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Environnement - Environnement

À Eddé (Batroun), un projet entouré de flou décime en partie une forêt de chênes

Les travaux sont entrepris par la municipalité, qui assure détenir un permis du Plan vert, la partie qui finance le projet. Les écologistes dénoncent une supercherie sous couvert d’un permis inadéquat.

Les travaux sont clairement réalisés au cœur de la forêt de chênes, alors que la municipalité assure que le terrain n’était pas boisé auparavant. Photo Terre-Liban et LEM

Au cœur d’une forêt de chênes à Eddé (caza du Batroun), une cavité énorme dénature le paysage et les dégâts sont, de toute évidence, irréversibles. Ce projet litigieux, pointé du doigt par des écologistes, est réalisé par la municipalité d’Eddé et financé par le Plan vert, affilié au ministère de l’Agriculture, et approuvé depuis 2017. Le Mouvement écologique libanais, qui a dévoilé l’affaire, accuse notamment la municipalité de travailler en vertu d’un permis de « bonification de terrains » dans un objectif agricole, alors que la taille de la cavité et la nature des travaux laissent supposer que la finalité est bien différente. Joint au téléphone par L’Orient-Le Jour, le président de la municipalité d’Eddé, Najm Khattar, insiste sur le caractère légal de son projet. « Nous avons obtenu une autorisation de lancer des travaux de la part du Plan vert, qui finance le projet, affirme-t-il. Il ne s’agit pas d’une carrière ou d’une cimenterie, comme certains le prétendent, le projet entend simplement réhabiliter le terrain à des fins agricoles. » Selon M. Khattar, le terrain en question n’est pas couvert d’arbres actuellement, et il ne l’était pas avant le début des travaux. « Nous n’avons pas abattu un seul arbre, que ce soit avant ou durant les travaux », insiste-t-il.

Sous couvert d’anonymat, un responsable au sein du ministère de l’Agriculture assure qu’une autorisation des travaux délivrée par le Plan vert équivaut au permis de bonification de terrains accordé par le ministère de l’Agriculture. Selon ce responsable, lorsque la demande du financement du projet a été déposée au Plan vert, le terrain en question n’était pas arboré. « Selon la décision ministérielle n° 731/1, la bonification d’un terrain couvert d’arbres sur plus de 20 % de sa superficie totale est interdite », précise-t-il, insistant sur le fait que le terrain dont il est question à Eddé remplissait cette condition.


Une photo qui montre le terrain en 2016 avant l’abattement des arbres et la réalisation des travaux, et une autre qui montre la même zone après les travaux. Photo Terre-Liban et LEM


Toutefois, ce responsable tempère ses propos. « Nous ne pouvons pas savoir si ce terrain était boisé auparavant et si les arbres qui le couvraient ont été abattus exprès avant la demande pour l’obtention du permis, comme nous ne pouvons pas savoir s’ils l’ont été légalement ou illégalement », dit-il. « Cependant, il faut préciser qu’il n’est pas de la responsabilité du Plan vert d’évaluer les données précédant la date du dépôt de la demande », ajoute-t-il. S’il ne relève pas de violation claire sur le point cité ci-dessus, le responsable n’en déplore pas moins la violation d’une autre condition requise par la même décision ministérielle sur la bonification de terrains concernant la préservation du paysage naturel.

En effet, le décret n° 8633 sur les activités et travaux nécessitant une étude d’impact environnemental cite à deux reprises les travaux de bonification de terrains, dans l’annexe n° 1. Ce projet à Eddé a-t-il été précédé d’une telle étude ? Le responsable répond par la négative. « Faute d’un nombre suffisant d’experts au sein du ministère de l’Agriculture, les études d’impact environnemental ne sont exigées que pour les grands projets », regrette-t-il.

Points d’interrogation autour du Plan vert, selon le LEM

« Nos ancêtres ont de tout temps bonifié des terrains, ils n’ont jamais eu recours à ce genre d’excavations et à ces cavités énormes », fait remarquer Paul Abi Rached, fondateur de l’association Terre-Liban et du Mouvement écologique libanais (LEM). Selon l’activiste, mis à part l’absence d’une étude d’impact environnemental qui constitue une grave entorse à la loi, le projet viole au moins deux des conditions requises par la décision ministérielle sur la bonification de terrains. « Un tel permis ne saurait être délivré lorsque le terrain en question se trouve au cœur d’une forêt ou qu’il constitue une extension à celle-ci, précise-t-il. Or, le terrain d’Eddé se trouve au cœur de la forêt de chênes. »

Par ailleurs, M. Abi Rached se dit sceptique quant aux autorisations des travaux délivrées par le Plan vert. « Une décision administrative a été émise hier, le 21 mai, par le ministère de l’Agriculture interdisant sine die au Plan vert de délivrer des autorisations de travaux de bonification de terrains sans l’obtention au préalable d’un feu vert du ministère, révèle M. Abi Rached. Suivant cette décision, il est demandé à la direction du Plan vert de livrer au ministère une liste de toutes les autorisations délivrées au cours des trois dernières années. » « Si le ministère de l’Agriculture n’avait pas détecté des violations à la loi, il n’aurait pas eu recours à une telle décision », remarque l’activiste.

Interrogé par L’OLJ au sujet de cette polémique autour du projet, Fadi Saad, député des Forces libanaises de Batroun, affirme que les grands projets sont souvent réalisés sous couvert de « permis de bonification de terrains ». « La partie chargée de réaliser ce projet fait l’objet d’accusations de la part de ceux qui critiquent sa gestion défaillante et suspecte des projets similaires », lance-t-il, faisant allusion au Courant patriotique libre dont M. Khater est un adhérent. Et M. Saad de conclure : « La nature des travaux réalisés ne laisse pas présager qu’il s’agit véritablement d’une bonification de terrains. »

Au cœur d’une forêt de chênes à Eddé (caza du Batroun), une cavité énorme dénature le paysage et les dégâts sont, de toute évidence, irréversibles. Ce projet litigieux, pointé du doigt par des écologistes, est réalisé par la municipalité d’Eddé et financé par le Plan vert, affilié au ministère de l’Agriculture, et approuvé depuis 2017. Le Mouvement écologique...

commentaires (12)

Tfeh...

Jack Gardner

20 h 48, le 22 mai 2020

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Commentaires (12)

  • Tfeh...

    Jack Gardner

    20 h 48, le 22 mai 2020

  • Les employés du ministère ne connaissent pas Google Maps qui permet de remonter le temps, et de vérifier sans y passer la journée en empochant un bakhshish au passage... Ils sont de la même trempe que les ministres et employés du ministère de l'énergie, qui ne savaient pas que des combines à 20Md$ leur passaient sous le nez... Je ne savais pas! C'est pas moi! J'ai pas fait exprès! On est de retour en classe maternelle Ha Ha Ha

    Tanios Kahi

    19 h 55, le 22 mai 2020

  • Le Plan Vert finance des infrastructure agricoles. On aurait aimé avoir plus de détails sur les infrastructures prévues sur ce terrain tout de même très escarpé. S’il est prévu de cultiver directement ces nouvelles terrasses grignotées sur la montagne alors nous avons peut-être trouvé la planche de salut du Liban ! On se demande de quel type de culture il puisse s’agir pour rentabiliser de tels travaux ! Une nouvelle variété de hashish médicinal des montagnes peut-être ! On aimerait aussi avoir des nouvelles de l’enquête qui doit certainement être en cours pour attraper les responsables de ce déboisement illégal. J’imagine que la municipalité a du porter plainte avant de se résigner face à la lenteur de l’enquête. Ça expliquerait l’absence d’arbre et donc la totale légalité du projet. Ou peut-être est-ce un feu de forêt ! Les extra-terrestres ? « On n’a pas de pétrole mais on a des idées »

    Jounaid M.

    17 h 39, le 22 mai 2020

  • Double honte: ce village dont je porte le nom montre l'exemple de ce qui a détruit notre pays. Quel leader politique, élu par nous, viendra dans 2 -3 ans s'installer dans sa villa flambant neuve au milieu des chênes, alimentée 7/24 en électricité gratuite pendant que le pays continue de s'enfoncer dans la misère? Nous avons les dirigeants que nous méritons. M. Najm Khattar sera-t-il réélu ou traduit devant la justice?

    El moughtareb

    14 h 59, le 22 mai 2020

  • CE PAYS EST FORME DE VAMPIRES QUI LUI SUCENT LE SANG DE PARTOUT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 30, le 22 mai 2020

  • Qu’a le CPL contre l’environnement? Nahr el Kalb et maintenant ceci.

    Michael

    12 h 02, le 22 mai 2020

  • allons allons, depuis quand avions nous fait confiance aux municipalites ET a leurs chefs? QUE L'ON EN FINISSE DES A PRESENT, QUE L'INTERIEUR ET JE NE SAIS QUEL AUTRE MINISTERE OU DEPARTEMENT DECRETE UN ARRET COMPLET DE TOUTES SORTES DE PERMIS RELATIFS A CE CHAPITRE EN ATTENDANT DE REVOIR LES LOIS . ASSEZ DE BIZARRERIES ET DE CRIMES .

    Gaby SIOUFI

    10 h 20, le 22 mai 2020

  • FAYNAK YIA LEBNEN EL AKHDAR... FAYNAK ! CERTAINS FONT DE LARGENT. LE PAYS EN PATIT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 44, le 22 mai 2020

  • "...Najm Khattar, président de la municipalité d'Eddé: nous n'avons pas abattu un seul arbre...nous ne pouvons pas savoir si ce terrain était boisé avant..." ...incroyable d'être capable de dire de telles énormités...de la part du PRESIDENT DE LA MUNICIPALITE D'EDDE...!!! Tous ces responsables qui regrettent...ne savaient pas etc., " combien ont-ils touché de "bonifications" en espèces ou autres pour ainsi couvrir ce projet ? Et sont-ils à ce point enfoncés dans les pratiques de corruption...qu'ils en ont perdu toute notion de décence et de respect de soi...et de leur patrie ? Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 57, le 22 mai 2020

  • Comment "ce responsable du ministère de l'agriculture" peut-il douter que ce terrain était boisé? Suffit de regarder la forme du trou, presque découpé aux ciseaux, et les photos postées par l'ONG.

    Marionet

    08 h 24, le 22 mai 2020

  • Un scandale de plus avec à la clé certainement une affaire de gros sous. Une administration corrompue jusqu’a l’os, totalement incompétente et menteuse

    Lecteur excédé par la censure

    07 h 45, le 22 mai 2020

  • « Nous n’avons pas abattu un seul arbre, que ce soit avant ou durant les travaux »: comment est-ce logiquement possible de creuser la montagne, sans retirer automatiquement ce qui la recouvrait???

    NAUFAL SORAYA

    07 h 40, le 22 mai 2020

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