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La Consolidation de la paix au Liban - Mai 2020

Ne pas laisser s’évaporer l’espoir


Chers lecteurs,

Lorsque la pandémie de Covid-19 a pris le monde par surprise en mars 2020, elle a dicté de nombreux changements, notamment dans nos messages et publications. En conséquence, une partie du travail que nous avions entamé en janvier sur cette édition spéciale du supplément sur la consolidation de la paix au Liban, à l’origine consacrée à la « Citoyenneté et la consolidation de la paix », a dû être modifiée pour refléter les développements actuels. Dans cet esprit, nous avons choisi de remplacer notre éditorial habituel par cet extrait des remarques formulées par le secrétaire général des Nations Unies António Guterres au Conseil de sécurité à New York, le 9 avril 2020 :

« Le monde est confronté à son défi le plus grave depuis la fondation de cette organisation. Chaque pays est aux prises avec les conséquences dévastatrices de la pandémie de Covid-19 ou est prêt à en souffrir : des dizaines de milliers de vies perdues, des familles brisées, les hôpitaux débordés, les travailleurs essentiels surmenés.

« Nous luttons tous pour absorber le choc en cours : les emplois qui ont disparu et les entreprises qui ont souffert, le changement fondamental et radical de notre vie quotidienne et la crainte que le pire ne soit encore à venir, en particulier dans le monde en développement et les pays déjà frappés par les conflits armés.

« Alors que la pandémie de Covid-19 est avant tout une crise sanitaire, ses implications sont beaucoup plus profondes. Nous voyons déjà ses effets sociaux et économiques ruineux, alors que les gouvernements du monde entier peinent à trouver les réponses les plus efficaces à la montée du chômage et au ralentissement économique.

« Mais la pandémie fait également peser une menace importante sur le maintien de la paix et de la sécurité internationale, ce qui pourrait entraîner une augmentation des troubles sociaux et de la violence, et compromettrait considérablement notre capacité à lutter contre la maladie.

« Mes préoccupations sont nombreuses et étendues, mais permettez-moi d'identifier huit risques particulièrement urgents :

« Premièrement, la pandémie de Covid-19 menace d'éroder davantage la confiance dans les institutions publiques, en particulier si les citoyens estiment que leurs autorités ont mal géré la réponse à cette situation ou ne font pas preuve de transparence face à l'ampleur de la crise.

« Deuxièmement, les retombées économiques de cette crise pourraient créer des facteurs de stress majeurs, en particulier dans les sociétés fragiles, les pays moins développés et les pays en transition. L'instabilité économique aura des effets particulièrement dévastateurs pour les femmes, qui forment la grande majorité des secteurs les plus touchés. Le grand nombre de ménages dirigés par des femmes dans les situations de conflit sont particulièrement vulnérables aux chocs économiques.

« Troisièmement, le report d'élections ou de referendums, ou la décision de procéder à un vote – même avec des mesures atténuées – peuvent créer des tensions politiques et saper la légitimité. Il est préférable de prendre de telles décisions après une large consultation visant à parvenir à un consensus. Le moment n’est pas propice à l'opportunisme politique.

« Quatrièmement, dans certains contextes de conflit, l'incertitude créée par la pandémie peut inciter certains acteurs à promouvoir de nouvelles divisions et troubles. Cela pourrait entraîner une escalade de la violence et peut-être des erreurs de calcul dévastatrices, ce qui pourrait enraciner davantage les guerres en cours et compliquer les efforts de lutte contre la pandémie.

« Cinquièmement, la menace du terrorisme demeure vivante. Les groupes terroristes peuvent voir une fenêtre d'opportunité pour frapper, pendant que l'attention de la plupart des gouvernements est tournée vers la pandémie. La situation au Sahel, où les populations sont confrontées au double fléau du virus et à l'escalade du terrorisme, est particulièrement préoccupante.

« Sixièmement, les faiblesses et le manque de préparation dévoilés par cette pandémie ouvrent une voie sur la façon dont une attaque bioterroriste pourrait se dérouler et augmenter ses risques. Les groupes non-étatiques pourraient avoir accès à des souches virulentes qui pourraient causer une dévastation similaire dans les sociétés du monde entier.

« Septièmement, la crise a entravé les efforts internationaux, régionaux et nationaux de résolution des conflits, juste au moment où ils sont le plus nécessaires. De nombreux processus de paix sont au point mort alors que le monde fait face au Covid-19. Nos bons offices et nos engagements de médiation en ont ressenti l'impact. Les restrictions à la circulation peuvent continuer d'affecter le travail de divers mécanismes fondés sur la confiance, ainsi que notre capacité à engager une diplomatie de crise pour désamorcer les conflits potentiels.

« Huitièmement, la pandémie déclenche ou aggrave divers problèmes liés aux droits de l'homme. Nous assistons à une stigmatisation, des discours de haine, et nous voyons des suprémacistes blancs et d'autres extrémistes qui cherchent à exploiter la situation. Nous assistons aussi à une discrimination dans l'accès aux services de santé. Les réfugiés et les personnes déplacées sont particulièrement vulnérables. Et il y a des manifestations croissantes d'autoritarisme, y compris des restrictions sur les médias, l'espace civique et la liberté d'expression ».

UNDP, Liban




La recherche introspective de solutions aux crises nationales, régionales et mondiales

La recherche introspective de solutions aux crises nationales, régionales et mondiales

Au cours des derniers mois, nous avons assisté à un phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur au Liban. Pendant trop longtemps, la perception communément admise a été que le peuple libanais ne se voyait que dans un contexte géopolitique plus large par rapport à des « axes » internationaux rivaux, faisant fi de toutes les autres considérations jugées d’importance secondaire. Cependant, les récents développements dans le pays ont détourné l’attention vers l'intérieur et poussé les Libanais à poser des questions plus vitales liées à la fois à leurs droits et à leur identité.

Ce supplément, à la fois sous sa forme imprimée et dans sa version électronique depuis décembre 2019, est financé par l'Allemagne via la Banque allemande de développement KfW. Il fait écho à son dévouement et son soutien total en vue de favoriser des espaces média sûrs et positifs pour le débat public, afin de promouvoir un discours rationnel et dépourvu de haine dans le cadre de la mission de consolidation de la paix du PNUD.

En cette époque de bouleversements aussi importants, cet instrument médiatique participatif entre vos mains est important afin de refléter l'état de conscience avancée des Libanais qui se découvrent à nouveau et reconnaissent leur énorme potentiel. En s'inspirant du discours sur les places publiques et dans les rues, les contributeurs à cette édition du supplément, notamment des chercheurs, des militants, des écrivains et des artistes, discutent des derniers mouvements sociaux du pays dans le cadre d'un exercice national visant à repenser et réévaluer le sens de la citoyenneté et de l'engagement dans la vie publique. Cette démarche peut forger une meilleure inclusion, mener à la réforme et finalement conduire à la consolidation d’une paix durable.

Outre ce supplément, la KfW est engagée dans la promotion d'un paysage médiatique positif au Liban, en soutenant la mise en œuvre du « Pacte des journalistes pour le renforcement de la paix civile », élaboré par le PNUD et la Fondation Thomson Reuters, par lequel les médias participants se sont engagés à rejeter la discrimination, promouvoir la paix civile et le respect. Cette action a été rendue possible notamment avec le financement par le PNUD et Maharat de nombre d’études sur les médias. Nous finançons également la création de campagnes nationales de sensibilisation visant à lutter contre les fake news, la propagande, les révélations trompeuses ou les fausses rumeurs.

Sascha Stadtler

Directeur de la Banque Allemande de Développement KfW, Liban




Le rôle des médias au temps du coronavirus


Cette édition paraît au cœur de l’épreuve. Au cœur d’une série de crises qui ont frappé les Libanais, et dont la plus récente est l'épidémie du coronavirus qui les effraie beaucoup et les prive, comme toutes les autres nations, de droits citoyens élémentaires et même de certains droits de l'homme internationalement reconnus. Ce sont peut-être les droits citoyens, ou plus exactement la privation de ces droits qui, en temps de crises et de guerres répétées, pèse le plus lourd. De fait, les Libanais observent aujourd’hui leurs semblables des pays développés, et la manière dont leurs gouvernements leurs assurent leurs besoins essentiels, sans leur faire sentir qu’ils doivent lui en être redevables, et sans qu’ils ne le doivent à un homme politique qui chercherait, ce faisant, à se renflouer par des aides en nature des campagnes de désinfection et des semblants de largesses.

Quel rôle revient aux médias dans ce domaine ? Les dissertations – voire les punitions – qui tiennent lieu d’introduction aux bulletins d’information sont insuffisantes à générer une prise de conscience réelle. Elles peuvent même provoquer un effet contraire dans une société qui a vécu et fait l’expérience de toutes sortes de défis et qui, pour s’affirmer, défie constamment les autorités publiques et la loi.

Il ne suffit pas que les médias disent aux citoyens, et ça peut être un père, un frère, un voisin ou un proche parent : « Restez chez vous ». Faire preuve de professionnalisme veut dire, pour les médias, inciter les personnes en confinement à prendre avantage de leur situation pour faire œuvre utile, se mettre à jour, lire, étudier, travailler de chez soi quand c’est possible, rentrer en leur for intérieur et penser à un avenir où de nombreux défis les attendent.

Il est nécessaire que le citoyen soit aidé à prendre conscience de ses droits fondamentaux ainsi que de ses devoirs. Maugréer ne suffit pas, ni se plaindre, ni étaler ses problèmes et les agiter comme des menaces. Comme si un citoyen sans défense était capable, dans son état d’isolement, d’inventer à lui tout seul des solutions.

En fait, pour les familles, il s’agit d’un beau moment à saisir pour se rencontrer, réfléchir ensemble, planifier l’avenir, s’ouvrir, même si leurs revenus sont modestes, à des médias de qualité, pas des médias vulgaires, bon marché, vides et inutiles.

Ghassan Hajjar

Rédacteur en chef du quotidien an-Nahar




Ne pas laisser s’évaporer l’espoir


S’il est un élément qui doit figurer en tête des priorités de la praxis politique au Liban, c’est bien la transparence. Le mouvement de contestation déclenché à la mi-octobre de l’année dernière a bien démontré cette lacune dans la gouvernance des pouvoirs publics libanais. Il est pour le moins hallucinant de constater la facilité avec laquelle tout devient rapidement « secret d’État » dans ce pays. Cela va de la formation des gouvernements aux différentes initiatives sectorielles, en passant par la fabrication des lois électorales, jusqu’à la tarification de nombreux services publics. Tout se passe dans le chuchotis honteux des alcôves, entre personnages aux allures de conspirateurs.

Le secteur privé, lui, n’est pas en reste. Les Libanais l’ont amèrement constaté avec les restrictions bancaires que les établissements de crédit se plaisent à modifier toutes les semaines, tantôt à la tête du client, tantôt sous l’injonction opaque de la Banque du Liban.

Les contestataires ont pu en tout cas dégager une certitude : si les citoyens libanais s’engagent très peu dans la vie publique, c’est bien en raison de cette chape de plomb qui frappe l’information officielle, dont l’accès relève du parcours du combattant en dépit d’une loi votée et adoptée au Parlement. Et encore ! Moins par conviction que pour se dédouaner face aux pressions exercées par la communauté internationale…

Résultat : comme le citoyen est très peu informé de ses droits, il se tourne naturellement vers son mentor politique. Celui-ci peut être un chef de parti, un ministre, un haut fonctionnaire, voire un dignitaire religieux. Ainsi, au lieu de prendre le chemin légal existant dans tout État de droit, il s’habitue à emprunter le sentier tortueux du trafic d’influence et de la corruption.

Le mouvement de contestation de ces derniers mois, a permis une prise de conscience de cet état de fait et balayé un nombre incalculable d’idées reçues et mises en pratique depuis de nombreuses années. Mais prendre conscience de cette anormalité ne suffit pas. Encore faut-il agir dans un cadre structurel minimum pour se faire entendre et aboutir au résultat escompté.

Au risque de laisser s’évaporer l’espoir d’un changement qui a pourtant tous les attributs pour être salutaire.

Gaby Nasr

Directeur des éditions spéciales du quotidien L’Orient-Le Jour


Publié par le projet " La consolidation de la paix au Liban" du Programme des Nations Unies pour le développement et financé par l’Allemagne à travers la banque allemande de développement KfW, ce supplément est distribué avec les quotidiens an-Nahar dans sa version arabe, et avec le Daily Star et L’Orient-Le Jour dans les versions anglaises et françaises. Ce numéro regroupe les articles d’un certain nombre d’écrivains, de journalistes et de professionnels des médias, de chercheurs et d’artistes. Il aborde les sujets relatifs à la paix civile et les répercussions de la crise syrienne au Liban et les relations entre les Libanais et les Syriens, dans des approches de fond loin des discours de haine.


Les articles, enquêtes, entrevues et autres, rapportés dans ce supplément n’expriment pas nécessairement l’avis du Programme des Nations Unies pour le développement, ni celui de L'Orient-Le Jour, et ne reflètent pas le point de vue du Pnud ou de L'Orient-Le Jour. Les auteurs des articles assument seuls la responsabilité de la teneur de leur contribution.


Chers lecteurs,Lorsque la pandémie de Covid-19 a pris le monde par surprise en mars 2020, elle a dicté de nombreux changements, notamment dans nos messages et publications. En conséquence, une partie du travail que nous avions entamé en janvier sur cette édition spéciale du supplément sur la consolidation de la paix au Liban, à l’origine consacrée à la « Citoyenneté et la...

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