Critiques littéraires Bande dessinée

Nippones sous-marines

Nippones sous-marines

Ama, le souffle des femmes de Cécile Becq et Franck Manguin, Sarbacane, 2020, 112 p.

Ama, c’est d’abord l’histoire d’une femme, puis d’une famille. Enfin d’une communauté. Tout le long de cet album de 110 pages, ces trois récits se mêlent.

La communauté, c’est celle de l’île de Hegura. Hegura abrite une société où les femmes siègent au cœur de l’activité sociale et économique grâce à la présence des Amas, de fières plongeuses-pêcheuses de coquillages. Chaque jour, elles descendent dans les profondeurs à la recherche d’ormeaux qu’elles revendront ensuite au marché. Leurs maris, complices assistants, sont en charge de la corde qui aidera leurs épouses à remonter à la surface.

La famille, c’est celle de Chitosé. Elle était Ama. Mais elle a suivi un homme vers la capitale. C’est une première et, à Hegura, on lui reproche encore son départ précipité puis le long silence qui s’ensuivit.

La femme, c’est Nagisa. Elle est la fille de Chitosé. Elle est née et a grandi à Tokyo. Aujourd’hui jeune adulte, voilà que sa mère l’envoie contre toute attente sur Hegura afin de se former à son tour au métier d’Ama.

De cette trame, les auteurs, Franck Manguin au scénario et Cécile Becq au dessin, tirent le récit de luttes. Nagisa lutte contre sa nature citadine pour se faire une place parmi les Amas. Les Amas, elles, luttent pour préserver leur dignité qu’il faut chaque jour reconquérir, face au regard d’un Japon ailleurs bien plus patriarcal et face aux avancées technologiques qui rendent leur activité de plus en plus datée.

Ama est un album tout public, dans le sens le plus noble du terme, qui veut qu’une œuvre permette des lectures par couches successives. S’il parle aux adultes de sujets qui les concernent, il n’en demeure pas moins lisible par le jeune lectorat qui saura y trouver les thèmes qui lui sont chers : l’indépendance, le combat pour se faire une place. S’il décrit une réalité difficile, il n’en reste pas moins un récit au ton accueillant, bienveillant. Et, comme par un équilibre qui est celui de la vie, mêle les aspérités des parcours des personnages à la douceur des paysages marins.

Cécile Becq avait proposé en 2019, chez le même éditeur, un album pour la petite enfance, Courons sous la pluie, mettant également en scène le bord de mer : il était alors riche de couleurs chatoyantes. Avec Ama, elle opte pour une manière nouvelle : une ligne claire teintée d’un unique bleu-gris. Le parcours de Franck Manguin, quant à lui, est guidé par sa passion pour le Japon qui l’a mené plusieurs années au pays du soleil levant, avant de revenir, riche de cette expérience, dans un rôle de médiateur culturel.

Dans un contexte de production massive, la démarche des éditions Sarbacane, pleinement engagées dans chacun des livres qu’elles accompagnent, soucieuses également de proposer des livres à la fabrication soignée, dénote : Ama ne fait pas exception. Nous nous réjouissons par avance de la publication prochaine, chez Sarbacane, du premier album de bande dessinée d’une jeune auteure libanaise : Noémie Honein. Nous en reparlerons.

Ama, le souffle des femmes de Cécile Becq et Franck Manguin, Sarbacane, 2020, 112 p.Ama, c’est d’abord l’histoire d’une femme, puis d’une famille. Enfin d’une communauté. Tout le long de cet album de 110 pages, ces trois récits se mêlent.La communauté, c’est celle de l’île de Hegura. Hegura abrite une société où les femmes siègent au cœur de l’activité sociale et...

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