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Moyen-Orient - Éclairage

Comment la Russie tente de rapprocher les Émirats de la Syrie

Un entretien téléphonique a eu lieu vendredi entre Assad et MBZ, « axé sur le coronavirus ».

Une rencontre en janvier 2009 entre le président syrien Bachar el-Assad et Mohammad ben Zayed à Damas. Files/Stringer/ SANA/AFP

Le réchauffement des relations entre les Émirats arabes unis et la Syrie n’est vraiment pas une surprise. Bien qu’il soit le premier depuis le début du conflit en Syrie en 2011, l’entretien téléphonique qui a eu lieu vendredi entre le président syrien Bachar el-Assad et le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammad ben Zayed al-Nahyane, n’est que la suite logique du rapprochement entamé fin 2018 entre les deux pays, sous le regard bienveillant de la Russie.

Citant la présidence syrienne, l’agence officielle SANA a fait état d’un « entretien téléphonique entre le président Assad et le prince héritier d’Abou Dhabi (...) axé sur les conséquences de la propagation du nouveau coronavirus (...) ». Le dirigeant émirati a assuré M. Assad de « l’appui des Émirats arabes unis au peuple syrien en ces circonstances exceptionnelles ».

Sur son compte Twitter, le prince héritier d’Abou Dhabi a confirmé l’information, relayée également par l’agence officielle du riche émirat du Golfe. « J’ai discuté avec le président syrien (...) des derniers développements liés au Covid-19. Je l’ai assuré du soutien des Émirats arabes unis et de la volonté d’aider le peuple syrien », a-t-il écrit. « La solidarité humanitaire dans les temps difficiles l’emporte sur toutes les considérations, et la Syrie et son peuple ne seront pas seuls », a ajouté le dirigeant émirati.

« Ce sont les Russes qui ont tout organisé », affirme une source diplomatique proche des Émirats à L’Orient-Le Jour. Les EAU cherchaient à renouer avec le régime syrien depuis plus d’un an. « Les Occidentaux, Américains et Français en tête, étaient contre », ajoute cette source. Sept ans après avoir rompu leurs relations diplomatiques, les Émirats arabes unis ont rouvert leur ambassade à Damas en décembre 2018. La Syrie avait été mise au ban du monde arabe dès la fin 2011, et des pays, notamment du Golfe, avaient rappelé leurs ambassadeurs pour protester contre la répression sanglante menée par le pouvoir de Damas contre des manifestations prodémocratie, avant de soutenir pour certains l’opposition en exil et les rebelles armés. « Et là, MBZ a profité du contexte régional et international avec le coronavirus, et avec l’encouragement russe, le lien a été établi », précise cette source à L’OLJ.

La Syrie, ravagée par neuf ans de guerre, a signalé jusqu’ici quelques rares cas de contamination au nouveau coronavirus. Les organisations humanitaires craignent une « catastrophe » en cas de propagation de l’épidémie.

Le changement de la politique des EAU face au régime de Bachar el-Assad remonte à 2018. Anwar Gargash, ministre d’État émirati des Affaires étrangères, avait alors estimé que chasser la Syrie de la Ligue arabe avait été une erreur. « Cela signifiait que nous n’avions aucun pouvoir politique, aucun canal ouvert. Nous ne pouvions pas présenter une vision arabe sur la manière dont la question syrienne devrait être résolue », avait-il déclaré au journal émirati The National en juin 2018.


Retour de la Syrie
Certains observateurs estiment aujourd’hui que l’entretien téléphonique entre les deux dirigeants pourrait paver la voie à un retour de la Syrie à la Ligue arabe, les Émirats ayant d’assez bonnes relations notamment avec l’Égypte et l’Arabie saoudite pour les convaincre d’une action dans ce sens.

Partant de l’idée que le boycottage du régime syrien a été contre-productif et qu’il est désormais nécessaire de s’impliquer en Syrie pour contrebalancer le pouvoir croissant exercé par l’Iran et la Turquie, plusieurs pays arabes, encouragés par la Russie, ont entamé un timide rapprochement avec Damas.

Selon la source diplomatique, le dirigeant émirati essaie de gagner les faveurs de Moscou. « Et il a déjà gagné des dizaines de contrats, d’armements, de gaz, d’infrastructures, mais aussi de coopération spatiale », indique-t-elle.

Mohammad ben Zayed veut se rapprocher des Russes et des Chinois, et prendre une certaine distance vis-à-vis des Américains, estimant que le président Donald Trump est très instable. Ce revirement de la politique des Émirats a été entamé depuis les sabotages de quatre navires au large des côtes émiraties en mai 2019, en pleine escalade diplomatique entre l’Iran et les États-Unis. Abou Dhabi a ainsi annoncé en juillet de la même année le retrait de ses troupes de combat du Yémen. Les Émirats ont par ailleurs assoupli leur position face à Téhéran, plusieurs délégations des EAU ayant visité l’Iran l’année dernière.

Ainsi, la politique américaine de désengagement militaire du Proche-Orient, entamée par Barack Obama et poursuivie par son successeur, semble avoir redistribué les cartes dans cette partie du monde en perpétuel conflit, les acteurs régionaux espérant pouvoir s’appuyer sur des partenaires plus fiables que les États-Unis, une brèche dans laquelle la Russie entend clairement s’engouffrer.



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Le réchauffement des relations entre les Émirats arabes unis et la Syrie n’est vraiment pas une surprise. Bien qu’il soit le premier depuis le début du conflit en Syrie en 2011, l’entretien téléphonique qui a eu lieu vendredi entre le président syrien Bachar el-Assad et le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammad ben Zayed al-Nahyane, n’est que la suite logique du rapprochement...

commentaires (2)

C'est le chant de la fin des bensaoudis.

FRIK-A-FRAK

14 h 33, le 30 mars 2020

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Commentaires (2)

  • C'est le chant de la fin des bensaoudis.

    FRIK-A-FRAK

    14 h 33, le 30 mars 2020

  • Les Emirats Arabes Unis, précédemment "Etats de la Trêve" , anciennement "La Côte des Pirates", aujourd'hui à l'écoute de la Russie qui souhaite les rapprocher de la Syrie de Bachar el-Assad. Toute une histoire.

    Un Libanais

    13 h 54, le 30 mars 2020

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