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Société - Liban

La contestation reprend, mais dans un contexte explosif

Des milliers de personnes rassemblées Place des martyrs reprennent les seuls slogans de la révolution. 



Photo Joao Sous

C’est une phase nouvelle que le mouvement de contestation populaire du 17 octobre 2019 a lancée hier avec la reprise des manifestations, mais dans un contexte nouveau, explosif et semé d’embûches, comme l’ont montré les événements qui ont suivi tard en soirée le rassemblement de la Place des martyrs.

Depuis la crise du coronavirus qui a plongé le pays dans l’immobilisme jusqu’à la reprise d’une activité quasi-normale, la semaine dernière, les partis au pouvoir ciblés par la contestation ont apparemment eu le temps de réorganiser leurs rangs face à une rue toujours aussi déterminée à obtenir leur chute. Ce sont eux qui sont accusés d’avoir greffé, par le biais des renseignements, l’appel à l’application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité aux revendications de la contestation. Toutes les composantes du mouvement de contestation s’accordaient à réclamer le départ d’une structure étatique qu’ils accusent de corruption, l’indépendance de la justice et la récupération des fonds publics détournés, en évitant soigneusement les slogans qui divisent, comme le désarmement du Hezbollah.


Photo Joao Sousa


On ignore jusqu’aujourd’hui qui a lancé, il y a une dizaine de jours, l’appel à manifester le 6 juin contre les armes illégales. Cela a, du coup, embarrassé les différentes mouvances du mouvement du 17 octobre qui évitaient les slogans susceptibles de provoquer une polarisation communautaire ou politique. La force de ce mouvement réside en effet dans sa diversité, sa cohésion autour de slogans qui transcendent les clivages traditionnels et son unité face à l’ensemble de la classe politique. Ce sont aujourd’hui cette cohésion et cette unité qui sont mises à rude épreuve à cause des démons politiques et communautaires réveillés par l’appel à l’application de la 1559, donc au désarmement du Hezbollah, que des personnalités et des courants hostiles à la formation chiite et qui se revendiquent de la Thawra s’étaient empressés de reprendre à leur compte.

« Il est regrettable que les partis de la gauche soient tombés dans le piège », commente, Place de l’Etoile, la jeune Sandra, en référence aux divergences au sein de la contestation sur l’opportunité de prendre part au rassemblement de la Place des martyrs, à cause de l’appel à la 1559. La veille, Saïda, un des épicentres de la contestation du 17 octobre, avec Tripoli, s’était désolidarisée de Beyrouth et avait manifesté seule en appui aux revendications premières du mouvement, alors qu’à Tripoli, des accrochages s’étaient produits entre des activistes favorables à l’application de la 1559 et d’autres qui jugent inopportune cette revendication dans les circonstances actuelles.


Photo Joao Sousa


Hier, au centre-ville de Beyrouth, les partisans de la gauche traditionnelle qui occupaient normalement la Place Riad el-Solh et qui étaient facilement reconnaissables à leurs slogans, étaient absents. Ils avaient refusé de s’identifier à un appel occulte et mis en garde contre les slogans qui risquent de provoquer une polarisation communautaire et politique.

Il est cependant important de relever qu’en dépit de cette absence, plusieurs milliers de personnes ont investi le centre-ville de Beyrouth. Aucun groupe n’a cependant appelé à l’application de la 1559, du moins jusqu'à ce que les heurts commencent entre les protestataires de la Place des martyrs et les jeunes de Khandak el-Ghamik (partisans d’Amal et du Hezbollah). C’est à ce moment-là que les insultes et les accusations de tous genres ont fusé entre des jeunes sunnites et chiites. Elles devaient se poursuivre en soirée, menaçant d’une discorde sunnito-chiite, qui a fait intervenir l’ancien Premier ministre, Saad Hariri, Dar el-Fatwa, le Hezbollah, la Jamaa islamiya et plusieurs autres. Tous ont mis en garde contre une grave discorde qui a pointé du nez du fait des propos injurieux tenus par de jeunes chiites à l'égard de Aïcha, l'épouse du Prophète. Cette tension s’est par ailleurs étendue jusqu’au très sensible secteur de Chiyah-Aîn el-Remmaneh qui a été le théâtre de remous à cause d’une incursion et de provocations auxquelles des jeunes partisans du Hezbollah à Chiyah se sont adonnées avant que l’armée n’intervienne.

La manipulation de la fibre communautaire pour essayer de briser un mouvement de protestation s’avère ainsi être un jeu dangereux contre lequel plusieurs composantes de la rue devaient mettre en garde à différentes occasions.

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L’ambiance, Place des martyrs hier, était tout à fait le contraire de ce que les forces occultes ont essayé de distiller. De manière générale, les slogans étaient identiques à ceux qui étaient scandés durant les rassemblements de l’automne et de l’hiver derniers. Les manifestants ont réclamé le départ du président Michel Aoun, la chute du gouvernement « faussement indépendant » et de « toute la structure corrompue ». Les quelques pancartes brandies faisant référence à des résolutions du Conseil de sécurité appelaient à l’application de la 1680 (17 mai 2006) relative à une délimitation des frontières libano-syriennes. L’une d’elles réclamait l'application de toutes les résolutions relatives au Liban, dont la 1559. « Il est vrai que les armes du Hezbollah empêchent l’édification d’un Etat au vrai sens du terme et cautionnent la corruption, mais nous savons parfaitement bien que ce n’est pas à notre niveau qu’une solution peut intervenir », reconnaît Imad, venu de la Békaa. Qui a donc appelé à manifester pour la mise en œuvre de la 1559 ? Les réponses fusent, naturellement : « C’est l’œuvre des services de renseignements ». « C’est une bombe qui a été lancée en notre direction, dans l’espoir qu’elle provoquera une implosion du mouvement de protestation. Nous devons être très vigilants et ne pas tomber dans le piège que le pouvoir nous tend », souligne Malek.



Photo Joao Sousa


« Les partis au pouvoir sont en train de tout faire pour éviter que le mouvement ne revienne en force. Pour barrer la voie à un tsunami populaire qui risque de les emporter, ils ont sorti de nouveaux slogans comme le problème des armes (illégales) mais il est évident que ce n’est sûrement pas sur les places publiques que ce sujet doit être traité, mais sur les tables de négociations », commente pour sa part Pierre Issa, secrétaire général du Bloc national, une des principales composantes du mouvement du 17 octobre. Il explique que « les groupes constitués au sein de la contestation sont en train de s’organiser dans le cadre d’un front politique d’opposition » et il juge « prématuré de parler d’élections anticipées, tant que les partis au pouvoir contrôlent les pouvoirs exécutif, législatif, sécuritaire et judiciaire ». Ce qu’il faut en priorité, selon lui, c’est la formation d’un gouvernement « réellement indépendant doté de pouvoirs législatifs » afin de préparer la voie à l’organisation des législatives sur base d’une loi électorale équitable.

C’est une phase nouvelle que le mouvement de contestation populaire du 17 octobre 2019 a lancée hier avec la reprise des manifestations, mais dans un contexte nouveau, explosif et semé d’embûches, comme l’ont montré les événements qui ont suivi tard en soirée le rassemblement de la Place des martyrs.Depuis la crise du coronavirus qui a plongé le pays dans l’immobilisme jusqu’à...

commentaires (9)

C’est en fait tout un régime articulé autour d’une bande de cinq partis : Hezbollah Amal CPL PSP Futur qui est ce pion, car les trois premiers sont intrinsèquement liés à l’ennemi assadien et défendent explicitement les armes illégales, et les deux derniers ont largement collaboré avec cet ennemi par le passé et partagent leurs intérêts clientélistes avec les trois premiers.

Citoyen libanais

16 h 41, le 07 juin 2020

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Commentaires (9)

  • C’est en fait tout un régime articulé autour d’une bande de cinq partis : Hezbollah Amal CPL PSP Futur qui est ce pion, car les trois premiers sont intrinsèquement liés à l’ennemi assadien et défendent explicitement les armes illégales, et les deux derniers ont largement collaboré avec cet ennemi par le passé et partagent leurs intérêts clientélistes avec les trois premiers.

    Citoyen libanais

    16 h 41, le 07 juin 2020

  • La présence d’armes en dehors de l’armée devient un problème à partir du moment où l’utilisation de ces armes échappe au contrôle de l’état. Tout le monde sait que l’allégence idéologique du parti qui détient ces armes va à l’Iran et non au Liban. Mais le Liban et l’Iran étant deux pays éloignés, cette anomalie n’aurait pu se produire et ne peut se perpétuer sans un troisième acteur qui lui partage une longue frontière avec le Liban.. C’est ce médiateur indispensable qui définit en fait l’objectif réel de ces armes. Or que voyons-nous depuis 2011 et encore plus depuis 2013 ? C’est le Hezbollah qui a été la pièce maîtresse pour fédérer les masses chiites du monde entier pour la cause de la défense du régime de Assad contre ses propres masses sunnites. Il est donc raisonnable de penser que l’ennemi assadien, quand il a importé au Liban en 1982 les pasdaran à l’origine du Hezbollah, avait déjà en vue cet objectif, n’ayant pas en Syrie même les masses humaines pour le défendre face aux masses de sunnites déshéritées. L’ennemi assadien ne peut survivre qu’en entretenant au Liban une force d’obédience iranienne destinée à le défendre, et donc qu’en parasitant le Liban, voilà pourquoi cet ennemi est si pernicieux. Ces armes sont bien sûr la cause et non la conséquence de la décadence de l’état libanais, mais cause EN TANT QUE subordonnées à la défense de l’ennemi assadien plutôt que du Liban. Mais le Hezbollah n’est pas le seul pion de l’ennemi assadien qui reste au Liban.

    Citoyen libanais

    16 h 37, le 07 juin 2020

  • IL EST A CRAINDRE AVEC LES INTERVENTIONS DES VOYOUS MANIPULES ET BIEN CONNUS QUE L,ON PERDE LE CONTROLE DE LA SITUATION.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 20, le 07 juin 2020

  • inutile que nous nommions explicitement les armes de HN puisqu'elle font partie de ces 30 dernieres annees de crimes commis contre les citoyens , decries par ceux la memes qui les ont commis. deja que kelloun incluait cet arsenal tt comme leurs autres arsenals utilises pour nous assassiner , qu'ils le veuillent ou pas. alors contentons nous de trouver un slogan plus sympa qui les rendraient d'autant plus furieux. laisser a leurs partisans l'illusion qui les bernent depuis si longtemps. les priver eux d'un pretexte aussi futile qu'ils en seront desarmes.

    Gaby SIOUFI

    11 h 57, le 07 juin 2020

  • pour un libanais ,ce qui doit etre le plus important ,n'est ce pas que son pays se relève et offre à ses citoyens une vie décente ? cela passe par les réformes que certains refusent de faire;mais les citoyens sont plus nombreux à le vouloir et surtout ,ne l'oublions pas ,ce sont eux qui font un pays ,avec leur courage et leur travail!j.P

    Petmezakis Jacqueline

    09 h 12, le 07 juin 2020

  • Echec cuisant de la révolution d’octobre cette fois-ci . 6 juin 2020 on a lancé des slogans dans le vide mais seule la foire et la violence ont triomphé . Triste.

    Antoine Sabbagha

    08 h 19, le 07 juin 2020

  • Il ne sert plus de se cacher derrière le slogan " pour combattre l'ennemi ", en gardant les armes illégales qui sont toujours une menace, et parfois utilisées pour réaliser des abus vis à vis des autres citoyens. Ces mêmes armes profitent à une fraction de la population pour empêcher les réformes urgentes pour redresser l'économie du pays d'une part, et pour combattre la corruption d'une autre part, et une menace pour la justice. Il faut cesser de mentir et de parler d'unité nationale tant que tous les citoyens ne sont pas au même niveau d'égalité et de droits. Un risque réel pour l'unité et la paix civile.

    Esber

    06 h 15, le 07 juin 2020

  • y en a qui tirent les ficelles) et ce, pour faire avorter dans l'oeuf la nouvelle contestation. Ils lancent "eux-mêmes" des rumeurs sur le désarment des milices et mafias privées pour faire dévier la contestation de son trajectoire d'origine. Là, on va entendre bientôt l'un des 2 ( l'officiel de la république ou l'autre officieux de la planque, celui qui décide et tranche au final ) soit les 2 ? qui vont dire un truc du genre " on vous avait prévenus".

    LE FRANCOPHONE

    02 h 44, le 07 juin 2020

  • Je persiste et signe ce que je m'evertue à répéter depuis le 17 octobre : Les révolutionnaires participent sans le savoir au complot américano-sioniste qui vise à anéantir définitivement le Liban en tant qu'Etat ... Le pire c'est qu'ils continuent ! Cette ineluctable et inexorable guerre civile , qui sera interminable et devastatrice , est programmée et préparée bien à l'avance par des services secrets proches de certains revolutionnaires libanais traitres , est en train d'etre declencjee même si l'armée a barré la route de Damas avant la place des martyrs , attendez-vous a une guerre meurtrière , afin que les refugiés syriens et les daechiens de Achraf Rifi viennent a partir de Tripoli participer a la bataille, avec la collaboration des refugiés palestiniens , tous sunnites , qui reclameront le pouvoir au Liban Le bus de Ain Remmaneh bis !! ça risque de péter et de déclencher la guerre civile ! Vive le 17 Octobre, continuez ! A dire vrai, je ne suis pas encore documenté sur les vraies intentions de Saint Vladimir vis á vis des israeliens

    Chucri Abboud

    01 h 25, le 07 juin 2020

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