Le Premier ministre libanais, Hassane Diab, a prévenu que la pandémie du coronavirus, qui a contaminé près d'un millier de personnes au Liban et entraîné la mort de 26 personnes depuis le 21 février, allait pousser le pays vers une crise alimentaire, alors que le Liban est secoué par sa pire crise économique et financière en trente ans.
"Jadis le grenier à blé de l'est de la Méditerranée, le Liban fait face à un défi inimaginable il y a une décennie : le risque d'une crise alimentaire majeure", s'inquiète le chef du gouvernement, dans une tribune publiée dans le Washington Post. "De nombreux Libanais ont arrêté d'acheter de la viande, des fruits ou encore des légumes et pourraient bientôt rencontrer des difficultés à acheter du pain. Human Rights Watch et la Banque mondiale ont toutes deux prévenu que plus de la moitié des ménages libanais ne pourraient plus s'approvisionner en denrées alimentaires d'ici la fin de l'année", rappelle Hassane Diab.
Se demandant comment le pays en est arrivé là, le président du Conseil affirme que le Liban "a été frappé par trois crises. D'abord, et en raison d'une mauvaise gestion et d'une corruption qui remontent à des décennies, il y avait un dramatique manque d'investissement dans le secteur agricole qui représente le tiers de la main-d'oeuvre nationale mais seulement 3% de notre production économique". "Ensuite, le Liban passe par une crise économique et financière sans précédent qui mène le pays à faire défaut sur le paiement de sa dette extérieure (...). Ensuite, la crise de la Covid-19 et le confinement nécessaire qui s'est ensuivi ont aggravé cette crise économique et profondément perturbé la chaîne de l'approvisionnement alimentaire (...)", ajoute-t-il.
"Mon gouvernement prend des mesures importantes pour faire face à cette situation dramatique", assure Hassane Diab, évoquant notamment "la mise en place de filets de sécurité sociale pour les plus vulnérables", ou encore les sanctions "contre les supermarchés et commerces qui gonflent artificiellement les prix". Il rappelle également que son cabinet a récemment adopté un plan de redressement économique et a entamé des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir une aide financière de sa part.
"Nouvelle vague d'émigration"
"Les ressources du Liban sont limitées et une réponse sur le plan national ne suffira pas. (...) Cette pandémie a eu pour conséquence de faire émerger une crise de sécurité alimentaire", déplore Hassane Diab, appelant par là la communauté internationale à "mettre en place et appliquer un plan en trois volets". Selon lui, ce plan doit lutter contre les restrictions d'exportations alimentaires. Le Premier ministre appelle ensuite les Etats-unis, les pays du G20 et le Programme alimentaire mondial (PAM) de l'ONU à "coordonner une politique de sécurité alimentaire destinée aux pays à revenus moyens et faibles".
"Les Etats-Unis et l'Union européenne doivent mettre en place un fonds d'urgence pour aider le Moyen-Orient et éviter une sévère crise alimentaire. A défaut de quoi, la famine pourrait déclencher une nouvelle vague d'émigration vers l'Europe et déstabiliser encore plus la région", met en garde M. Diab. "La sécurité alimentaire devient une crise mondiale qui requiert une réponse mondiale coordonnée. Il serait tragique que nos efforts contre la Covid-19 engendrent une famine générale et une émigration qui auront des conséquences pour les prochaines générations", conclut le Premier ministre.
Le Liban a jusque-là enregistré un total de 961 cas de coronavirus, dont 26 décès, depuis l'apparition de la pandémie dans le pays, le 21 février. Le gouvernement doit prolonger jeudi la mobilisation générale jusqu'au 7 juin afin de lutter contre la propagation du nouveau coronavirus. Ces mesures ont aggravé la crise économique qui frappe le pays, privant de nombreux Libanais de leur gagne-pain et poussant de nombreux commerces à fermer leurs portes, au moment où l'inflation atteint des sommets vertigineux et que la livre libanaise ne cesse de se déprécier face au dollar.
Lire la tribune de Hassane Diab dans le Washington Post ici
commentaires (8)
"Le Liban est secoué par sa pire crise alimentaire , notre pain, la pire crise alimentaire majeure." . Pendant ce temps, le pain aliment de base de notre civilisation moyen-orientale, est "exporté" clandestinement vers la Syrie à travers des passages créés à cet effet. Passages que l'Autorité syrienne refuse de fermer que lorsque nos dirigeants feraient le chemin de Damas au risque de recevoir des barils de gaz sarin sur leurs têtes...
Un Libanais
20 h 47, le 21 mai 2020