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Culture

Le malaise, en huit séries made in USA

Pouvons-nous déjà parler d’une Amérique pré et d’une Amérique post-George Floyd ? La mort de l’Afro-Américain de 46 ans, étouffé par un agent de police blanc lors de son interpellation le 25 mai dernier à Minneapolis, dans l’État du Minnesota, a déclenché un tsunami de réactions, de manifestations, qui ont parfois dégénéré en émeutes, d’indignation comme autant de souffrances, de colère et de frustrations longtemps enfouies et remontées subitement à la surface. Les séries télé, mode d’expression artistique moderne par excellence, ont pourtant bien disséqué les malaises – des plus évidents aux plus insidieux – de la société américaine. En voici une sélection de huit, pour aider à comprendre les racines du mal.

Michael Jordan, star de « The Last dance ». DR

« Dear white people », écoutez bien ces témoignages

« Dear White People ».

Sur Netflix où elle est diffusée, la série Dear white people a vu ses demandes de visionnement augmenter de 329 % en une semaine seulement après le meurtre de George Floyd et le début des manifestations scandant le slogan Black lives matter, traduisant sans doute une soif de comprendre comment le racisme se manifeste dans la vie de tous les jours aux États-Unis. Cette série satirique, dont le titre suggère une lettre adressée à la communauté blanche, suit les tribulations et les confessions d’un groupe d’étudiants black dans une université de la Ivy League où la grande majorité des élèves sont des WASP. L’élément déclencheur et la goutte qui fait déborder le vase ? Une party, où les fêtards « blancs » portent des masques à l’effigie de personnes « noires ». Suivez le regard du réalisateur Justin Simien… Faut-il ajouter que le mot « label » est prononcé presque autant que le mot « hello » ?

« The last dance » et les enjeux du basket noir

Michael Jordan, star de « The Last dance ». DR

The Last Dance, docu-série Netflix, revient sur l’extraordinaire carrière du basketteur Michael Jordan et s’articule autour de la « dernière danse » des Chicago Bulls, en 1997-98. Mais elle révèle aussi et surtout le paradoxe du basket-ball nord-américain, terrain de prédilection des Afro-Américains portés aux nues par les millions de fans alors que leur communauté est toujours victime de ségrégation. Mais les sportifs de haut niveau sont-ils eux-mêmes protégés du racisme? La réponse pourrait se trouver dans la réaction de Jordan à la mort de George Floyd et aux meurtres d’Afro-Américains par les forces de sécurité. « Je suis profondément attristé, véritablement en souffrance et totalement en colère », a déclaré l’ancienne superstar de la NBA, qui n’a pas mâché ses mots allant jusqu’à parler de « racisme enraciné » dans la société américaine.

« Pose », le bal des minorités

Indya Moore est Angel dans la série « Pose ». DR

Pour sa plus récente création, Pose (sur Netflix), le réalisateur Ryan Murphy, qui s’est fait connaître avec Glee et Nip/Tuck, a choisi de rendre un double hommage à la scène du voguing (style de danse urbain) dans le New York des années 80 et 90 où les principaux acteurs étaient des minorités afro-latino gay et trans. Double hommage, car d’une part chacune des deux saisons offre un billet d’entrée à ces fameux bals au cours desquels des Houses (familles) disputaient les trophées à coups de tenues extravagantes et performances tout aussi éblouissantes. Et d’autre part car Pose documente avec précision le quotidien de la communauté gay et afro-latino au cœur d’un New York en butte à la brutalité du racisme, à l’homophobie et à la transphobie. Une micro-fresque sociale où le courage et le glam font face à l’injustice et au racisme.

« Succession », avidité et pouvoir

La famille Roy dans « Succession ».

Selon la critique américaine, c’est le « feuilleton idéal à regarder sous l’ère Trump ». La série réalisée par Jesse Armstrong et produite par HBO est interprétée par un ensemble d’acteurs magnifiques comme Brian Cox, Jeremy Strong et pas que… Elle livre une brillante analyse de ces dynasties de milliardaires dysfonctionnelles comme celle de Donald Trump ou Rupert Murdoch. L’inspiration y est souvent flagrante. La riche et puissante famille Roy, composée du patriarche Logan et de ses quatre enfants, contrôle l’un des plus gros conglomérats de médias du monde. Quand le père, qui semblait infaillible, a un accident de santé, les quatre enfants vont se poser des questions sur la succession. Querelle des anciens et des nouveaux, pouvoir et abus de pouvoir, c’est une galerie de portraits souvent odieux mais séduisants qu’on regarde avec un plaisir énorme.

« Mrs America » ou le combat des féministes

Sublime Cate Blanchett dans « Mrs America ». DR

Qui de mieux que Cate Blanchett pour incarner le rôle si complexe de Phyllis Schlafly, cette militante antiféministe qui mena une guerre contre l’Equal Rights Amendment ? Personne. La série Mrs America (sur Hulu) de Dahvi Wahler le prouve d’un point de vue cinématographique tant la performance de Blanchett laisse bouche bée. Mais en plus de retracer magistralement le parcours de cette femme redoutable, républicaine et anticommuniste, la série montre le combat des féministes américaines des années 70 dont Gloria Steinem, Bella Abzug, ou encore Shirley Chisholm, première femme noire élue au Congrès en 1968. Une série puissante et nécessaire à l’heure où les inégalités entre hommes et femmes restent malheureusement d’actualité aux États-Unis, malgré les promesses du mouvement #MeToo…

« When they see us », tout y est

Jharell Jerome dans « When they see us ». DR

Voilà bien une mini-série qui donne envie de se révolter… La politisation de la justice américaine, les violences policières contre les minorités ethniques et leurs droits bafoués, la ségrégation et l’enfermement des quartiers défavorisés, l’hypocrisie des procureurs, le grégarisme des masses, tout y est. Inspirée d’une histoire vraie, When they see us (Netflix) de Ava DuVernay, relate, en quatre épisodes, la célèbre affaire de la joggeuse de Central Park sauvagement agressée et violée dans la nuit du 19 avril 1989 à New York. Leur culpabilité ne faisant aucun doute pour la police, cinq jeunes ados afro-américains âgés de 14 à 16 sont arrêtés et jugés, pourtant sans preuves tangibles. Une erreur judiciaire qui ruinera la vie de ces jeunes pour lesquels Donald Trump (qui, décidément, n’en rate pas une…), alors « simple » milliardaire, demandait dans les journaux la peine de mort.

« Modern Love », l’amour et ses aléas

Anne Hathaway et Gary Carr dans « Modern Love ». DR

L’idée découle d’une rubrique du New York Times dans laquelle des écrivains, journalistes et autres lecteurs et lectrices lambda étaient invités à soumettre des histoires sur le thème de « l’amour, la perte, la rédemption ». Parmi les centaines de récits parus dans les pages du quotidien, le réalisateur John Carney a choisi d’en retenir huit qu’il a ensuite adaptés dans une série (Amazon Prime Video), dont le casting prestigieux compte entre autres Anne Hathaway, Andy García et Sofia Boutella. À travers ces huit courtes histoires, celle d’une femme qui surmonte sa grossesse grâce à sa relation platonique avec le portier de son immeuble, d’une jeune femme qui se bat contre sa bipolarité pour trouver l’amour, ou de la relation ambiguë d’un patron avec une jeune employée, Modern Love cartographie tendrement et précisément toutes les nuances de l’amour, et surtout ses aléas, dans l’Amérique d’aujourd’hui…

« Hollywood », pour de faux

« Hollywood ».

Le 7e art made in USA après 1945, du temps des lois Jim Crow (instaurant une ségrégation raciale stricte dans les États du sud des États-Unis), est le miroir de la société américaine : rempli d’inégalités et empreint d’un profond racisme, il ne met en avant que des personnages blancs, lisses. Les acteurs de couleur sont mis à l’écart ou assument des rôles secondaires. Anna May Wong est discriminée en raison de ses origines chinoises. Rock Hudson reste « dans le placard » pour préserver sa carrière... Ces personnages et d’autres encore sont totalement réinventés dans Hollywood, la série de Ryan Murphy et Ian Brennan. Comme pour gommer, dans la fiction, les défauts d’une histoire réelle et injuste.



« Dear white people », écoutez bien ces témoignages« Dear White People ».Sur Netflix où elle est diffusée, la série Dear white people a vu ses demandes de visionnement augmenter de 329 % en une semaine seulement après le meurtre de George Floyd et le début des manifestations scandant le slogan Black lives matter, traduisant sans doute une soif de comprendre comment le...

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