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Culture - Entretien

« La culture au Liban c’est 5 % du PIB, soit plus d’un milliard USD de chiffre d’affaires »

En cette période de crises économique et sanitaire, l’Institut français du Liban et le ministère de la Culture lancent un sondage en ligne visant à dresser un état des lieux de la situation économique des acteurs culturels au Liban. Les précisions de Véronique Aulagnon, directrice de l’IFL.


Le questionnaire en ligne lancé par l’IFl et le ministère libanais de la Culture a pour but de « cerner les besoins des acteurs du monde culturel et d’adapter les soutiens nécessaires », souligne Véronique Aulagnon. Photo Michel Sayegh

Encore ce constat désolant de la maladie endémique qui étouffe chaque jour de plus en plus le Liban. Le pays tourne à vide, les entreprises ferment, les licenciements se multiplient, la population, à bout de souffle, survit plus qu’elle ne vit. Aucun secteur d’activité ne semble épargné et le monde culturel, complètement à l’arrêt depuis le début du confinement, suit la pente dans laquelle s’enfonce le reste du pays. « La situation économique des acteurs culturels semble catastrophique, parce que le Liban, comme chacun le sait, est victime d’une double crise. D’abord, il y a eu la crise économique, et ensuite celle du Covid-19, qui est venue comme un coup de massue. Le secteur culturel est aujourd’hui très éprouvé : nous ne recevons que des échos négatifs, que ce soit de la part de ceux qui font du spectacle vivant, de ceux qui font de la musique, des artistes, ou de ceux qui gèrent des lieux culturels », s’inquiète Véronique Aulagnon, directrice de l’Institut français du Liban.

« L’urgence actuelle, c’est évidemment pour nous de soutenir la scène culturelle libanaise pour sauver ce qui peut l’être et aider les gens à traverser la période qui vient », poursuit-elle. Face à cette pressante nécessité, le ministère de la Culture et l’Institut français du Liban ont lancé une consultation en ligne sur la situation des acteurs culturels libanais. Le questionnaire, disponible en français, arabe et anglais, a pour but de « cerner les besoins des acteurs du monde culturel et d’adapter les soutiens nécessaires », d’après le communiqué accompagnant le document. Les réponses seront traitées automatiquement, compilées avec chiffres et statistiques, afin de dégager les propositions les plus pertinentes et les plus viables : « Nous souhaitons être le plus transparents possible, même lorsque nous ferons un travail de synthèse sur la dernière question du sondage qui porte sur les propositions et suggestions des particuliers dans le domaine de la culture », assure Véronique Aulagnon. « À l’origine, nous nous sommes interrogés sur les manières d’accompagner le secteur culturel pendant la crise que nous traversons. On voulait avoir une approche un peu plus systémique donnant un diagnostic pouvant être utilisé comme argumentaire, afin de réadapter nos moyens d’intervention. » Si ce diagnostic devra, à terme, permettre de proposer un soutien direct aux structures concernées et éventuellement inciter le gouvernement à débloquer des subventions, la directrice de l’Institut français ne cache pas son inquiétude : « Nous espérons que les maigres financements dont le ministère de la Culture disposait pour appuyer la scène culturelle ne seront pas supprimés. » Selon elle, un des symptômes de la gravité de la période que nous vivons au niveau culturel, c’est « l’exil forcé de certains artistes qui avaient toujours dit qu’ils ne partiraient pas de leur pays et qui pourtant y sont contraints aujourd’hui ».

« Nous faisons tout pour que la culture reste vivante »

Véronique Aulagnon rappelle qu’un des objectifs de l’IFL réside dans le soutien de la scène culturelle émergente libanaise, « en soutenant des structures ou en aidant à la création », tout en encourageant les relations bilatérales avec la France. En ce sens, malgré le confinement, l’Institut n’a pas chômé. « Depuis des semaines, nous faisons tout pour que la culture reste vivante : après avoir souligné à notre public toutes les productions culturelles qu’ils pouvaient suivre de chez eux, nous avons proposé des ateliers de BD en ligne, de bricolage, de cuisine, de visite virtuelle de musée… et nous allons continuer à le faire », martèle la directrice. Pourtant, l’Institut a aussi subi plusieurs revers : le Salon du livre a été annulé à l’automne passé, le Festival jeunesse du Mois de la francophonie aussi. La fête de la Musique au Bois des Pins ne pourra pas avoir lieu, le festival « Ciné caravane » a été aussi annulé... « Nous nous projetons donc sur l’automne : nous organiserons un festival autour de la BD en octobre, sur le thème de la révolution, en partenariat avec Lyon-BD. L’idée n’est pas seulement de faire venir des artistes français, mais avant tout de soutenir des artistes libanais », révèle Véronique Aulagnon.

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Un début de solution pour sauver le secteur culturel ?

D’ailleurs, pour promouvoir le développement de la culture locale, l’Institut a lancé l’année dernière, avec les aides du ministère français des Affaires étrangères, un programme baptisé « Culture plus » qui a permis d’accorder des subventions entre 20 000 et 40 000 euros à treize structures culturelles libanaises. « Pour les projets à venir, nous allons appuyer un certain nombre de groupes de musique, que nous allons sélectionner avec l’aide d’institutions musicales libanaises, pour les aider à passer le cap. On en sélectionnera cinq ou six pour leur attribuer des subventions. Pour la question des arts plastiques, nous allons commissionner un travail de réalisateurs locaux afin d’initier un travail de portraits d’un certain nombre de plasticiens libanais. L’idée est de donner de la visibilité à ces artistes, tout en soutenant les réalisateurs locaux », précise la directrice.

Finalement, la grande peur, c’est que la culture passe à la trappe dans les futurs budgets de l’État : « C’est pourquoi avec Culture plus, nous avons commencé à faire un travail d’analyse du secteur culturel au Liban, ce qu’il représente en termes économiques pour aboutir à des réformes fiscales réglementaires dans ce domaine. Ce secteur n’est pas aidé, les réglementations lui sont mêmes défavorables. Nous avons commissionné cette étude à l’Institut des finances Bassel Fleyhane, sur financement de l’Agence française de développement (AFD). Ce travail, qui sera terminé à l’automne prochain, nous a déjà amenés à la conclusion que la culture au Liban c’est 5 % du PIB, soit plus d’un milliard de dollars de chiffre d’affaire, et six mille entreprises. » Et évidemment, le questionnaire actuellement en ligne va dans le sens de cette étude : il s’agit de chiffrer pour mieux comprendre les enjeux actuels d’un secteur à la fois important et trop souvent négligé, et qui souffre plus que jamais en cette période des plus compliquées…

Encore ce constat désolant de la maladie endémique qui étouffe chaque jour de plus en plus le Liban. Le pays tourne à vide, les entreprises ferment, les licenciements se multiplient, la population, à bout de souffle, survit plus qu’elle ne vit. Aucun secteur d’activité ne semble épargné et le monde culturel, complètement à l’arrêt depuis le début du confinement, suit la pente...

commentaires (4)

Je me demande ce qu'on met dans ce milliard. Déjà c'est en coût, en valeur sociale, en billetterie ? Par exemple, l'orchestre national qui joue pour l'essentiel aux frais du contribuable et pratiquement sans un sou des usagers, je suppose qu'on le compte surtout pour ce qu'il coûte. Tout ça pour dire que ce milliard, s'il existe, c'est sans doute en grande partie de l'argent public et pas de chiffre d'affaire.

M.E

16 h 27, le 29 mai 2020

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Commentaires (4)

  • Je me demande ce qu'on met dans ce milliard. Déjà c'est en coût, en valeur sociale, en billetterie ? Par exemple, l'orchestre national qui joue pour l'essentiel aux frais du contribuable et pratiquement sans un sou des usagers, je suppose qu'on le compte surtout pour ce qu'il coûte. Tout ça pour dire que ce milliard, s'il existe, c'est sans doute en grande partie de l'argent public et pas de chiffre d'affaire.

    M.E

    16 h 27, le 29 mai 2020

  • La francophonie est une des bases de la culture au liban. Depuis la disparition du Canal9, de la C33, de radio liban ( francophone, si elle existe?) de la disparition du réveil, as safa,, la revue du Liban ... Seul l'OLJ résiste comme quotidien Francophone. La langue FR a disparu pour que les libanais singent désormais les pays du Gulf et Dubai , où ils vont travailler désormais. Le culture au liban c'est SURTOUT la différenciation qu'il avait face aux pays voisins. Désormais le libanais ressemble de plus en plus à ses voisins et le Français a disparu. Le principal atout du libanais face aux arabes. Vous voulez la culture? Ramenez les médias audio visuels francophones au liban.

    LE FRANCOPHONE

    15 h 28, le 29 mai 2020

  • Pendant que nos gouvernants pillent le pays et permettent la destruction de TOUT notre patrimoine, heureusement que l’initiative privée notamment de tels instituts nous permet de conserver un peu de civilisation

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 38, le 29 mai 2020

  • AUJOURD,HUI LE SURVIVRE EN PRIORITE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 08, le 29 mai 2020

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