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Moyen-Orient - Grand angle

Guerres d’influence sur les ruines syriennes

Vingt ans après la mort de Hafez el-Assad, le régime est confronté à deux grands défis pour sa survie : une crise économique sans précédent qui pourrait affaiblir son assise auprès de la population qui l’a soutenu tout au long du conflit ; une bataille pour le partage du gâteau entre Russes et Iraniens qui pourrait limiter toutes ses marges de manœuvre. Récit de cette nouvelle page de la guerre.

Guerres d’influence sur les ruines syriennes

Une boutique de souvenirs dans le souk de Hamidiyé de Damas, en 2016. Archives AFP

Sourire béat et bras tendus, Bachar el-Assad gratifie d’une chaleureuse accolade un Vladimir Poutine visiblement moins prompt aux embrassades. Ce mardi 7 janvier 2020, au siège du groupe des forces armées russes à Damas, les deux chefs d’État, entourés de gradés russes, passent en revue les positions et les avancées stratégiques des troupes sur le territoire syrien. Derrière eux, un mur, recouvert de lambris, où est accroché un portrait du « tsar russe ». « Poutine a convoqué Assad à Damas », ironise-t-on dans les rangs de l’opposition.

Dans les seules déclarations communiquées après la rencontre, le président russe constate « qu’un chemin immense a été parcouru vers la restauration de l’État syrien et de son intégrité territoriale ». Une façon de rappeler qu’il y a largement contribué. La mise en scène de la domination du parrain russe sur son « allié » syrien a eu l’effet escompté. Mais là n’est pas l’unique message. Car au même moment en Iran, à Kerman, à quelque 2 500 kilomètres de la capitale syrienne, se déroulent les obsèques du général Kassem Soleimani, tué lors d’une frappe américaine quatre jours plus tôt. Les appels des Iraniens à la vengeance ne font pas les affaires de Moscou, pour qui la Syrie fait partie de son « empire » et où il est hors de question que se tienne une vendetta. La mort du stratège iranien est une opportunité pour l’Ours russe d’accentuer encore son emprise sur Damas au détriment de Téhéran, alors que le partage du gâteau syrien est déjà l’enjeu d’un bras de fer mesuré entre les deux puissances venues au chevet du régime baassiste.

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La guerre n’est pas encore terminée – une partie de la province d’Idleb est toujours entre les mains des forces rebelles –, mais les esprits sont déjà concentrés sur le jour d’après. Le régime, les Russes et les Iraniens ont affiché un front plus ou moins uni dans les moments les plus difficiles du conflit afin d’éviter de perdre la face. Mais maintenant que la partie militaire est pratiquement gagnée, l’alliance se lézarde et les divisions se font de plus en plus visibles. « La situation économique est tellement catastrophique en Syrie qu’elle ne peut plus durer. C’est le début d’un grand changement à cause des désaccords à l’intérieur du clan au pouvoir, et des différends entre la Russie et l’Iran qui vont éclater au grand jour », assure un homme d’affaires syro-libanais.

L’heure n’est pas à l’euphorie. Assad, Poutine et Khamenei règnent sur des ruines. La facture de la reconstruction est estimée à plusieurs centaines de milliards de dollars que personne, au sein du camp prorégime, n’a les moyens de payer. Le pays est à bout de souffle, la crise économique n’a jamais été aussi flagrante, même au plus fort de la guerre. Les langues se délient. La contestation contre la cherté de la vie est de plus en plus visible dans les bastions pro-Assad. « L’ambiance à Damas est morose. L’inflation est galopante et la livre syrienne ne vaut plus rien », déplore un businessman damascène qui a requis l’anonymat.

Entre les mains du tsar

Dans la Syrie d’Assad, chacun tente de tirer la couverture à soi. Les Russes veulent tourner la page de la guerre, stabiliser leurs acquis et faire en sorte que le régime redevienne fréquentable. « Le plus grand challenge pour Moscou est de parvenir à convertir ses succès militaires en dividendes économiques et politiques », résume Alexey Khlebnikov, expert sur le Moyen-Orient au Russian International Affairs Council (RIAC), un think tank proche du pouvoir russe. Les Iraniens voient les choses autrement. Pas question pour eux de négocier avec l’opposition syrienne, ou avec les Occidentaux et les monarchies du Golfe. Leur présence en Syrie est une affaire de survie : une étape indispensable pour consolider leur corridor chiite qui relie Téhéran à la Méditerranée via Bagdad, Damas et Beyrouth.Dans ce climat de lutte pour le pouvoir, où l’omerta est reine, naissent toutes sortes de théories. « Les Iraniens sont-ils en train de plier bagage ? », « Rami Makhlouf veut-il remplacer son cousin Bachar ? », « Poutine est-il prêt à lâcher Assad ? » Comme depuis le début de la guerre syrienne, les antirégime ont tendance à surinterpréter chaque information sur les fragilités du camp loyaliste tandis que les prorégime se comportent comme si la cohabitation entre Moscou, Damas et Téhéran n’était qu’un long fleuve tranquille. La réalité est souvent entre les deux : le bateau tangue et la victoire est loin d’être triomphale. Mais de là à y voir le début de la fin pour Assad, mieux vaut rester prudent.

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Les nouveaux défis auxquels le régime est confronté posent en tout cas une nouvelle fois la question de sa survie. Vingt ans après la mort de Hafez el-Assad, le 10 juin 2000, le sort du dictateur syrien apparaît plus que jamais entre les mains du tsar russe. Fin avril, une série d’articles à charge publiés par plusieurs médias russes critiquant fermement l’État syrien et s’attaquant nommément à Assad ont fait apparaître des fissures dans la relation russo-syrienne. Les premières salves ont été tirées par l’Agence fédérale de presse appartenant à l’homme d’affaires russe Yevgeny Prigozhin, surnommé « le cuisinier de Poutine », qui possède notamment l’entreprise de mercenaires Wagner, très présente en Syrie et en Libye. Les articles qualifient tour à tour Bachar el-Assad de « dirigeant faible », ou le Premier ministre Ibrahim Khamis de « corrompu » et trempant dans de sales affaires de pillage de pétrole. Le président syrien est dépeint comme quelqu’un qui aurait perdu « la confiance de l’élite financière », puisque incapable de lutter contre la corruption. Si certains papiers ont été supprimés sous le prétexte fallacieux qu’ils avaient été publiés par des hackers dans le but d’écorcher les relations russo-syriennes, le mal est fait. « Le chien aboie et la caravane passe », assure l’ambassadeur russe à Damas Alexandre Efimov dans une interview au quotidien al-Watan le 20 mai. Mais quelques jours plus tard, ce même Efimov est nommé représentant spécial du président russe pour le développement des relations avec la Syrie, comme si le maître du Kremlin voulait signifier à son protégé syrien que plus rien ne doit échapper à son contrôle et à son autorité. La prise de distance du Kremlin vis-à-vis des articles « était formulée en termes suffisamment tièdes pour laisser le sentiment qu’il n’était pas mécontent qu’une forme de menace ait été ainsi adressée au régime syrien », analyse Michel Duclos, ancien ambassadeur français en Syrie, dans une note publiée par l’Institut Montaigne. « Les récentes critiques dans les médias russes n’ont rien à voir avec des positions officielles vacillantes. Moscou ne se fait pas d’illusions à propos du régime Assad. Il sait que ce n’est pas le meilleur partenaire qui soit, mais c’est la seule option qu’il ait en Syrie », relativise Alexey Khlebnikov.

L’objectif principal de la campagne médiatique contre le régime semble être liée aux intérêts d’oligarques russes, qui cherchent à s’assurer une place de choix dans la course aux marchés syriens. « La Syrie est un terrain d’essai pour les armes et les politiques russes, mais c’est aussi une manne financière pour le budget frappé par les sanctions occidentales », explique Ruslan Trad, analyste et cofondateur du De Re Militari, un journal basé en Bulgarie.

En raison de la menace des sanctions internationales, le gouvernement russe n’est pas directement impliqué dans les affaires économiques en Syrie, qu’il délègue à une clique qui lui est proche. L’activité commerciale est également « entravée par la corruption et la nature même du régime syrien ». « Le Kremlin comprend cela, quoique tardivement », note Ruslan Trad.

Au lieu de signer des contrats avec Damas, qui n’a pas les moyens de régler la note, les Russes ont préféré faire main basse sur les ressources naturelles du pays, comme le gaz, le pétrole ou le phosphate. Des ressources qu’ils estiment être leur dû et qu’ils lorgnaient bien avant leur intervention en 2015. Deux ans plus tôt, des forces de la compagnie militaire privée Corps slaves avaient été envoyées en Syrie pour combattre aux côtés des forces du régime. « La tâche principale de ces mercenaires était d’établir le contrôle des sites stratégiques », notamment dans les provinces de Homs et de Deir ez-Zor, explique Ruslan Trad. En 2017, la société Stroytransgaz, détenue par le magnat russe Gennady Timchenko, est parvenue à rafler au nez et à la barbe des Iraniens, un contrat d’extraction de phosphates. D’autres entreprises, appartenant à Yevgeny Prigozhin cité plus haut, espèrent quant à elles débuter leurs travaux d’exploration pétrolière et gazière dans le pays. Plus grand producteur mondial de blé, la Russie prévoit également de faire du port de Tartous, où est installée leur base militaire, un « hub vert » afin d’inonder le marché moyen-oriental.

Des portraits de Bachar el-Assad, de Hassan Nasrallah, de Ali Khamenei et de Vladimir Poutine dans la ville de Deir ez-Zor, en 2017. Archives AFP

« L’Iran n’a pas l’intention de se tenir à l’écart »

Les Russes sont les maîtres du jeu, particulièrement dans l’ouest du pays. Ils ont un aéroport militaire à Hmeimim, une base à Tartous, et ont la main sur l’appareil sécuritaire. Surtout, ils sont les seuls à pouvoir parler avec les autres acteurs importants – la Turquie, Israël, les Occidentaux, les monarchies du Golfe – alors que leur présence en Syrie n’est contestée par personne. Leur emprise n’est toutefois pas absolue. « La Russie dispose de quelques leviers, mais je n’irai pas jusqu’à dire, comme c’est souvent caricaturé, que Moscou ordonne et Damas exécute », estime Alexey Khlebnikov. « Les Russes semblent avoir sous-estimé qu’Assad a d’autres cartes en main, comme l’Iran, qui est en Syrie depuis plus longtemps que Moscou », glisse Ruslan Trad.

Les diplomates russes jouent depuis des années sur l’ambiguïté des relations entre les trois acteurs du camp loyaliste. Ils laissent entendre à l’envi qu’ils ne sont pas les seuls décideurs, comme pour se dédouaner de la responsabilité des crimes ou de certaines actions commises par le régime. C’est une posture pratique en temps de guerre, mais qui montre ses limites quand il s’agit de stabiliser le pays. Plus le temps passe et plus les partenaires de la Russie en Syrie apparaissent comme les principaux obstacles à son objectif de gagner la paix. En particulier les Iraniens et leurs milices, dont la présence était essentielle pour la reconquête des territoires, mais qui met désormais en danger les gains acquis au cours de ces dernières années. « Les Russes ne veulent plus des Iraniens en Syrie », assure un diplomate occidental.

Depuis quelques mois, les relations entre les deux puissances sont scrutées à la loupe. Officiellement, pas de déclarations hostiles, mais en coulisses, la compétition est rude. Côté iranien, on tente de faire bonne figure. « Ces histoires de bisbilles ne sont que des rumeurs. Il y a une relation stratégique profonde entre l’Iran et la Russie, dont un des aspects est la Syrie », affirme Fayçal Abdel Sater, un journaliste et politologue proche du Hezbollah. « Les deux (puissances) comprennent que l’échec de cette expérience détruirait la possibilité de toute autre alliance stratégique régionale entre elles », renchérit l’ancien diplomate iranien Seyyed Hossein Mosavian.

Ces derniers mois ont certainement été les pires pour la République islamique qui a dû revoir ses ambitions régionales à la baisse. La mort de Soleimani, la crise du coronavirus, les frappes israéliennes contre ses milices et une économie à plat, notamment en raison des sanctions américaines, ne lui permettent pas de défier la Russie. L’Iran a pourtant bien plus besoin de la Syrie que Moscou. Financièrement, la note est extrêmement salée. Entre 20 et 30 milliards de dollars auraient été dépensés depuis 2011 pour sauver le régime syrien, selon un article de Bloomberg paru fin mai. Des sommes colossales pour un pays à genoux. Dans les médias d’État syriens, pas une semaine ne se passe sans que l’on ne se félicite d’un deal ou d’une coopération accrue dans tel ou tel secteur économique entre l’Iran et la Syrie. De la poudre aux yeux ? Le régime sait mieux que personne faire jouer la concurrence entre ses deux soutiens. Il est par exemple devenu courant que des accords initiaux signés entre Damas et Téhéran ne se matérialisent pas. En 2017, des protocoles d’entente pour l’exploitation de gaz près de Palmyre ont volé en éclats six mois plus tard puisque le gouvernement syrien a finalement cédé le contrat à Stroytransgaz. « L’Iran n’a pas l’intention de se tenir à l’écart et sait que les Russes ne reculeront devant rien pour obtenir la part du lion », estime Ruslan Trad. Les Iraniens se seraient aventurés en « terrain russe » pour tenter d’obtenir du régime le bail du port de Lattaquié en octobre dernier, mais ce dernier serait encore sous influence russe, Moscou n’acceptant pas qu’on aille sur ses brisées. « La compétition entre l’Iran et la Russie se ressent néanmoins beaucoup plus au niveau militaire qu’au niveau économique », avance l’analyste syrien Sinan Hatahet, auteur d’un rapport pour Chatham House paru en 2019 et intitulé « Syrie et Iran : influence économique en Syrie ».

« Ils ne se font pas confiance »

L’Est syrien est le territoire le plus stratégique pour les Iraniens. Le 30 septembre 2019, les médias progouvernementaux syriens célèbrent en fanfare la réouverture du poste-frontière de Boukamal dans l’espoir que cela puisse dynamiser les échanges commerciaux avec le voisin irakien. Pour Téhéran, ce passage est essentiel puisqu’il permet aux milices qui lui sont affiliées, et dont le Hezbollah est la tête de pont, de se déplacer à leur guise d’Irak au Liban. Pour protéger leur pré carré, des milices pro-Iran ont été installées dans plusieurs villes de la campagne orientale de Deir ez-Zor, à l’ouest de l’Euphrate. « Depuis son engagement en Syrie en 2012, la perspective uniquement militaire du Hezbollah s’est muée en perspective économique. Dans les discours de Hassan Nasrallah, il est clair que c’est l’Irak qui les intéresse, c’est pourquoi ils comptent rester présents dans l’Est syrien », rappelle Mohanad Hage Ali, analyste auprès du Carnegie. Des bases militaires ont été construites dans la région, et les familles de centaines de combattants chiites étrangers, afghans, pakistanais, libanais ou irakiens auraient été logées dans des appartements, à Mayadine par exemple, payées par des hommes d’affaires iraniens.

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Dans le centre-ville de Deir ez-Zor, l’aigle russe observe ce va-et-vient qui ne lui plaît guère. Et ferme les yeux quand les Israéliens bombardent des QG iraniens. « À Deir ez-Zor, les relations entre les Russes et les Iraniens se limitent à la coordination. Ils ne se font pas confiance », résume Omar Abou Layla, fondateur du site d’information Deirezzor24. Soleimani écarté, il devient plus facile pour les Russes de marginaliser leur partenaire. « La relation entre les Russes et le Hezbollah est une alliance de circonstance où on combat ensemble sur le front, mais où on ne se fait pas confiance », affirme Mohanad Hage Ali.

Les frappes israéliennes contre les forces pro-Téhéran se sont intensifiées au cours de ces dernières semaines. Elles touchent à nouveau le nord du pays et surtout l’est, alors qu’elles avaient été limitées au Sud par les Russes. « Ce n’est pas un hasard si les systèmes de défense aériens russes n’empêchent pas les avions israéliens de mener des dizaines de frappes sur les positions iraniennes en Syrie », explique Ruslan Trad. La Russie peut compter sur des acteurs déterminés à « faire le ménage » à sa place. Les États-Unis ont assuré qu’ils ne demanderaient pas le départ des bases russes de Syrie, leur objectif étant « uniquement le retrait des forces affiliées à l’Iran ». « La Russie sait très bien que l’Iran sera retiré de la scène syrienne par les Américains et les Israéliens, donc elle ne fait pas beaucoup d’efforts pour négocier avec les Iraniens ou leur céder de l’influence », appuie Omar Abou Layla.

Moscou cherche à se placer comme l’arbitre des conflits. Il semble vouloir éviter la confrontation avec l’Iran, dont il peut encore avoir besoin, mais n’est pas mécontent de le voir affaibli. De là à imaginer un départ prochain des Iraniens, comme l’annonce le gouvernement israélien, mieux vaut, encore une fois, rester prudent. « Il n’y a aucun signe que les Iraniens sont en train de quitter le pays. On voit en fait le contraire », dit Mohanad Hage Ali. Les Iraniens se sont investis récemment dans la bataille d’Idleb et se sont déployés, pour la première fois, aux portes de Deraa. Après des années d’efforts, ils n’abandonneront pas la partie aussi facilement. Quitte à devoir montrer les muscles face à leur partenaire russe. « En fin de compte, les Russes ne font pas partie de l’axe de la résistance », lâche Mohammad Afif Naboulsi, le porte-parole du Hezbollah.

Bachar el-Assad lors d'une rencontre à Téhéran avec le guide suprême iranien Ali Khamenei, le 25 février 2019. Archives AFP

Cour des intrigues

Le régime syrien navigue entre ces eaux troubles. « Les Iraniens sont l’assurance-vie d’Assad », note le diplomate occidental. Le président doit tout à ses deux alliés. Ce sont eux qui l’ont porté à bout de bras alors qu’il était cerné de toutes parts. Malgré cela, il ne peut pas apparaître comme un dirigeant faible prêt à toutes les concessions de peur de perdre en crédibilité auprès de sa base. « Toutes ces vidéos, comme celle de Bachar qui marche derrière Poutine, c’est choquant pour nous. Mais il n’a pas le choix, il est acculé. C’est l’office-boy du président russe », chuchote l’homme d’affaires damascène. Beaucoup fustigent d’ores et déjà l’attribution de secteurs économiques vitaux à des entreprises russes ou iraniennes, qu’ils perçoivent davantage comme des « cadeaux » plutôt que comme des investissements en bonne et due forme. Les articles russes ont excédé l’establishment syrien. « Poutine a davantage besoin d’Assad que l’inverse », lançait récemment, en représailles, dans un message enflammé sur Facebook, le député Khaled el-Abboud. Mais auprès de la population, la présence russe est beaucoup mieux ressentie que celle des Iraniens. « Au souk à Damas, les gens préfèrent dix mille fois un Russe à un Iranien. Les Russes sont discrets, alors que les Iraniens sont venus avec leurs milices », dit le businessman syrien.

Pour mémoire

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En arrière-scène des bras de fer géopolitiques, Damas ressemble de plus en plus à une cour des intrigues où les cercles du pouvoir se déchirent. La guerre a permis à une escouade financière d’accentuer son emprise sur l’économie syrienne. Ces nouveaux hommes d’affaires acoquinés avec le régime, dont ils servent les intérêts, sont de véritables courtisans trempant dans toutes les combines. Rami Makhlouf, cousin milliardaire de Bachar, en sait quelque chose. Mais depuis que l’État a décidé de s’en prendre à lui, l’homme ne se tait plus, lavant même son linge sale en public. Sur Facebook, il pousse des cris d’orfraie, refusant de payer des sommes présentées comme des taxes au gouvernement. « Ça fait des dizaines d’années qu’il vole à tout-va, et aujourd’hui, il joue au pauvre. Il nous donnerait presque envie d’aller faire la quête pour lui », ironise l’homme d’affaires damascène. Il s’avère que le régime veut renflouer ses caisses en récupérant de l’argent là où il se trouve, mais on dit surtout qu’Asma, l’épouse du président, cherche à assurer l’avenir de sa progéniture.

Le régime a d’autres hommes d’affaires dans sa manche. Et le détroussage de l’homme le plus fortuné du pays laisse le champ libre à ces rapaces à l’affût, tels que Samer Foz ou Mohammad Hamcho. Ces businessmen en orbite autour du pouvoir savent qu’il leur faut manger à tous les râteliers. « Ces gens-là veulent tout acheter », lance l’homme d’affaires damascène, comme s’il s’agissait d’un jeu de Monopoly. Avec les Iraniens, ils doivent montrer patte blanche, développer des relations plus personnelles, rencontrer des figures religieuses. « Les Iraniens font attention à ces choses-là », décrit Sinan Hatahet. Mais là encore, Moscou garde l’avantage. « Au final, ces businessmen préfèrent s’acheter un penthouse à Moscou plutôt qu’à Téhéran », plaisante Mohanad Hage Ali.

Sourire béat et bras tendus, Bachar el-Assad gratifie d’une chaleureuse accolade un Vladimir Poutine visiblement moins prompt aux embrassades. Ce mardi 7 janvier 2020, au siège du groupe des forces armées russes à Damas, les deux chefs d’État, entourés de gradés russes, passent en revue les positions et les avancées stratégiques des troupes sur le territoire syrien. Derrière eux, un...

commentaires (6)

Très bel article félicitation , vive la Russie , vive Putin

Eleni Caridopoulou

17 h 31, le 10 juin 2020

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Commentaires (6)

  • Très bel article félicitation , vive la Russie , vive Putin

    Eleni Caridopoulou

    17 h 31, le 10 juin 2020

  • ARTICLE TRES TRES INTERESSANT ET TRES OBJECTIF. IL DECRIT LES REALITES TELLES QUELLES DANS LA SYRIE DETRUITE D,AUJOURD,HUI. MERCI DE NOUS L,AVOIR PRESENTE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 15, le 10 juin 2020

  • Très bel article qui donne une certaine image de ce qui se joue en Syrie. J'ajoute que les Russes ne serait jamais intervenus en Syrie sans le consentement implicite des Etats Unis et des pays occidentaux. Il y a une manne gazière dans l'est méditerranéen a exploiter et elle doit servir a tout le monde pour soutenir le système économique mondial en perte de vitesse ces derniers temps. Jamais les puissants de ce monde, Américains, Européens, Russes ou Chinois ne permettront de laisser la gérance de cette richesse entre les mains de dictateurs comme Bashar, Saddam ou Khamenei, ou entre les mains de terroristes comme le Hezbollah, ISIS etc... L'Irak et la Syrie a genou, l'Iran et le Liban au bord de le catastrophe, il reste encore a mettre au pas la Turquie. A chaque jour suffit sa peine, attendons de voir ou va nous mener le fil des événements...

    Pierre Hadjigeorgiou

    13 h 34, le 10 juin 2020

  • Excellente analyse de la situation et des enjeux.

    Julien-Laferrière Pierre

    09 h 39, le 10 juin 2020

  • Bon article bien recherché et analysé.

    Mon compte a ete piraté.

    08 h 46, le 10 juin 2020

  • Un vrai jeu de Monopoly .En effet les syriens avec les Iraniens, ils doivent montrer patte blanche, avec la Russie offrir leurs ressources , mais le dollar américain tient toute l’Economie et la caisse . La Syrie sera-t-elle donc divisée ?

    Antoine Sabbagha

    08 h 27, le 10 juin 2020

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