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Lifestyle - Livres

Revenir sur la guerre du Liban, pour ne pas oublier

La quatrième édition du livre « Lebanon Shot Twice », de Zaven Kouyoumdjian, parue en janvier, continue de documenter l’histoire du conflit, ses images et sa mémoire.

Des mariés en temps de guerre, en couverture de l’ouvrage, paru en janvier dernier.

Avec l’anniversaire du fatidique 13 avril 1975, la nouvelle version du livre de Zaven Kouyoumdjian, Lebanon Shot Twice (éd. Hachette-Antoine), tombe à pic pour revenir en textes et en images sur l’histoire de la guerre libanaise, et l’évolution, les transformations des lieux et des survivants.

Animateur et producteur télé de 1999 à 2014, cette figure familière du petit écran a cherché, dans la première édition parue en 2002 aux éditions an-Nahar, à publier des images emblématiques de la guerre du Liban en retrouvant, en temps de paix, les lieux et les personnages qui figuraient dans ces photos : des miliciens, des secouristes, des personnes qui ont perdu des êtres chers, les souks de Beyrouth, les tours de la ville (Rizk et Murr), les lignes de démarcation, les explosions, les attentats, l’invasion israélienne, la fameuse bosta… Bref, Zaven Kouyoumdjian a voulu travailler autrement la mémoire de la guerre en photos.

Une fois le travail des archives et la sélection des photos effectués, il fait appel à une jeune photographe, Hayat Karanouh, pour refaire des clichés des mêmes endroits et des mêmes personnes, une ou deux décennies plus tard. Le livre avait connu un grand succès. Une deuxième édition est publiée en 2005, sans grand changement sinon quelques photos relatives à l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Dans sa troisième version, sortie en librairie en 2009, le livre n’était plus bilingue (anglais et arabe), mais trilingue, avec des textes également en français pour marquer l’organisation de la sixième édition des Jeux de la francophonie au Liban. Des clichés de la révolution du Cèdre y ont également été ajoutés.

Des thèmes variés

« Pour la quatrième édition, que je voulais sortir en 2019, en y ajoutant les élections législatives de 2018, j’avais fait appel à Ali Chehadé, un jeune vidéographe et photographe. Et puis la révolution du 17 octobre a commencé. J’ai remplacé le thème des élections par ce soulèvement populaire. J’y ai ajouté celui du mariage, car durant la guerre, de nombreuses photos emblématiques (dont celles de Georges Semerdjian, l’un des plus importants photographes de la guerre libanaise, prises rue de Damas en 1983), portent sur ce sujet et que, pour moi, il porte bonheur et donne de l’espoir pour l’avenir. J’ai trouvé aussi, sur les réseaux sociaux, la photo du mariage de Malak Alawieh (la jeune femme qui a donné un coup de pied au garde du corps d’un ministre le 17 octobre dernier et qui est devenue l’icône de la révolution). Signée Mohammad Yassine, graphiste et photographe à L’Orient-Le Jour, je l’ai sélectionnée pour la couverture de la dernière édition », précise-t-il. Cette nouvelle édition, parue en janvier, comprend au total 370 photos dont plus de 150 nouvelles images.

Dès le début de son travail, le journaliste avait versé ses droits d’auteur aux grandes publications libanaises qui avaient couvert la guerre. « J’ai tenu à mettre les noms des photographes et non du journal qui en détient les droits, pour leur rendre hommage à ma manière, parce que sans leur courage, la documentation de la guerre du Liban aurait été impossible », explique-t-il.

Complétant des informations au gré des années, Kouyoumdjian a cherché à étoffer ses sujets, enrichir ses histoires de nouveaux témoignages, gardant un fil directeur entre chaque édition. Ainsi, en 2009, une photo montrant Georges Semerdjian et datant de 1990 est publiée, alors qu’il gît par terre, tué sous un pont lors d’une mission. Dix-neuf ans plus tard, le journaliste partage le témoignage de la veuve du photographe en l’accompagnant de l’image de cette dernière entourée de ses deux filles devenues adultes.

« Trois nouveaux visages figurent cette année, ceux d’Assaad Chaftari, Ziad Saab et Badri Abou Diab, anciens miliciens de diverses factions, qui œuvrent désormais pour la paix, dans le cadre d’une ONG, Fighters For Peace, qu’ils ont créée », rajoute-t-il.

Cicatrices de guerre

« Les photos des personnes que j’ai retrouvées après la guerre ont toutes un dénominateur commun : la tristesse dans les yeux. On ne sort pas intact de la guerre. » Et de préciser : « Même les immeubles aux façades ravalées portent encore les séquelles de la guerre. »

« Ce qui m’a attristé aussi au fil des ans, c’est ma dernière rencontre avec Rida Ali Hussein, le fils du chauffeur du bus de Aïn el-Remmaneh, avec qui je me suis à nouveau entretenu pour la quatrième édition. Lors de la rencontre effectuée pour la première édition du livre, il avait accroché sur les murs de sa maison des photos du vieux Beyrouth. Là, je l’ai revu au même endroit, elles ont été remplacées par d’autres, les siennes, en treillis militaire alors qu’il était milicien durant les années 80 dans le mouvement Amal. Il m’a raconté qu’il avait changé les photos après le 7 mai 2008, quand le Hezbollah et Amal s’étaient emparés de Beyrouth. J’en étais désolé, car de nombreuses personnes qui ont tenté de tourner la page de ces années, avec la fin des événements du Liban, retournent aujourd’hui à leur mémoire de la guerre, devenue pour eux un souvenir rassurant. »

Zaven Kouyoumjian souligne en conclusion : « En travaillant par intermittence durant 18 ans dans les mêmes endroits, je peux visualiser l’évolution du pays et de la ville. Nous perdons de beaux bâtiments, des espaces verts, des endroits emblématiques, le Liban ne ressemble plus à ce qu’il était. C’est comme si Beyrouth perdait, de jour en jour, son âme. »

Sur ces semaines particulières qui l’ont empêché de communiquer sur la sortie de son livre, Zaven Kouyoumdjian confie : « Le plus dur a été le décès de mon oncle la semaine dernière. Nous avons dû organiser des funérailles réduites au minimum, l’office religieux s’est tenu dans la chapelle du cimetière, et non à l’église. Et puis, je n’ai pas pu embrasser sa femme pour la réconforter. C’est probablement le souvenir le plus traumatisant qui me restera de cette période. Cela me manque de toucher les gens que j’aime, de serrer les mains… »

Zaven Kouyoumdjian en quelques dates

Naissance en 1970.

Maîtrise en études de communication.

Professeur dans plusieurs universités et consultant média auprès de nombreuses ONG.

1992 : animateur télé reporter et présentateur de nouvelles sur Télé-Liban.

1996 : 5 sur 7, son premier talk-show sur Télé-Liban.

1999 : Siré wenfatahet sur Future Television.

2005 : le magazine Newsweek l’inclut dans sa liste des 43 personnalités les plus influentes du Moyen-Orient.

Zaven Kouyoumdjian a publié cinq livres : Lebanon Shot Twice (éditions an-Nahar, 2002), un album best-seller, qu’il réédite en 2005, 2009 et 2020 ; Shahed bel moujtamaa – Un témoin de la société – (éditions Academia International, 2012), coécrit avec la Dr Dolly Habbal, psychologue clinicienne, et qui traite des situations conflictuelles sur le plan social et individuel, telles que révélées au grand jour par la télévision libanaise ; Assaada Allah masaakoum (Les 100 moments qui ont fait la télévision au Liban ), qui relate les étapes-clés et les événements marquants de l’histoire de la télévision libanaise et, enfin, Lebanon on Screen (Le Liban via son petit écran : les plus grands moments de la télévision libanaise et de la culture populaire, éditions Hachette-Antoine, 2016).


Pour mémoire

Zaven Kouyoumdjian, conteur d’histoires et d’Histoire

Avec l’anniversaire du fatidique 13 avril 1975, la nouvelle version du livre de Zaven Kouyoumdjian, Lebanon Shot Twice (éd. Hachette-Antoine), tombe à pic pour revenir en textes et en images sur l’histoire de la guerre libanaise, et l’évolution, les transformations des lieux et des survivants. Animateur et producteur télé de 1999 à 2014, cette figure familière du petit écran a...

commentaires (1)

Je voudrais bien avoir un de ses livres c'est domage quand j'étais au Liban en juillet j'aurais pu l'acheter

Eleni Caridopoulou

18 h 50, le 16 avril 2020

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Commentaires (1)

  • Je voudrais bien avoir un de ses livres c'est domage quand j'étais au Liban en juillet j'aurais pu l'acheter

    Eleni Caridopoulou

    18 h 50, le 16 avril 2020

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