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Chômée ? Et comment !

Du temps où ils allaient à l’école, nos petits cancres n’avaient pas trop à se plaindre. Bon an mal an, une multitude de jours de congé leur sont garantis, dans un Liban riche de ses 17 communautés religieuses et où il ne faut surtout pas faire de jaloux. S’y ajoutent les célébrations et commémorations à caractère national, et dont plus d’une ne revêt, au demeurant, qu’une portée purement symbolique, et même nostalgique. Cela sans parler de tous ces accidents qui, depuis de longues années, meublent obstinément la vie publique et commandent une sage retraite à la maison.

Mais quelle ironie plus cruelle, en ce 1er Mai, que de voir les deux spectres de la faim et de la contagion virale flotter, bras dessus bras dessous, sur ce qui est censé être la fête des travailleurs ! Et de quelle fête chômée ose-t-on encore parler quand nul n’a le cœur à la fête ; quand le chômage est au menu de chaque jour que Dieu fait ; quand la seule forme de célébration praticable est une explosion de colère populaire s’étendant aux quatre coins du territoire ?

Le Covid-19 est la maladie des pauvres, rappelait dernièrement l’hebdomadaire français L’Obs. Ce glaçant constat est bien dans l’ordre monstrueusement naturel des choses. Pas de relâche en effet, pas de télétravail possible pour tous ces damnés de la terre ; quels qu’en soient les risques sanitaires, ils doivent aller gagner, au jour le jour, leur subsistance et celle de leur famille. Plutôt succomber à l’infection en se mêlant à la foule des manifestants, ou alors tomber sous les balles des forces de l’ordre, que de crever avec les siens d’inanition : c’est à la lettre qu’il faut prendre leur pathétique cri de ralliement.

Face au sinistre duo, plus d’un Libanais sur deux se trouve aujourd’hui totalement démuni, sans autre exutoire ni recours que la rue, avec ses aléas, ses périls et parfois ses dérives. Bien avant l’apparition de la pandémie, le peuple s’est soulevé contre des années de mal-gérance, doublée d’ostensibles, de scandaleuses prévarications. Avec ses désastreuses retombées économiques, ce mange-tout de virus a seulement hâté, en le rendant plus douloureux encore, un effondrement prévisible, annoncé, mathématiquement inéluctable. Non content de les avoir volés en pillant les ressources publiques, on attend des Libanais qu’ils paient eux aussi, de leurs maigres deniers, la facture de toutes ces rapines. On confisque leurs économies déposées en banque, et que la dévaluation galopante de la monnaie ne rend que plus dérisoires. On piétine leurs droits et intérêts, on bafoue leur dignité de citoyen. Et c’est leur intelligence que l’on insulte maintenant, avec cette guerre contre la corruption où l’on voit les plus corrompus, parrains du gouvernement et détenteurs de la réalité du pouvoir, se poser en parangons d’intégrité et de transparence.

S’il est en ce moment une matière à célébration, c’est, à en croire la propagande officielle, l’éclosion toute fraîche d’un programme officiel de redressement économique et financier. Pompeusement qualifiée d’historique, cette réalisation n’est autre chose que le prélude à une négociation avec le Fonds monétaire international : échéance incontournable, escale obligée mais longtemps différée et que les responsables n’osent même encore appeler par son nom.

Les voilà pourtant qui se tapent avantageusement sur le dos, avec la satisfaction que procure le travail bien fait.


Du temps où ils allaient à l’école, nos petits cancres n’avaient pas trop à se plaindre. Bon an mal an, une multitude de jours de congé leur sont garantis, dans un Liban riche de ses 17 communautés religieuses et où il ne faut surtout pas faire de jaloux. S’y ajoutent les célébrations et commémorations à caractère national, et dont plus d’une ne revêt, au demeurant, qu’une...