Rechercher
Rechercher

Politique - Décryptage

Nominations : quand la patience de Berry a raison de l’obstination de Diab

« S’il est vrai que la mobilisation lors des protestations populaires du samedi 6 juin était faible en comparaison avec les précédentes, il faut toutefois compter sur le gouvernement pour la booster ! » C’est ainsi qu’un politicien chevronné a commenté les dernières nominations administratives et financières décidées mercredi en Conseil des ministres. Il faut dire que ces nominations ont été accueillies par de nombreuses critiques, par presque toutes les parties, aussi bien les politiques que celles représentant la société civile. Des remarques ont été ainsi faites sur des irrégularités par rapport aux règlements internes de certaines administrations, mais les critiques les plus violentes ont porté sur le principe du partage des parts qui aurait dicté ces nominations, alors que le président du Conseil avait promis un changement à ce niveau et gelé les nominations financières il y a un mois pour cette raison.

Il faut rappeler qu’au départ, Hassane Diab voulait procéder à ces nominations au plus vite, surtout celles concernant le secteur financier, car elles sont de nature à rendre plus crédible la position du Liban dans les négociations avec le Fonds monétaire international, tout en limitant indirectement les prérogatives du gouverneur de la Banque du Liban, lequel avait eu un clash avec le Premier ministre lui-même.

Mais très vite, le président du Conseil s’était heurté aux exigences des politiques, mais aussi de certaines ambassades qui étaient directement intervenues dans le débat. Toutefois, selon des sources ministérielles, le véritable obstacle avait été dressé par le président de la Chambre, qui à ce moment-là n’avait pas été avare en reproches adressés à Hassane Diab. Nabih Berry avait même rassemblé autour de lui les opposants au gouvernement, comme le courant du Futur et les Forces libanaises, et même poussé son allié au sein du gouvernement le chef du courant des Marada à menacer d’en retirer ses deux ministres (le ministre des Travaux publics et la ministre du Travail). En même temps, le président de la Chambre, qui est certainement le chef de file le plus habile, alternait le chaud et le froid, critiquant ouvertement le gouvernement ou poussant ses alliés à le faire, tout en rendant au Premier ministre d’importants services, comme le refus d’autoriser les discours politiques en début de séance parlementaire de législation ou la demande expresse à ses alliés politiques d’assurer le quorum de ces mêmes séances.

De fait, le président de la Chambre, qui dispose d’un large éventail de relations locales, régionales et internationales, a compris avant tout le monde que l’heure n’est pas à un changement de gouvernement, car il est impossible d’en former un autre dans les circonstances actuelles. Mais cela ne signifie nullement qu’il doive s’incliner devant le chef du gouvernement et le laisser agir à sa guise de sorte à réduire l’influence des partis politiques qui ont contribué à sa prise de fonctions. C’est pourtant bien ce qu’avait essayé de faire Hassane Diab, en mettant en avant le fait que ces mêmes partis ont besoin de lui, parce que s’il s’en va, il ne sera pas possible de lui trouver un remplaçant. Mais c’était mal connaître Nabih Berry, qui dispose de plus d’un tour dans son sac pour amener ses adversaires les plus acharnés à reconnaître l’importance de son rôle.

Le dossier des nominations, en dépit de son importance, a donc été rangé dans un tiroir, alors que la crédibilité du gouvernement a commencé à être sérieusement écornée. Chaque tentative de le rouvrir se heurtait à des obstacles venus de toutes parts, dans un climat de grogne populaire. Les manifestations de samedi et le silence gouvernemental ont encore porté un coup au gouvernement qui n’avait plus d’autre choix pour retrouver un peu d’initiative, que celui de rouvrir le dossier des nominations aux conditions fixées par les partis politiques présents au sein du cabinet, à savoir le CPL, le mouvement Amal, le Hezbollah, le courant des Marada et, à un degré moindre, le PSP.

Pour le CPL, il était important de participer activement au choix des candidats chrétiens d’abord, parce que toutes les critiques lui sont directement adressées à lui et au chef de l’État, et ensuite parce que ce dernier s’était engagé auprès du métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audi, à régler le différend né autour de la quote-part de la communauté grecque-orthodoxe dans les nominations.

En principe, le courant des Marada comptait sur l’appui du président de la Chambre et sur celui du Hezbollah pour obtenir une part dans les nominations. Mais le souci du président de la Chambre était ailleurs. Il voulait obtenir la part chiite, d’abord pour montrer au Premier ministre qu’il reste incontournable, et ensuite pour couper court à ses détracteurs éventuels au sein de sa communauté. Face au climat de plus en plus tendu dans le pays et parce qu’il fallait à tout prix réaliser les nominations pour remettre en selle le gouvernement, le président de la Chambre a obtenu gain de cause et, dans la foulée, le CPL a remporté la mise, tout en respectant les choix du président du Conseil. C’est donc dans le cadre d’un compromis entre ces trois partis principalement que les nominations ont été adoptées et selon le même politicien chevronné cité au début, « leur plus grand avantage c’est qu’elles ont eu lieu ».

D’ailleurs, selon des sources ministérielles, la plus grande partie de ceux qui critiquent les nominations se plaignent en fait parce qu’ils en sont exclus. D’ailleurs, depuis 2005, les nominations n’ont-elles pas toujours été le fruit de compromis de ce genre ? Ainsi, quand on fait partie intégrante du compromis, les nominations deviennent acceptables et lorsqu’on en est exclu, parce qu’on a décidé de rester en dehors du gouvernement, elles deviennent un « détestable partage des parts » ? Le gouvernement compte en tout cas donner un nouvel élan à son action à travers ces nominations, en espérant que les critiques finiront par se calmer, d’autant plus qu’il y a de nombreux dossiers urgents à traiter. Finalement, la patience de Nabih Berry a eu raison de l’obstination de Hassane Diab...

« S’il est vrai que la mobilisation lors des protestations populaires du samedi 6 juin était faible en comparaison avec les précédentes, il faut toutefois compter sur le gouvernement pour la booster ! » C’est ainsi qu’un politicien chevronné a commenté les dernières nominations administratives et financières décidées mercredi en Conseil des ministres. Il faut dire que...

commentaires (5)

Berry a une carrière "pseudo" politique depuis 1984 (qui dit politicien, dit responsabilité, honneur, etc.) alors que Hassane Diab n'en a pas. Et depuis ce temps, il s'en tire avec la justice. Demander cela à tous les avocats obligés de lâcher toutes tentatives de procès.

Alors...

20 h 45, le 12 juin 2020

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Berry a une carrière "pseudo" politique depuis 1984 (qui dit politicien, dit responsabilité, honneur, etc.) alors que Hassane Diab n'en a pas. Et depuis ce temps, il s'en tire avec la justice. Demander cela à tous les avocats obligés de lâcher toutes tentatives de procès.

    Alors...

    20 h 45, le 12 juin 2020

  • Cet article a une grande qualité : il résume en quelques lignes la bassesse de la vie politique au Liban. C’est à en vomir

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 49, le 12 juin 2020

  • ESSAYER DE COMPRENDRE LE RAISONNEMENT / NON JE DIRAIS PLUS, L'ASSURANCE AVEC LAQUELLE S HADAD A PONDU CE PAPIER, OU DE PLUS L'OBJECTIVITE EST REINE, LORSQU'ELLE ASSURE QUE CETTE IGNOMINIE A TJRS ETE APPLIQUEE AU PAYS DES CEDRES ET QUE DONC PAS DE CRITIQUES ACCEPTABLES A BAABDA

    Gaby SIOUFI

    10 h 31, le 12 juin 2020

  • D'UN COTE ""-Il faut dire que ces nominations ont été accueillies par presque toutes les parties "" DE L'AUTRE ""- selon des sources ministérielles, la plus grande partie de ceux qui critiquent les nominations se plaignent en fait parce qu’ils en sont exclus. D’ailleurs, depuis 2005, les nominations n’ont-elles pas toujours été le fruit de compromis de ce genre

    Gaby SIOUFI

    10 h 28, le 12 juin 2020

  • Mme Haddad, Votre analyse ainsi que votre fatalisme de la politique du partage du gateau dans un pays qui a été complètement détruit socialement, financièrement et politiquement par sa classe politique (sans exception) est une insulte a votre profession. Le peuple est fatigué de procédés et entourloupes qui ont amené le pays la ou il est. Ces procédés ne sont plus acceptables ni desirable!!!

    Hanna Philipe

    09 h 35, le 12 juin 2020

Retour en haut