Un tweet de la vice-présidente du Courant patriotique libre pour les affaires politiques, May Khoreiche, dans lequel elle partage une photo d'un livre sur Mahomet, faisait polémique jeudi, poussant Dar el-Fatwa, la plus haute instance religieuse sunnite du pays, à réclamer des excuses à la responsable au sein du parti dirigé par Gebran Bassil.
"Loin de la politique et du coronavirus, je partagerai avec vous tous les jours un livre, et je vous prie de faire de même avec moi. Faisons de la période de confinement une valeur ajoutée pour nous", écrit Mme Khoreiche sur son compte Twitter, avec une photo du livre "Les derniers jours de Muhammad", de l'auteure et universitaire tunisienne Hela Ouardi.
بعيداً عن السياسة و #الكورونا...سأتشارك معكم #كل_يوم_كتاب... وأتمنى منكم أن تشاركوني كتابكم...خلينا نحول الحجر المنزلي إلى قيمة مضافة لبعضنا...
— مي خريش (@MayKhreich) March 25, 2020
حملة #كل_يوم_كتاب ... pic.twitter.com/Phu0Wqj7nZ
Comme le souligne France Culture, Hela Ouardi mène dans son ouvrage paru chez Albin Michel "une enquête sur les derniers jours du prophète de l’islam. (...) Son travail est mené de pair avec la recherche contemporaine à propos de cette période de transition entre le +moment mohammadien+ et le +fait islamique+ inscrit dans l’histoire", explique France Culture, qui qualifie le livre d'"histoire dé-dogmatisée et non idéologisée". L'islamologue Gilles Kepel évoque pour sa part "une histoire dépassionnée de l'Islam", dans un article publié dans L'Express.
L'ouvrage sorti en mars 2016 a toutefois fait polémique dans le monde arabe et musulman, le Sénégal ayant interdit sa vente, alors qu'au Maroc, le livre était introuvable, certains libraires parlant même de censure, une version démentie par les autorités.
(Pour mémoire : Si un journal libanais publie une caricature du prophète, il sera déféré devant la justice)
"La conscience tranquille"
Au Liban, Dar el-Fatwa, la plus haute instance sunnite du pays, n'a pas tardé à exprimer son indignation face au tweet de la vice-présidente du CPL à qui elle réclame des excuses.
Dans un communiqué, Dar el-Fatwa exprime "sa condamnation de l'appel lancé par une certaine dame affiliée à un parti politique au Liban à lire un ouvrage dans lequel le Prophète est insulté". L'instance sunnite se dit "étonnée de cette publicité qui émane d'une pensée dangereuse pour la paix civile et le vivre-ensemble". Dar el-Fatwa "demande aux autorités officielles concernées de mettre un terme à de telles pratiques qui contreviennent aux usages consacrés par la Constitution libanaise et à contrer toutes les excuses qui ont pour objectif de semer la discorde parmi les Libanais". Dar el-Fatwa affirme ensuite "rejeter les insultes au Prophète (...)", affirmant que "présenter des excuses est un devoir afin de parer à toute éventuelle discorde qui pourrait résulter de cet incident".
May Khoreiche, qui a retweeté sur son compte des messages de soutien à son adresse, a réagi à la polémique et exprimé des regrets. "J'ai pris contact avec Dar el-Fatwa, et j'ai expliqué que je n'avais pas l'intention de m'en prendre au Prophète (...) Je n'ai ni fait la promotion du livre, ni appelé à insulter l'islam", a écrit la vice-présidente du CPL dans un communiqué publié en fin d'après-midi, déplorant que "certains aient mal interprété mon tweet et lancé une campagne d'accusations mensongères". "Ayant la conscience tranquille et avec sincérité, j'exprime mes regrets sur ce qui a pu être interprété comme une insulte à l'islam", a-t-elle ajouté, avant d'effacer le tweet polémique.
Pour mémoire
Une caricature de Khamenei censurée dans Courrier International au Liban
« The Nun » en passe d’être interdit au Liban pour « diffamation à l’encontre des religieuses »
commentaires (13)
J'ai lu ce livre qui ne fait que rapporter des faits historiques.
Tabet Ibrahim
09 h 45, le 27 mars 2020