Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - Justice

Les nouvelles réformes en Arabie saoudite accueillies avec prudence

Le royaume a supprimé de son système pénal la flagellation et a aboli la peine de mort pour les mineurs.

L’Arabie saoudite abolit la peine de flagellation.

Riyad continue d’essayer de redorer son image. La semaine dernière, l’Arabie saoudite a annoncé la suppression de son système pénal de la flagellation et l’abolition de la peine de mort pour les mineurs. Des décisions qui s’inscrivent dans la volonté du prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, de réformer le royaume wahhabite, mais qui ont reçu un accueil mitigé dans les cercles d’activistes et de défenseurs des droits de l’homme. Alors que Riyad est régulièrement dénoncé par les ONG pour son système judiciaire opaque et ses violations des droits humains, des zones d’ombre persistent autour des deux dernières annonces.

Décidée par la Cour suprême, plus haute instance judiciaire du royaume, la suppression de la flagellation n’est valable que pour les délits dont les peines tombent sous le coup du « ta’zir », signifiant qu’elles sont à la discrétion du juge. Elle reste applicable pour les peines où la flagellation est explicitement prévue par la Charia, la catégorie des « hudud », à l’instar des relations sexuelles hors mariage, la consommation d’alcool ou encore l’apostasie. Cas le plus médiatisé sur la question de la peine de flagellation, l’écrivain et blogueur saoudien Raëf Badaoui avait été condamné en 2012 à mille coups de fouets et à dix ans de prison pour apostasie et insulte à l’islam.

Lire aussi

2020, année crash-test pour MBS

« C’est un jour important pour l’Arabie saoudite. Ce décret nous aide à établir un code pénal plus moderne », s’est félicité vendredi dernier Awad al-Awad, le chef de la Commission des droits humains saoudienne. Ces décisions « reflètent la façon dont l’Arabie saoudite va de l’avant dans sa réalisation de réformes des droits de l’homme, même au milieu des difficultés imposées par la pandémie du Covid-19 », a-t-il estimé, avant de préciser « que d’autres réformes vont arriver ».

Deux jours plus tard, un décret royal signé par le roi Salmane, mais annoncé par la Commission nationale des droits humains abolissait la peine de mort pour les mineurs, désormais remplacée par une peine de prison en centre de détention juvénile, pour une durée maximum de dix ans. « Récemment, le Conseil de la Choura (assemblée consultative), la Commission nationale des droits de l’homme et la nouvelle direction au sein du ministère de la Justice – quelque peu plus progressiste par rapport à l’ancienne direction traditionaliste – ont aidé à apporter de nouveaux éléments pour mettre en œuvre la convention relative aux droits de l’enfant », note Hala Aldosari, une activiste saoudienne et chercheuse au centre d’études internationales à MIT, interrogée par L’Orient-Le Jour. « Cette mesure est un grand pas en avant pour l’Arabie saoudite si elle est mise en œuvre surtout que le recours à la peine capitale dans le pays a atteint un record choquant en 2019, avec 184 exécutions recensées », a déclaré dans un communiqué Heba Morayef, directrice pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.

Législation sur le papier

Après avoir indiqué qu’une exception serait faite pour les crimes tombant sous le coup des lois antiterroristes, la Commission nationale des droits humains a finalement précisé mardi que cette réforme les incluait également. Il n’est toutefois toujours pas clair si la décision s’applique de manière rétroactive. « L’Arabie saoudite a été très active récemment pour aligner sa propre législation sur le papier avec son engagement vis-à-vis des conventions ou traités internationaux relatifs aux droits de l’enfant ou pour revoir sa législation et ses pratiques », souligne Hala Aldosari. « Mais le problème concerne également la manière dont la loi est respectée, mise en œuvre et contrôlée pour garantir qu’il n’y a pas d’incohérence dans son application », nuance-t-elle. Trois jeunes activistes chiites arrêtés en 2012, mineurs à l’époque, et accusés d’avoir pris part à des manifestations contre le gouvernement, pourraient alors voir leur peine de mort annulée. La communauté chiite, minoritaire dans le royaume, est régulièrement persécutée par les autorités. En 2016, 47 personnes, dont au moins 3 mineurs, avaient été condamnées à mort, accusées d’avoir commis des infractions liées au terrorisme.

Lire aussi

MBS consolide sa place dans la maison des Saoud

Les Nations unies et les ONG ont dénoncé l’utilisation abusive de la législation antiterroriste par les autorités saoudiennes pour réduire toute voix dissidente au silence. « La loi actuelle, contrairement aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, permet de criminaliser un large éventail d’actions d’expression pacifique qui, selon les autorités, mettent en danger l’unité nationale ou portent atteinte à la réputation ou à la position de l’État », soulignait déjà en 2017 le Rapporteur spécial de l’ONU sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste. Trois ans plus tard, plus d’une vingtaine d’activistes et de défenseurs des droits de l’homme saoudiens sont toujours derrière les barreaux sous couvert d’accusations liées au terrorisme.

Réformes minimes

La veille de l’annonce de la suppression de la flagellation, les cercles d’activistes étaient secoués par la nouvelle de la mort du poète et défenseur des droits de l’homme Abdallah al-Hamid à l’âge de 69 ans suite au refus des autorités de lui laisser accès aux soins médicaux nécessaires pendant sa détention. Ayant eu affaire à la justice saoudienne à de multiples reprises en raison de son activisme, sa peine de prison de cinq ans avait été rallongée de six ans en 2013 pour avoir, entre autres, « rompu l’allégeance » au roi et « cherché à perturber la sécurité et incité au désordre en appelant à des manifestations ». Au cours des deux dernières semaines, une princesse saoudienne a attiré l’attention des médias en implorant le roi Salmane et son fils à la relâcher de prison par le biais de son bureau de communication sur Twitter, face à la détérioration de son état de santé. Détenue depuis plus d’un an, la princesse Basmah bint Saoud a régulièrement pris position publiquement contre la politique de Riyad.

Lire aussi

« Personne ne connaît vraiment l’étendue de l’influence du roi Salmane sur le prince héritier »

Si les dernières réformes adoptées ne sont pas directement en rapport avec l’actualité, « elles sont liées à la façon dont le système peut en quelque sorte améliorer son image et s’assurer que les alliés (de l’Arabie saoudite) à l’extérieur aient toujours confiance et voient que des choses changent, même de manière graduelle », indique Hala Aldosari. Présenté en Occident comme celui qui allait moderniser le royaume, Mohammad ben Salmane s’est vu mis au ban de la communauté internationale en 2018 suite au meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul. Depuis, Riyad redouble d’efforts pour mettre en avant les changements effectués à l’intérieur du pays. Selon Hala Aldosari, « si on compare ces réformes au niveau d’oppression actuel (dans le royaume), elles sont très minimes ». « Le fait par exemple que les enfants ne seront pas punis par la flagellation ou la peine de mort ne signifie pas qu’ils auront accès à la justice ou que la procédure régulière sera respectée », précise-t-elle.

Riyad continue d’essayer de redorer son image. La semaine dernière, l’Arabie saoudite a annoncé la suppression de son système pénal de la flagellation et l’abolition de la peine de mort pour les mineurs. Des décisions qui s’inscrivent dans la volonté du prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, de réformer le royaume wahhabite, mais qui ont reçu un accueil mitigé dans les...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut