Par définition, l’opposition est en droit de critiquer le gouvernement. Mais aujourd’hui, c’est par ses propres parrains que le cabinet de Hassane Diab est désormais décrié, cinq mois après sa formation à la suite d’une laborieuse gestation. Même si tout le monde tient à assurer que, pour le moment, il n’y a aucune alternative à l’équipe ministérielle et que l’heure n’est pas à la formation d’un nouveau cabinet.
Le fossé n’en finit donc pas de se creuser entre le gouvernement et le camp loyaliste. C’est ce qui ressort du communiqué publié mardi à l’issue de la réunion hebdomadaire du bloc du Liban fort, dont le Courant patriotique libre est la principale composante. Le groupe parlementaire aouniste a dénoncé « la chute de la productivité du gouvernement », comme on peut lire dans le texte qui exhorte le cabinet à opérer les réformes économiques à même de lui permettre de recouvrer la confiance sur le double plan local et international. Il s’agit de la deuxième attaque de la part du CPL contre le cabinet en moins d’une semaine.
Lors de la rencontre du dialogue, à Baabda, jeudi dernier, sous la présidence du chef de l’État, Michel Aoun, Gebran Bassil, représentant son parti, avait déjà dénoncé « le manque de productivité du cabinet Diab », mettant en garde contre un échec de celui-ci s’il arrêtait de travailler. Ces flèches décochées en direction du cabinet interviennent aussi à l’heure où le plan gouvernemental pour le sauvetage économique (sur la base duquel se déroulent les négociations avec le Fonds monétaire international) ne fait pas l’unanimité même au sein du camp loyaliste. Preuve en est, Ibrahim Kanaan, secrétaire général du bloc aouniste et président de la commission des Finances, a critiqué le plan du gouvernement et tente d’y apporter des amendements, notamment au niveau des chiffres.
« Le cabinet a raté sa chance de sauver le Liban »
À ce stade, on est en droit de se poser une question : pourquoi le CPL attaque-t-il aussi violemment le cabinet, alors qu’il est perçu comme la pierre angulaire du camp loyaliste ? Interrogé par L’Orient-Le Jour, Alain Aoun, député CPL de Baabda, tente de mettre les points sur les i : « Le cabinet a raté sa chance de sauver le Liban. Et dans les cas d’échec, il faut penser à autre chose. » Il s’empresse toutefois de préciser que cette question ne devrait pas être abordée sous un angle personnel. Et elle ne sera pas réglée par le simple remplacement de personnes par d’autres. Selon lui, « il faut créer les conditions de la réussite, qui n’étaient pas assurées pour le cabinet Diab ». « Les parrains du gouvernement (y compris le CPL) devraient soit avoir les moyens de renflouer le gouvernement, soit chercher les solutions à même de sortir le pays de la crise », ajoute M. Aoun. Hier, le bloc parlementaire berryste s’est également invité dans la partie en critiquant l’approche gouvernementale du dossier financier. Réuni à Aïn el-Tiné sous la présidence du chef du législatif, Nabih Berry, le bloc a appelé le cabinet à « réviser les mesures prises » pour régler la crise de la livre, qui poursuit sa terrible dégringolade, estimant que « ses mesures ont échoué ». Ce n’est pas la première fois que le président de la Chambre affiche son mécontentement à l’égard de l’exécutif. À plusieurs reprises, il avait dénoncé sa lenteur à opérer les réformes, mettant en garde contre l’effondrement du pays, sous l’effet de la crise économique et financière.
Toutefois, c’est le Hezbollah (qui s’était montré hostile à la relance de la centrale de Selaata, à titre d’exemple), un des principaux appuis de Hassane Diab, qui a fait barrage à toute tentative de remplacer le gouvernement actuel par un autre, en dépit des attaques dont il est la cible de la part de ses propres parrains. Dans un entretien accordé à l’agence al-Markaziya, Anouar Jomaa, député Hezbollah de Zahlé, a déclaré sans détour : « Il n’y a pas d’alternative au cabinet à l’heure actuelle, en dépit de tout ce qui est dit. » « Il n’y a pas de développements qui exigeraient un changement du gouvernement. Et cela ne devrait pas être évoqué à chaque fois que l’on fait face à un obstacle », a-t-il ajouté. Une attitude que des milieux politiques expliquent par le fait que le parti chiite n’abandonnera naturellement pas Hassane Diab et son équipe, dont il peut contrôler les décisions.
La société civile : pas de surprises
Quoi qu’il en soit, cette attitude de la part des faucons loyalistes ne semble pas surprendre les composantes de la société civile, convaincues que le gouvernement n’est en place que « pour répondre aux intérêts des partis au pouvoir », pour reprendre les termes de Halimé el-Kaakour, activiste interrogée par L’OLJ. « Nous savions depuis le début (du processus de formation du cabinet) qu’il s’agit d’un gouvernement qui n’est en place que pour veiller aux intérêts de ses parrains. Ces derniers sont en train de l’abandonner après avoir relancé la centrale électrique de Selaata et effectué les nominations financières conformément à la seule logique de partage du gâteau », déplore-t-elle, appelant à la formation d’un cabinet dont les ministres répondent aux critères de l’indépendance, du courage et de la compétence.
Même son de cloche du côté de Salam Yammout, présidente du Bloc national. « Il est normal de voir les parrains de Hassane Diab le lâcher, parce que les composantes de son équipe ne sont pas indépendantes, comme le voulait le mouvement de contestation, et parce qu’on ne respecte plus ni la Constitution ni les lois en vigueur », dit-elle.
Tout comme Mme Yammout, Hassane Ramadan, membre du comité exécutif de Beyrouth Madinati, confie ne pas être surpris de voir l’heure du départ sonner pour Hassane Diab. À L’OLJ, il explique que M. Diab et son équipe n’ont fait que servir les intérêts du pouvoir en place, comme l’a montré l’épisode des nominations financières. Ils n’ont pas fait preuve d’indépendance, d’où leur échec.
Comment sortir de l’impasse actuelle ? Selon Sami Nader, analyste politique, le gouvernement ne dispose plus des conditions de sa survie, au vu de l’effondrement actuel. Il faut donc opter pour une formule dans le cadre de laquelle le gouvernement serait moins perçu comme celui du Hezbollah, et à même de pouvoir négocier avec le FMI.
commentaires (15)
cet article manque de mentionner (encore une fois!) que le problème mn'est pas avec le Hezb , mais avec les hommes de Berri , que ce dernier empêche de dévoiler les v noms des véritables coupables des larcins commis au sein de la BDL et de l'ABL ! La peur d'être dévoilés par l'audit crée chez Berri et consorts (Siniora , Mikati etc ) une grande panique ! Mais le peuple sait déjà qui a ruiné les finances . Réécoutons le dernier discours de Bifany et faisons attention à tous les mots pronioncés .
Chucri Abboud
17 h 18, le 02 juillet 2020