  • Bravo pour ces encouragements que vous adressez à ce peuple apathique, passif, prêt à avaler toutes les couleuvres et à continuer à porter son "zaïm" sur ses épaules, même s'il sait que celui-ci est corrompu jusqu'à la moelle. J'espère que votre harangue portera ses fruits, qu'elle atteindra les oreilles de cette "société civile" émiettée, désemparée, qui n'en peut mais...Si l'état de faillite totale qu'a atteint le pays ne suffit pas pour faire bouger les foules, c'est à désespérer de tout.

    Georges Airut

    05 h 00, le 04 juillet 2020

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