Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a affirmé mardi que le système issu de l'accord de Taëf de 1989, qui a mis fin à la guerre civile libanaise, "a besoin d'évoluer", mais que cette nécessaire évolution "ne peut se faire sans un consensus entre les parties libanaises". Le dignitaire chiite a tenu ces propos lors d'une interview fleuve accordée à la radio Al-Nour et diffusée par les chaînes Al-Manar et Al-Mayadeen, à l'occasion du 20ème anniversaire de la libération du Liban-Sud de l'occupation israélienne.
Abordant la situation au Liban, Hassan Nasrallah a estimé que le système politique issu des accords de Taëf "a besoin d'évoluer". Il a cependant reconnu que cette "évolution nécessaire ne peut se faire sans un consensus entre les Libanais". "Nous sommes convaincus que ce pays, de par sa composition, n'est géré que par un véritable partenariat national et nous ne sommes ni avec l'isolement ni avec l'exclusion. La participation de chacun peut être un handicap mais a aussi des avantages", a-t-il ajouté. A plusieurs reprises, le chef du Hezbollah a ainsi assuré que son parti ne voulait pas de guerre civile au Liban. "Nous ne voulons pas de guerre civile au Liban, même si elle conduirait à ce qu'on domine le pays", a-t-il insisté.
"En avoir fini" avec le fédéralisme
Dans une intervention inédite dans le genre, le cheikh jaafarite Ahmad Kabalan s’en est pris lundi au système confessionnel qui régit le pays depuis sa fondation et a dénoncé ses conséquences désastreuses sur l’État, l’économie et l’unité du Liban. Prononcé à l’occasion de la fête du Fitr, le discours du cheikh jaafarite, considéré comme politiquement proche du Hezbollah, a été aussitôt monté en épingle par certaines voix opposées au parti chiite, pointé du doigt comme étant l’instigateur de cette "insurrection" contre le système politique actuel. La thèse d’une nouvelle tentative du Hezbollah de prendre les rênes du pouvoir pour étendre sa domination sur l’ensemble du pays a repris de plus belle. Pour de nombreux Libanais issus du camp souverainiste, le cheikh Ahmad Kabalan a tout simplement dit tout haut ce que le parti chiite pense tout bas.
Se voulant rassurant, et commentant l'option du "fédéralisme" au Liban, Hassan Nasrallah a dit : "Nous sommes supposés en avoir fini de cette phase". "La particularité de la résistance est qu'elle n'a pas lancé de slogans irréalistes. En ce qui nous concerne, il y a des limites dans le travail politique et de réforme : ne pas se diriger vers une guerre civile ou une nouvelle division du pays sur une base communautaire", a assuré Hassan Nasrallah.
"Esprit qui a triomphé"
Le leader chiite est en outre longuement revenu sur le rôle de son parti dans la lutte contre Israël jusqu'à la libération du Liban-Sud, le 25 mai 2000, après le retrait unilatéral de l'armée israélienne. "La performance de la résistance en 2000 a évité la guerre civile au Liban, planifiée par Israël. Plusieurs partis nationaux ont participé à la résistance, mais ces dernières années le Hezbollah a eu une présence exceptionnelle", a en outre déclaré Hassan Nasrallah. "Notre conviction est que l'entité israélienne ne durera pas parce qu'elle est artificielle et étrangère à la région. Israël avant les années 2000 n'était pas le même qu'après les années 2000, c'est lui qui l'a reconnu", a affirmé le chef du Hezbollah. "L'esprit qui a triomphé existe toujours et notre confiance dans les résistants est très grande. La dissuasion face à l'ennemi est le résultat de données factuelles et non pas le résultat de discours", a-t-il également dit, assurant qu'aujourd'hui, "nous avons des capacités militaires qui n'existaient pas avant 2006, et nous nous sommes développés dans la guerre des cerveaux". Selon lui "le discours du leadership des occupants a changé après leur défaite en 2006".
"Israël sait que tout bombardement du Liban ne peut pas se faire sans réponse, il s'agit là des règles d’engagement", a-t-il encore dit, assurant que "nous répondrons à l'ennemi si l'un de nous est tué où que ce soit". "Depuis l’attaque de drones dans la banlieue sud de Beyrouth, l’ennemi n’a pas mené d’autre attaque de cette manière", a-t-il également dit. Par ailleurs, il a affirmé qu'Israël "ne s'est pas trompé lors de la dernière frappe à la frontière libanaise". "Israël ne voulait pas tuer nos jeunes, c’est pourquoi il a envoyé une mise en garde avant de frapper, et cela fait partie des règles d'engagement", a-t-il expliqué. Le 15 avril, après plusieurs jours de survols intensifs par l’aviation et les drones israéliens du Liban, un drone israélien a visé un véhicule civil dans lequel se trouvaient des membres du Hezbollah à la frontière libano-syrienne, sans faire de victime.
Selon Hassan Nasrallah, "de 1982 à aujourd'hui, la résistance n'a pas perdu le consensus autour d'elle car il n'y a jamais eu de consensus autour de la résistance". "Je ne pense pas que l'atmosphère interne au Liban en 2000 était bien meilleure que l'actuelle", a-t-il poursuivi. Concernant la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), le chef du Hezbollah a souligné que "les Israéliens veulent que les Casques bleus aient le droit de perquisitionner les propriétés privées", ajoutant qu'il "y a une pression américaine sur le Liban dans ce dossier". Il a dans ce cadre assuré que "le Hezbollah n'est pas contre la force onusienne, mais un changement dans sa mission violerait la souveraineté libanaise". "Israël ne peut pas imposer de conditions au Liban, même avec un masque américain", a-t-il ajouté. Concernant les missiles de précisions que possèderait son parti, le numéro un du Hezbollah a en outre affirmé que "depuis plusieurs mois, cette question n'a plus été abordée par les Américains par la voie diplomatique avec les responsables libanais".
"Une erreur de s'adresser au FMI"
Abordant ensuite la situation économique du pays, Hassan Nasrallah a affirmé que "le Hezbollah est concerné par la gestion de la situation économique". "Il est possible de sortir de la situation actuelle et ne pas aboutir à un effondrement, mais la question nécessite une volonté politique", a-t-il assuré. "Dans la lutte contre la corruption, nous avons peut-être besoin de nombreuses années, mais résoudre la situation économique ne peut pas attendre de nombreuses années, et la crise économique doit être traitée de manière urgente et exceptionnelle aux côtés de la lutte contre la corruption", a-t-il ajouté. "Nous ne nous opposons pas au Fonds monétaire international, malgré notre connaissance préalable de la mentalité et des conditions de l'organisation, qui doivent être discutées. Mais ce serait une erreur de s'adresser au FMI en pensant qu'il n'y a pas d'autres options car cela affaiblit la position du gouvernement dans les négociations", a-t-il poursuivi. Il a également indiqué que son parti a "un plan économique que nous n'avons pas annoncé car il sera combattu dès le premier jour, sans même être lu". "Nous avons donc décidé de travailler pour amener le pays à notre plan sans déclarer que c'est notre plan pour qu'il ne soit pas condamné à mort", a-t-il révélé.
Le Liban est confronté à une crise économique et financière profonde, qui l'a poussé à faire défaut sur sa dette écrasante et à demander officiellement une aide au FMI. Si les négociations avec l'institution viennent tout juste de commencer, la lutte contre une corruption endémique au pays du Cèdre fait partie des conditions sine qua non pour les voir aboutir, et le gouvernement libanais a déjà commencé à légiférer en ce sens. Dans ce cadre, le Parlement doit se pencher jeudi sur plusieurs lois de lutte contre la corruption. Le recours au FMI est toutefois accueilli froidement par le Hezbollah qui a notamment appelé cette semaine le gouvernement Diab à se laisser la possibilité d'avoir des "choix alternatifs".
Sur le plan régional, notamment le conflit en Syrie, Hassan Nasrallah a enfin affirmé qu'au début, "Israël ne visait pas le Hezbollah, l'armée syrienne ou d'autres factions de la résistance, mais fournissait un soutien aux factions de l'opposition armée". "Israël espérait la chute du régime syrien, l'effondrement de l'armée syrienne, le départ des Iraniens et du Hezbollah, a-t-il ajouté. Si Israël espérait que les groupes qu'il soutenait allaient être victorieux, il ne se serait pas ingéré de manière directe en Syrie. Et cela témoigne de la victoire de l’axe de la résistance". "Nous considérons la présence des Américains dans la région comme une preuve du progrès de l'axe de la résistance, en raison de l'incapacité d'Israël et des régimes qu'ils ont parrainés dans la région à protéger leurs intérêts", a en outre assuré le dignitaire chiite. "Les transformations dans la région ne sont pas en faveur d'Israël, et il y a un niveau élevé d’équilibre. En raison de cet équilibre, les deux parties (Israël et le Hezbollah) font des calculs avant d’agir", a ajouté Hassan Nasrallah.
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En 1989, Saeb Salam, avait dit à Michel Eddé à Genève où il résidait : "Même si vous n'étiez que 5%, nous serions toujours moitié-moitié".
Un Libanais
16 h 29, le 27 mai 2020