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Agenda - Hommage à Jacques F. Acar

Un grand patron de la microbiologie

Le corona vient de faire une victime énorme. Le monde vient de perdre un géant de la médecine infectieuse, terrassé par ce virus apocalyptique. C’est à son retour en France, après un ultime congrès aux États-Unis, que Jacques Acar est hospitalisé samedi 20 mars et devient victime d’une évolution rapide qui l’emportera une semaine plus tard. Après une vie entièrement dédiée à la lutte contre les microbes, c’est un virus qui va l’emporter.

Jacques Fouad Acar était un grand patron de la microbiologie et des maladies infectieuses en France et dans le monde. Né à Dakar de parents libanais, originaires de Deir el-Qamar, il va venir brièvement au Liban finir ses études secondaires au collège Notre-Dame de Jamhour avant d’aller s’installer définitivement en France pour faire ses études de médecine. Il fera ses premiers pas dans la recherche en microbiologie à l’Institut Pasteur avec le Pr Yves Chabert puis à l’école de médecine de Harvard avec le Pr Maxwell Finland.

Dès 1972, il devient le chef de l’unité de recherche sur les résistances aux antibiotiques à la faculté de médecine Broussais-Hôtel-Dieu de l’Université Pierre-et-Marie-Curie à Paris, puis chef de service de microbiologie clinique dans les hôpitaux affiliés, notamment l’hôpital Saint-Joseph, Broussais et l’Hôtel-Dieu de Paris. Auteur d’innombrables publications, il a considérablement contribué à la formation d’un grand nombre d’infectiologues et de microbiologistes dans le monde, dont de nombreux Libanais. Il se faisait un point d’honneur d’avoir régulièrement dans son service au moins un Libanais ou une Libanaise !

Le personnel du laboratoire de microbiologie était aux écoutes de sa voix tonitruante. Dès qu’il faisait des remarques parfois dans un calibre de baryton concernant des problèmes au travail, j’entendais le personnel qui disait à basse voix : « Ah ! voilà son caractère libanais ! » Ses contributions à la connaissance en matière de microbiologie clinique et de résistance aux antibiotiques constitueraient à elles seules un volume !

Il a insisté pour une collaboration multinationale, paneuropéenne, entre la France et les pays arabes et méditerranéens, les pays de l’Extrême-Orient et surtout avec l’Amérique. Il a participé à la fondation de la Société européenne de maladies infectieuses et de microbiologie, la Société internationale des maladies infectieuses, l’Alliance pour l’utilisation prudente des antibiotiques et le Groupe européen pour la résistance aux antibiotiques.

Son obsession pour la lutte contre la résistance aux antibiotiques persista après sa retraite. Il fut nommé professeur émérite à l’Université Pierre-et-Marie-Curie, mais il continua à travailler en tant que consultant auprès de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) parce qu’il était convaincu du rôle de l’abus des antibiotiques dans le monde animal comme facteur principal dans la sélection de germes résistants.

En plus de son génie en microbiologie et en maladies infectieuses, Jacques Acar était un homme d’une culture colossale, pouvant discuter de tout sujet relevant de politique et d’histoire, de théâtre, de peinture et de musique. Passionné de tout et vu sa superbe voix de baryton, il prit des cours d’opéra et participa comme chanteur dans une chorale.

Jacques Acar est une perte pour le monde de la microbiologie et des maladies infectieuses, une perte difficile à remplacer. Il est certain que personne n’est irremplaçable. Mais Jacques Acar restera dans le cœur de sa famille, de ses élèves et de tous celles et ceux qui l’ont connu de loin ou de près comme un citoyen du monde, une lumière familiale, culturelle et scientifique difficile à éteindre.

Jacques E. MOKHBAT

Le corona vient de faire une victime énorme. Le monde vient de perdre un géant de la médecine infectieuse, terrassé par ce virus apocalyptique. C’est à son retour en France, après un ultime congrès aux États-Unis, que Jacques Acar est hospitalisé samedi 20 mars et devient victime d’une évolution rapide qui l’emportera une semaine plus tard. Après une vie entièrement dédiée à...