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Lifestyle - Archéologie sous-marine

Une armada d’épaves découvertes dans les abysses entre Chypre et le Liban

Trières grecques, galères romaines, navires datant du Moyen Âge et un colosse ottoman chargé de marchandises gisent dans des gangues de boue à 2 200 mètres de fond.

Une des plus anciennes pipes ottomanes jamais découvertes. Photos Enigma Recoveries

Une douzaine de galères hellènes, romaines et de l’époque islamique ainsi qu’un bateau ottoman avec sa cargaison datant du XVIIe siècle ont été découverts à 2 200 mètres de profondeur, dans le bassin levantin, entre Chypre et le Liban. Ils avaient sillonné la même route à différentes périodes. Ce lieu de sépultures sous-marines « équivaut archéologiquement à la découverte d’une nouvelle planète. C’est vraiment révolutionnaire, l’une des découvertes les plus incroyables de la Méditerranée », a déclaré à l’Observer le directeur des fouilles, Sean Kingsley, un des principaux archéologues du projet, à la tête du Center for East-West Maritime Exploration et auteur de L’encyclopédie d’archéologie sous-marine, Barbares en Méditerranée : de la Rome antique au début de l’islam.


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Les explorations menées par l’équipe britannique Enigma Shipwrecks Project (ESP) étaient terminées depuis fin 2015, mais la découverte n’a été dévoilée qu’à la mi-avril 2020, « le temps que les spécialistes analysent les artefacts remontés à la surface », explique Kingsley, particulièrement enthousiasmé par l’épave ottomane. Décrit comme un puissant colosse, le navire avait coulé vers 1630 lors d’un voyage entre l’Égypte et Istanbul. De 43 mètres de long et pesant mille tonnes, il appartenait vraisemblablement à un seigneur de la mer et transportait dans sa cale des centaines d’objets d’une diversité étonnante et de provenance différente : Chine, Inde, golfe Arabo-Persique et mer Rouge, ainsi qu’Afrique du Nord, Italie, Espagne, Portugal et Belgique. « Ces biens de consommation, remarquablement cosmopolites pour une expédition prémoderne, illustrent la portée mondiale du commerce au début du XVIIe siècle. Les prémices de la mondialisation économique étaient déjà posées », relève Kingsley.



Une porcelaine de Chine fabriquée sous le règne du dernier empereur de la dynastie Ming.


La porcelaine Ming et le café

Parmi les artefacts cités par Sean Kingsley, des pots de peinture et de la céramique italienne, des grains de poivre d’Inde, une porcelaine de Chine comprenant 360 tasses décorées, des plats et bouteilles, fabriqués dans les fours de Jingdezhen (aujourd’hui capitale mondiale de la porcelaine), sous le règne de Chongzhen, seizième et dernier empereur de la dynastie Ming (1627-1644). Ces tasses conçues pour déguster le thé ont été adaptées par les Ottomans pour boire le café.

D’autre part, des pipes à tabac en terre cuite datant du XVIIe siècle étaient enfouies au fond de la cale. Elles sont les plus anciennes jamais trouvées sur terre ou en mer, disent les experts. Dans ce contexte, Sean Kingsley signale que « l’engouement qui s’était emparé de l’Empire ottoman pour le café et le tabac et les salles publiques est une caractéristique de la culture moderne. L’Europe peut penser qu’elle a inventé les notions de civilité, mais les tasses et les pots de café prouvent que l’Orient barbare a été un pionnier plutôt qu’un marigot. Le premier café de Londres n’a ouvert ses portes qu’en 1652, un siècle après le Levant ».

En 1582, Leonhard Rauwolf, naturaliste allemand, médecin et botaniste voyageur, décrit le rituel du café à Istanbul : « Une très bonne boisson qu’ils appellent chaube qui est presque aussi noire que l’encre. Cette boisson est très courante. Tôt le matin, ils se retrouvent dans les bazars en assez grand nombre ou encore dans les lieux ouverts à tout le monde pour la boire dans des tasses de Chine (…) Ils s’installent en cercle et se font passer les tasses (…) Les graines de café sont importées d’Inde. »

La plus vieille pipe ottomane

Mais pourquoi les pipes découvertes étaient-elles si bien dissimulées dans la cale ? À l’époque chez les Ottomans, il était interdit de fumer. On peut lire dans Qantara, portail dédié au dialogue entre les cultures méditerranéennes et inscrit dans le programme Euromed Heritage, que le tabac, découvert dans le Nouveau Monde au XVIe siècle, s’est propagé rapidement en Europe et au Moyen-Orient, diffusé par les soldats et les marchands à travers tout le territoire ottoman. Une opposition au tabac se manifeste assez tôt, à partir de 1511, avec plusieurs fatwas prononcées contre sa consommation. Puis une interdiction sera imposée sous le règne du sultan Ahmad (1603-1617), suivie d’une autre émanant du sultan Mourad IV (1623-1640), avant d’être levée vers 1646. Ces interdictions seraient liées au fait que les endroits où l’on fumait, les cafés, devenaient des lieux de sédition. Ainsi, le tabac fut étroitement associé à la consommation du café, autre stimulant nouvellement introduit, et devint un article habituel dans tout l’Empire ottoman à partir du début du XVIIe siècle. La levée totale de son interdiction a eu lieu en 1680 quand les autorités ottomanes se rendirent compte de sa valeur potentielle comme source de revenus pour la trésorerie impériale. Il sera légalisé à partir des années 1720. Une guilde des fabricants de pipe fut créée en 1760 à Istanbul dans le quartier de Tophane.


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L’exploration s’est faite essentiellement à l’aide de ROV’s (Remotely Operated Vehicles). Des caméras numériques et des technologies de contrôle à distance ont été utilisées pour rechercher et enregistrer les découvertes dont « certaines pourraient réécrire l’histoire ». « Tout a été soigneusement documenté par des images haute résolution et des vidéos HD », souligne Steven Vallery, codirecteur d’Enigma, ajoutant que pour la science et l’exploration sous-marine, ces découvertes constituent un bond en avant géant ». Et d’affirmer que les épaves d’Enigma se trouvent au-delà des eaux territoriales du Liban et de Chypre.

L’équipe Enigma Shipwrecks Project espère que la collection mise au jour sera exposée en permanence dans un grand musée public.

Sources : The Observer, The Guardian, Express britannique et Mail Cyprus.

Une douzaine de galères hellènes, romaines et de l’époque islamique ainsi qu’un bateau ottoman avec sa cargaison datant du XVIIe siècle ont été découverts à 2 200 mètres de profondeur, dans le bassin levantin, entre Chypre et le Liban. Ils avaient sillonné la même route à différentes périodes. Ce lieu de sépultures sous-marines « équivaut archéologiquement à la...

commentaires (3)

RELIQUES POUR LA PLUPART DES ECHANGES COMMERCIAUX ENTRE L,ANCIENNE GRECE ET LA PHENECIE.

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 44, le 28 avril 2020

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Commentaires (3)

  • RELIQUES POUR LA PLUPART DES ECHANGES COMMERCIAUX ENTRE L,ANCIENNE GRECE ET LA PHENECIE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 44, le 28 avril 2020

  • A-t-on déjà pensé aux conséquences juridiques d'une telle découverte dans les lits de mer pouvant appartenir à la souverainté exclusive des pays riverains et qui pourraient réclamer leur part , voire des indemnisations pénales pour organiser des expéditions

    Chucri Abboud

    15 h 50, le 28 avril 2020

  • Preuve que les phoeniciens étaient meilleurs navigateurs : aucune épave phénicienne n'est mentionnée...

    Wlek Sanferlou

    13 h 21, le 28 avril 2020

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