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La Consolidation de la paix au Liban - Mai 2020

Les médias numériques entre fausses informations et responsabilité sociale

Il est naturel d’avoir un compte sur l’une des plateformes des réseaux sociaux, compte tenu de leur influence et de leur rôle croissants, d’autant que leur mission n’est plus limitée à la simple communication entre amis. Ils l’ont largement dépassée pour s’immiscer dans notre vie au quotidien au point de former un monde parallèle à notre monde matériel, marqué toutefois par un moindre contrôle, mais une plus grande liberté d’expression. De plus, les réseaux sociaux ne nécessitent pas de gros budgets et sont caractérisés par leur plus grande rapidité à diffuser l’information. De ce fait, ils font part du point de vue de la rue ou des individus avec plus d’audace et une plus grande marge de liberté que les médias traditionnels qui, dans les pays en développement, sont toujours sous le joug des autorités.

Photo Amal Charif

Malgré toutes ces caractéristiques qui permettent aux réseaux sociaux de s’asseoir sur le trône des médias et d’accéder au domaine du cinquième pouvoir, après les médias traditionnels, d’autant qu’ils jouent un grand rôle dans les prises de décisions, ils restent une arme à double tranchant. En fait, les réseaux sociaux peuvent contribuer au redressement de la société en sensibilisant les individus à la culture de la citoyenneté, en les informant sur leurs droits et devoirs loin de tout fanatisme et suivisme. En revanche, ils peuvent aussi faire l’objet d’un instrument douteux au service de certaines parties.

D’où le rôle de la citoyenneté active pour orienter le journalisme numérique, loin du chantage affectif, d’autant qu’il constitue une faille que l’on peut utiliser à des fins personnelles, notamment dans un pays comme le Liban qui a ses spécificités, du fait des guerres civiles qui ont eu un impact sur sa structure sociale ou encore à cause de la vague de déplacements qu’il a connue dernièrement.

L’exemple le plus frappant reste la campagne raciste menée par certaines parties libanaises contre les réfugiés. Une chaîne télévisée libanaise a diffusé un reportage intitulé : « Le cancer envahit le Liban… les deux raisons de sa propagation ». Le titre semble banal. Toutefois, le reportage se lance dans des analyses qui n’ont aucune base scientifique, sinon que de faire assumer aux réfugiés la responsabilité de l’augmentation du nombre de cancers au Liban.

Les rumeurs ne se sont pas limitées aux seuls réfugiés. Elles sont allées plus loin encore. Même le nouveau coronavirus a eu sa part de rumeurs, à travers la diffusion de fausses informations sur le nombre de cas de personnes contaminées au Liban-Sud et dans l’Iqlim el-Kharroub. Ce qui a poussé le ministre de la Santé publique à affirmer qu’aucun cas de coronavirus n’a été enregistré (cet article a été écrit avant la détection du premier cas de coronavirus, le 20 février, NDLR), pour tranquilliser les Libanais.

Ces fausses informations ont creusé un fossé parmi les composantes de la société que certaines plateformes sur les réseaux sociaux ont réussi partiellement à combler en créant une matière journalistique réfutant les fausses informations. Nous remarquons aussi que ces plateformes sont souvent dirigées par des groupes de jeunes militants qui croient fermement aux causes de leur société. D’où le rôle de ces plateformes dans la sensibilisation aux affaires sociales et à l’importance de la citoyenneté en œuvrant à réduire les différences ethniques et religieuses. Elles renforcent aussi le concept de la paix entre les réfugiés et les communautés hôtes.

Pour toutes ces raisons, cette forme de journalisme a constitué un essor au niveau du Liban en général, et de la ville de Tripoli en particulier. Il est vrai qu’elle n’a pas dépassé le stade de pages virtuelles, mais elle a réussi à surmonter de nombreux obstacles que certaines importantes chaînes n’arrivent pas à franchir. À tel point que ces pages virtuelles sont devenues un contrôleur de l’activité des chaînes satellitaires, notamment par le biais de vidéos sarcastiques et explicatives. Et ce non seulement parce qu’elles reposent sur une expérience journalistique, mais aussi parce qu’avant leur lancement, leurs équipes effectuent des formations axées sur la citoyenneté et l’édification de la paix civile. La plateforme Shada, à titre d’exemple, l’une des nombreuses plateformes sur Facebook, œuvre à montrer la meilleure image de la ville de Tripoli. Cette plateforme a ouvert ses portes aux volontaires dès janvier 2019. Jusqu’en décembre 2019, elle a organisé des sessions de formation intensives sur les thèmes de la paix, de la citoyenneté et de l’éthique journalistique, ainsi que sur les techniques du journalisme numérique et ses compétences.

Le travail de Shada ne se limitait pas uniquement à la formation. De nombreuses vidéos relatant les difficultés de la ville de Tripoli et du Liban en général ont été montées dans le cadre de programmes qui exposent les problèmes et proposent des solutions, mais aussi de campagnes favorables à la cause féminine et à la lutte contre le trafic humain. Ces programmes ont également défendu les réfugiés contre les campagnes de provocation adoptées par certaines parties pour servir leurs intérêts étroits.

À travers ces simples expériences des médias sociaux et leurs pratiques sur le terrain, on constate que l’importance de l’outil médiatique n’est pas estimée en fonction des équipements techniques ou l’importance de ses budgets, d’autant que le monde compte d’innombrables chaînes. Toutes ces chaînes ont-elles pour autant le même impact ? Bien sûr que non, parce que la portée de l’information ne se fait pas en recourant à une image éblouissante ou à un embellissement de la réalité moyennant une caméra moderne. La mission des médias ne se limite pas à la simple transmission de l’image sans une résolution du problème. C’est ce que les nouvelles plateformes essaient de faire.


Nour Melli est coordinateur médiatique au Laboratoire Médiatique SHADDA.

Nawar Baksrawi est journaliste.


Les articles, enquêtes, entrevues et autres, rapportés dans ce supplément n’expriment pas nécessairement l’avis du Programme des Nations Unies pour le développement, ni celui de L'Orient-Le Jour, et ne reflètent pas le point de vue du Pnud ou de L'Orient-Le Jour. Les auteurs des articles assument seuls la responsabilité de la teneur de leur contribution.

Malgré toutes ces caractéristiques qui permettent aux réseaux sociaux de s’asseoir sur le trône des médias et d’accéder au domaine du cinquième pouvoir, après les médias traditionnels, d’autant qu’ils jouent un grand rôle dans les prises de décisions, ils restent une arme à double tranchant. En fait, les réseaux sociaux peuvent contribuer au redressement de la société en...

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