C’est en pleine nuit que six familles démunies et occupant des logements de manière illégale dans le quartier populaire de Badaoui, à Beyrouth, ont été expulsées de leur domicile mardi, vraisemblablement de façon musclée. Filmée puis diffusée sur les réseaux sociaux par Paula Yaacoubian, députée de Beyrouth, la scène a suscité l’émoi et poussé le mohafez de Beyrouth, Marwan Abboud, à geler l’expulsion après avoir pris connaissance des conditions sociales des occupants. Les familles ont donc finalement pu revenir chez elles.
Dans sa vidéo, Paula Yaacoubian filme les familles dans la rue, munies de sacs à dos et de quelques effets personnels. Parmi ce groupe, un homme âgé de 80 ans. « J’avais pris mes médicaments et je dormais. Je n’ai pas entendu quand ils ont donné des coups de pied dans la porte », confie cet octogénaire qui affirme occuper ce logement depuis 45 ans, dans la courte vidéo publiée par la députée. Selon un témoin présent sur place, l’octogénaire était tellement choqué par l’intrusion brutale d’une patrouille de la municipalité de Beyrouth venue l’expulser qu’il n’était plus capable de se tenir debout et qu’il a même failli s’évanouir.
« Ces gens sont dans la rue car la municipalité de Beyrouth a décidé de les expulser en pleine nuit. Bien qu’ils vivent là de manière illégale, ils paient l’eau et l’électricité. Et ils sont là depuis 50 ou 60 ans », explique Mme Yaacoubian dans sa vidéo. « Nous n’allons pas les laisser dans la rue dans ces conditions difficiles, surtout en pleine pandémie du Covid-19 », ajoute-t-elle, visiblement émue. « Je félicite le nouveau mohafez pour cette décision, si c’est bien lui-même qui l’a prise », dit-elle encore, avec ironie.
Contacté par L’OLJ, le mohafez de Beyrouth assure qu’il n’était pas au courant du fait qu’il s’agissait de familles démunies. « Nous sommes revenus sur la décision d’éviction. Nous ne savions pas qu’il s’agissait de gens vivant dans la pauvreté », indique Marwan Abboud. « Ce terrain appartient à la municipalité et nous ne faisions qu’appliquer la loi. Nous avons envoyé une patrouille qui les a expulsés le matin mais ils sont revenus chez eux. La patrouille est revenue dans l’après-midi pour les expulser à nouveau, puis le soir », se justifie M. Abboud. « Je n’étais pas sur place quand ces personnes ont été expulsées mais je n’accepterai pas qu’elles soient victimes d’une injustice, il faut trouver une solution, sans les léser », ajoute-t-il.
« Humainement inacceptable »
Une source de la société civile proche du dossier explique à L’OLJ qu’il s’agit de familles libanaises et d’une famille syrienne qui louent des logements insalubres à un homme exploitant illégalement un terrain appartenant à la municipalité de Beyrouth. Ce dernier est en procès avec la municipalité depuis plusieurs années car il revendique la propriété du terrain en question. La justice a tranché en avril 2019 en faveur de la municipalité de Beyrouth et demandé l’évacuation immédiate du terrain. Quant à l’homme qui continue d’exploiter ce terrain de manière illégale, il n’est pas clair pour l’instant s’il fera l’objet de nouvelles poursuites.
« Nous sommes pour le respect de la loi, mais en préservant la dignité des gens. Ce qui s’est passé mardi soir est humainement inacceptable, estime la source, qui souhaite garder l’anonymat. La patrouille venue expulser ces gens s’est comportée de manière inacceptable, en brusquant les habitants et en s’adressant à eux de manière irrespectueuse. De plus, nous sommes en pleine crise économique et sanitaire. Je ne pense pas que cela soit le moment de mettre ces personnes à la rue », ajoute-t-elle. « Ces familles sont très pauvres, et certaines d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté. Les logements sont dans un état pitoyable. Le mohafez a voulu appliquer la loi, mais c’est la manière dont cela a été fait qui est choquante », confie la source.
L’avocat Nizar Saghieh, directeur de l’ONG Legal Agenda, s’étonne que ces personnes aient failli se retrouver dans la rue, sans aucune alternative. Il rappelle que le Liban est signataire du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dont l’article 11 consacre le droit à l’habitat. « Les États parties au pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris en nourriture, vêtement et logement, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence », peut-on lire sur le site du Haut-Commissariat des Nations unies aux Droits de l’homme (HCDH). « On ne peut pas expulser des personnes sans garanties, surtout s’ils elles occupent les lieux depuis longtemps. En principe, l’État doit intervenir pour reloger ces personnes, d’autant plus qu’elles vivent dans la pauvreté », souligne encore M. Saghieh qui rappelle que le Conseil constitutionnel libanais a également consacré, il y a quelques années, le droit au logement...
commentaires (8)
Tout autre responsable qui a un brin de conscience aurait démissionné après une telle décision Dire je ne savais pas qu’ils étaient pauvre frisé le ridicule La moindre des choses est de se renseigner sur les gens que vous jetez dehors au milieux de la nuit après avoir essayé pendant le jour sans succès de les éjecter LA VÉRITÉ NOMINATION À CE POSTE PAR LA MÊME CLIQUE QUI NOUS GOUVERNE DONNE LE MÊME RÉSULTAT TOUJOURS
LA VERITE
17 h 39, le 25 juin 2020