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Politique - Liban

L'absence d'accord sur l'amnistie générale torpille la séance nocturne du Parlement

La loi sur le contrôle de capitaux renvoyée en commission après avoir été expurgée de son caractère de double urgence.

Le président du Parlement libanais, Nabih Berry (au 1er plan), présidant une séance plénière le 28 mai 2020 au palais de l'Unesco. Hassan Ibrahim/Parlement

Malgré des concertations de dernière minute, les députés libanais n'ont pas réussi à s'entendre jeudi sur le texte de loi portant sur l’amnistie générale qui divise profondément les groupes parlementaires chrétiens et musulmans, un désaccord qui a provoqué la levée de la séance nocturne.

La pierre d'achoppement semble avoir été l'amnistie, réclamée principalement par certains partis chrétiens, pour des personnes accusées de collaboration avec Israël, ce qui permettrait le retour de combattants de l'Armée du Liban-Sud (ALS), milice libanaise alliée de l'Etat hébreu. Certains blocs, dont le parti chiite Amal, ont refusé cette disposition. L'amnistie devait aussi concerner des prévenus ou des personnes recherchées dans des affaires de trafic ou de plantation de drogue. Elle est réclamée par des milliers de familles originaires de la région de Baalbeck ou du Hermel (est) -bastions du mouvement chiite du Hezbollah ou de son allié Amal. Bien qu'illégale, la culture du cannabis est très répandue dans ces zones. La mesure est aussi attendue pour quelque 1.200 "détenus islamistes", pour beaucoup originaires de Tripoli (nord) et parfois accusés d'attaques contre l'armée ou d'implication dans des affrontements meurtriers.

Lors de la dernière séance parlementaire en avril dernier, deux propositions avaient été présentées, l’une par Bahia Hariri, députée du Futur, et l’autre par Yassine Jaber et Michel Moussa, membres du bloc berryste, mais elles n’avaient pu être examinées, leur caractère de double urgence n’ayant pas été obtenu. Renvoyés en sous-commission, ces textes avaient été travaillés pendant un mois pour parvenir à une mouture à même de satisfaire les différentes composantes, notamment en excluant les agressions contre l’armée, les trafics de drogue et les infractions liées à la dilapidation des fonds publics, et en incluant les membres de groupes n’ayant pas commis d’attaques terroristes, les cultivateurs et consommateurs de drogue ainsi que les civils libanais ayant fui en Israël. Parvenu il y a 15 jours aux commissions mixtes, le texte remanié s’est heurté à la volte-face de députés proches du Hezbollah, ceux-ci revenant sur leur acceptation d’inclure dans la loi d’amnistie les Libanais passés en Israël. Encore hier soir, les représentants des blocs parlementaires chrétiens s'étaient réunis pour tenter de dégager une position commune, mais ces efforts ne se sont finalement pas traduits en consensus lors de la séance parlementaire.

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Les députés du Futur se retirent
A la réouverture des débats après une pause de trois heures, le président du Parlement, Nabih Berry, a pris la parole, et évoqué les milliers de Libanais accusés d’avoir collaboré avec l’ennemi, qui se sont réfugiés en Israël à la veille du retrait de l’armée israélienne du Liban-Sud en 2000 par crainte de représailles. "L'unité du pays doit se matérialiser dans l'hémicycle. Il y a mille issues possibles à ce dossier. Tous les Libanais ont combattu et vaincu (...) Nous sommes issus de la même école. L'un des plus importants piliers de la résistance nationale, c'est l'unité nationale. Ne l'oublions jamais ; nous, nos frères du Hezbollah et tous ceux qui se sont élevés contre Israël en 2006", a-t-il déclaré. Et d'ajouter que "tous ceux qui reviendront devront être jugés, l'important c'est la mise en œuvre", avant de proposer un vote sur l'amnistie en une seule fois "pour montrer à tout le monde que nous sommes capables de prendre position", mettant les parlementaires au pied du mur.

Le chef du Courant patriotique, Gebran Bassil, a alors pris la parole. "Nous avons une position de principe contre l'amnistie, mais nous voulons éviter un problème au pays. C'est pour cela que nous allons voter. Si on nous dit que nous n'avons pas le droit de voter contre, nous partirons", a-t-il mis en garde. "Cette dernière phrase, je ne veux pas l'entendre", a répondu M. Berry, avant de lever la séance pour quelques minutes pour d'ultimes concertations entre les responsables des principaux blocs parlementaires.

Le président du Parlement a ensuite annoncé qu'il mettait ce dossier momentanément de côté. Mais le leader du courant du Futur, Saad Hariri, n'a pas tardé à annoncer le retrait des députés de son bloc parlementaire de la séance. "Certains essayent de nous ramener au point de départ", a-t-il déploré, dénonçant "ceux qui essayent de jouer au plus malin", dans une référence claire au CPL.

Après le retrait des députés hariristes, M. Berry a décidé de lever la séance, alors que plus d'une vingtaine de textes inscrits à l'ordre du jour devaient encore être débattus. "Nous aurions aimé que la séance s'achève autrement", a déclaré Ali Hassan Khalil (Amal). "Notre position de principe sur tous ceux qui ont collaboré avec l'ennemi israélien est connue de tous", a-t-il ajouté. De son côté, Hussein Hajj Hassan (Hezbollah) a déploré que "les divisions politiques se creusent" sur ce dossier, notant les difficultés à arriver à une formule consensuelle. "Le point positif, c'est que tout le monde reconnaît aujourd'hui qu'une loi d'amnistie générale doit bénéficier d'un consensus national", a déclaré pour sa part le député Michel Moawad.

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Les débats sur l'amnistie avaient débuté plus tôt dans la journée sur les chapeaux de roue. "La loi sur l'amnistie rend justice à beaucoup de monde, notamment les victimes d'injustice", avait déclaré Saad Hariri, dénonçant le fait que certains élus aient changé d'avis. "Certains veulent faire croire que nous voulons libérer les criminels. Cela est faux, et nous irons jusqu'au bout", a-t-il prévenu. "Nous n'avons pas besoin aujourd'hui d'une loi d'amnistie générale, et nous avons des remarques à formuler sur le texte", a déclaré le chef de la Rencontre consultative, proche du Hezbollah, Fayçal Karamé, au début des débats sur ce texte, dénonçant le manque d'indépendance de la justice. "On peut trouver des excuses aux consommateurs et aux cultivateurs de drogue, mais pas aux trafiquants", a-t-il ajouté.

Avant le début de la séance, Gebran Bassil, avait exprimé son opposition à une amnistie. "L'amnistie pour le plus petit des délits engendre non seulement un préjudice moral, mais encourage aussi à s'écarter de l'éthique et de la moralité. Comment, alors, réduire les peines de ceux qui ont tué des soldats ?", s'était interrogé M. Bassil sur Twitter. "Le temps est au renforcement des sanctions, notamment sur le plan de la corruption, et pas à fuir le vote des lois en faveur de la lutte contre cette dernière. L'amnistie, c'est l'impunité et un nouveau crime contre la nation", a-t-il conclu. Ibrahim Kanaan (CPL) avait, lui, déploré que cette question ait pris une tournure confessionnelle. Le député du Kesrouan et ancien général Chamel Roukoz s'est également exprimé contre l'amnistie. "L'amnistie de tueurs de l'armée libanaise est un crime national. C'est une façon d'innocenter les criminels et d'atténuer les crimes (...) Nous voulons la justice", a-t-il écrit sur Twitter. De son côté, son collègue Fadi Saad (Forces libanaises) a expliqué que son groupe parlementaire ne pouvait approuver la dernière mouture du texte, expliquant qu'il s'agissait d'une "amnistie déformée".

Le "contrôle des capitaux" renvoyé en commission
Après le départ des députés du Futur et peu avant la levée de la séance, le Parlement a renvoyé en commission la proposition de loi sur le "contrôle de capitaux", qui a été expurgée de son caractère de double urgence. Depuis plusieurs mois, les établissements bancaires ont adopté des restrictions bancaires de façon informelle et illégale, sommairement harmonisées par l’Association des banques du Liban en novembre dernier. Ces mesures ont notamment limité les retraits d’espèces, conversions et transferts à l’étranger.

Dans les détails, cette proposition de loi, présentée par des députés d’Amal et du CPL, prévoit notamment la mise en place d’un contrôle "exceptionnel et temporaire" des transferts de fonds bancaires à l'étranger. Elle consacre l’interdiction de transferts des montants à l’étranger pour au moins un an, avec toutefois des exceptions pour couvrir les frais de subsistance d’enfants ou autres proches - scolarités, loyers, hospitalisations ou traitements médicaux - le paiement de prêts contractés à l’étranger avant la crise financière et parvenus à échéance, ainsi que le règlement d’impôts et autres engagements financiers à l’extérieur.

Selon une source proche du dossier, la proposition de loi est incomplète, "mal rédigée" et a surtout été rejetée par le Fonds monétaire international, avec qui le Liban, qui traverse une grave crise économique et financière, négocie officiellement depuis le 13 mai l’aide financière demandée au début du mois. Les négociateurs désignés par l’exécutif libanais – parmi lesquels figurent le ministre des Finances, Ghazi Wazni, et le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé - et les cadres missionnés par le FMI planchent d’ailleurs sur un projet de loi devant officialiser le contrôle des capitaux. "L’idée est que ce soit un projet de loi transmis par le gouvernement qui en assumera ainsi la responsabilité", indique encore une des sources interrogées

Prêts au logement
Par ailleurs, le Parlement a approuvé l'accord de prêt à hauteur de 50 millions de dinars koweïtiens, l'équivalent de 165 millions de dollars, obtenu par le Liban du Fonds arabe pour le développement économique et social et destiné à financer des prêts au logement accordés à travers la Banque de l’Habitat. Le prêt pourra être remboursé sur 30 ans avec un taux d’intérêt de 2 % et une période de grâce de cinq ans. La Banque de l’Habitat est une structure spécialisée dans l’octroi de crédits immobiliers, dont le capital est détenu à 20 % par l’État. Le vote de ce texte, prévu ce matin, avait été reporté le temps d'obtenir des clarifications auprès de la Banque du Liban sur le taux de change dollar/livre qui sera adopté, les prêts devant être remboursés par leurs bénéficiaires en monnaie nationale. "Ce texte, que la commission des Finances a approuvé la semaine dernière, va contribuer à garder nos jeunes dans le pays en ces circonstances difficiles", a réagi le président de la commission, Ibrahim Kanaan. Lors de la première session, il avait indiqué que ces prêts pourront bénéficier à 3 000 familles, et que cela "aidera la société à se relever et à relancer l'économie".

Lors de la première session du jour, les députés, réunis au palais de l'Unesco et non dans l'enceinte du Parlement pour permettre aux députés de siéger tout en respectant la distanciation sociale, avaient adopté l'aide de 1 200 milliards de livres libanaises aux plus démunis, le mécanisme de nomination pour les fonctionnaires de première catégorie, ainsi que le texte sur la levée du secret bancaire des comptes de plusieurs catégories de responsables.

Malgré des concertations de dernière minute, les députés libanais n'ont pas réussi à s'entendre jeudi sur le texte de loi portant sur l’amnistie générale qui divise profondément les groupes parlementaires chrétiens et musulmans, un désaccord qui a provoqué la levée de la séance nocturne. La pierre d'achoppement semble avoir été l'amnistie, réclamée principalement par certains...

commentaires (4)

L'ex-Président de la République Emile Eddé est mort le 27/9/1949, le lendemain j'ai eu l'honneur d'avoir accompagné le cortège funèbre de Bab-Edriss jusqu'à Ras el-Nabaa. L'Etat de Béchara el-Khoury lui avait refusé des obsèques officielles et nationales !!! Emile Eddé était un fervent partisan de l'indépendance du Liban avec la garantie d'un traité de défense permanente avec la France. Evidemment, Béchara el-Khouey et son équipe, sur les conseils douteux du faux général Edward Spears, s'y sont opposés. Après 77 ans, les résultats du véto du faux général Edward Spears, le représentant de la perfide Albion, sont là en 2020.

Un Libanais

16 h 34, le 29 mai 2020

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Commentaires (4)

  • L'ex-Président de la République Emile Eddé est mort le 27/9/1949, le lendemain j'ai eu l'honneur d'avoir accompagné le cortège funèbre de Bab-Edriss jusqu'à Ras el-Nabaa. L'Etat de Béchara el-Khoury lui avait refusé des obsèques officielles et nationales !!! Emile Eddé était un fervent partisan de l'indépendance du Liban avec la garantie d'un traité de défense permanente avec la France. Evidemment, Béchara el-Khouey et son équipe, sur les conseils douteux du faux général Edward Spears, s'y sont opposés. Après 77 ans, les résultats du véto du faux général Edward Spears, le représentant de la perfide Albion, sont là en 2020.

    Un Libanais

    16 h 34, le 29 mai 2020

  • sence d'accord sur l'amnistie générale torpille la séance nocturne du Parlement c est du dynamite on a l habitude ceux qui croient que ce parlement confessionnel va sortir une loi de son chapeau ils se trompent

    youssef barada

    23 h 26, le 28 mai 2020

  • Cela montre bien que ces députés et leur président sont des incapables, à la trappe, tous!

    TrucMuche

    23 h 05, le 28 mai 2020

  • Ce papier est un peu décousu avec des citations hors contexte et sans explication des enjeux politiques, économiques, sociaux. Bref, on n'y comprend rien. Pourtant les points à l'ordre du jour paraissaient importants et auraient mérité un éclairage. Dommage.

    Marionet

    21 h 37, le 28 mai 2020

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