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Culture - Installation

La vie, l’art, l’attente : inspirations croisées par Alaa Minawi

L’artiste libano-palestinien n’aurait jamais pensé que « Waiting for it to end » (En attendant que ça s’achève), le titre qu’il a donné à sa dernière installation aux Pays-Bas – réalisée à l’occasion du 75e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale – s’appliquerait si parfaitement à la situation qu’il expérimente lui-même aujourd’hui, comme le tiers de la population mondiale : la vie en suspens, dans l’attente que le fléau prenne fin...

Confiné chez lui à Amsterdam, c’est avec sa famille au Liban que Alaa Minawi aurait aimé passer cette période. DR

Alaa Minawi a choisi l’art en opposition à la guerre. L’ouverture au monde plutôt que le repli sur soi. La thématique humaine plutôt que le questionnement abstrait. Il n’est donc pas étonnant que cet artiste visuel libano-palestinien, également scénographe et designer de lumière, établi depuis 2016 aux Pays-Bas, se soit vu confié par une structure conjointe muséale et administrative néerlandaise* la réalisation d’une œuvre célébrant le 75e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Inaugurée le 8 mars, juste avant le confinement généralisé d’une large fraction de la planète, Waiting for it to end, la sculpture monumentale (8 mètres de hauteur par 8 mètres de largeur) qu’il a réalisée à cet effet, déploie, dans le parc du musée Biesbosch de Brabant, deux silhouettes géométriques en fer écarlate qui, appuyées l’une contre l’autre, évoquent un couple éperdument tourné vers l’horizon. Une pièce allégorique de l’espoir d’un dénouement prochain qu’auront inlassablement cultivé les populations européennes en prise aux affres de la Seconde Guerre mondiale.

Une œuvre commémorative qui rejoint de manière impromptue l’actualité. Car cette attente mêlée de crainte et d’expectative est exactement ce que ressent, en ce moment, plus du tiers de la population terrestre durant cette pandémie du coronavirus.

En attendant que ça se termine

« Nous expérimentons sans doute les mêmes appréhensions et situations de calfeutrement qu’ont dû traverser les gens en Europe durant la Seconde Guerre mondiale », estime l’artiste joint par téléphone. Il indique avoir conçu cette installation « en pensant aux Néerlandais durant cette sombre période du siècle passé. Aux personnes civiles qui avaient choisi de ne pas être impliquées dans le conflit et espéraient sa fin avec impatience. Tous ceux et celles qui, malgré la terreur et la menace, continuaient à produire de l’art et de la culture, à travailler à la ferme, à planter, à fabriquer le pain, à enseigner, à soigner… », indique l’artiste. « Mais, je l’ai aussi réalisée avec, dans mon cœur et mon esprit, cette turbulente région d’où je viens », poursuit-il. « Ce Moyen-Orient qui, depuis la fin de cette guerre en 1945, n’a pas vécu une journée de paix et de tranquillité. Et en particulier le Liban qui traverse des jours difficiles et dont le mouvement de révolte du 17 octobre a enfin jailli après tant d’années, de décennies, de vaine attente… »

« À travers cette œuvre commémorative d’une époque où régnaient, en Europe, la peur et l’incertitude de l’avenir, j’ai voulu délivrer le message qu’il est certes nécessaire de cultiver le souvenir du passé et de la paix retrouvée mais qu’il est aussi important de se sentir concerné par ce qui se passe aujourd’hui autour de nous. Par ces conflits, ces guerres, ces crises que vivent d’autres humains sous d’autres latitudes… », insiste l’artiste visuel.

Liés par la peur

Installé depuis 4 ans à Amsterdam, Alaa Minawi a l’habitude de s’inspirer de la vie et spécialement du vécu post-traumatique, dans son art. C’est en côtoyant des réfugiés alors qu’il travaillait en tant qu’interprète pour une ONG, à Beyrouth, qu’il avait conçu, il y a 6 ans, My light is your light. Une installation composée d’une succession de silhouettes en néon aux postures exprimant toute la misère du rejet et de l’errance… Cette œuvre phare dans son parcours artistique avait fait le tour des grandes capitales avant de l’amener à s’ancrer aux Pays-Bas. Puis, il avait poursuivi son exploration artistique de thématiques liées à l’humain, aux notions d’identité et de frontières, ainsi qu’aux situations de conflits et de tensions à travers une série d’installations cartographiques baptisées 2048 et présentées régulièrement en Europe et au Liban. Sauf la dernière, intitulée 2048 ; Bodies-Borders-Belonging, qui a été reportée pour cause de révolution au pays du Cèdre.

« Ce n’est que partie remise. Dès la sortie du confinement, je prends l’avion pour le Liban. Pour y présenter mon travail mais aussi et surtout pour embrasser ma mère, mon frère et ma nièce qui me manquent très fort et avec qui j’aurais voulu passer cette période », affirme l’artiste, cloîtré en solitaire dans son appartement. « Si j’ai appris une chose de cette expérience par laquelle on passe, c’est que nous sommes, nous les humains, liés par la même peur atavique des fléaux et tous connectés les uns aux autres. Et là, je ne parle pas de connexion virtuelle. Car finalement, il aura suffi qu’une personne attrape une grippe en Chine pour qu’elle impacte la vie de la moitié de la planète… », conclut-il.

*Alaa Minawi a été commissionné par « Brabant remembers to present in Biesbosch museum Island », une structure conjointe muséale et administrative de la province de Branbant, au sud des Pays-Bas, pour réaliser une œuvre commémorative des 75 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale.


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