Alors que le pays tout entier est soumis à des mesures très strictes de confinement, des braconniers, profitant du fait que les agents de l’ordre sont occupés à vérifier que celles-ci sont respectées, s’en donnent à cœur joie pour pratiquer un de leurs sports favoris : tirer sur les oiseaux migrateurs qui représentent une espèce protégée au Liban. Sur les réseaux sociaux, des vidéos montrant des individus tirant sur des cigognes ont mis en émoi les ONG qui militent pour préserver la faune dans ce pays. Dans l’une d’elles, on voit sur le littoral du Akkar un homme tirer sur une cigogne qui tombe dans l’eau.
Avec 2,6 millions de volatiles tués chaque année au Liban, selon BirdLife International, le Liban est à la fois un lieu de passage privilégié et une source de menaces pour de nombreuses espèces. La Békaa et le Chouf font partie d’un des couloirs principaux de migrations dans le monde, mais c’est également dans ces zones reculées que se cachent un nombre majeur de braconniers.
« Leurs motivations sont diverses et complexes. En tous cas, le braconnage est devenu une activité à moindre coût, donnant l’adrénaline d’être hors la loi. L’habitude de tuer la faune imprègne aujourd’hui la population de certaines régions, et ce dès l’âge de 8 ou 9 ans », explique ainsi à L’Orient-Le Jour Assaad Serhal, président de la Société pour la protection de la nature au Liban (SPNL) et directeur local de BirdLife.
Cette situation a poussé le gouvernement à réagir : en mai 2017, le président de la République Michel Aoun proclame un « plan de paix » afin de lutter contre le braconnage. Il en résulte la création d’une saison officielle de chasse s’étalant chaque année de septembre à février, ainsi que l’application de la loi 580, réglementant l’accès à cette pratique et interdisant surtout la chasse d’espèces protégées.
Ce plan a indéniablement eu un impact significatif sur l’opinion publique. Cependant, les réglementations ne sont pas suffisantes sur le terrain, aux dires des associations locales. C’est pourquoi nombre d’entre elles mettent en place des projets collaboratifs de lutte contre le braconnage, à l’instar de la SPNL, de BirdLife International, du Comité contre le massacre des oiseaux (CABS) ou encore du Centre de la chasse durable au Moyen-Orient (MECRH).
« Nous avons appris à comprendre et à respecter les motivations des chasseurs, à communiquer dans le langage des chasseurs et à comprendre les raisons de leurs actions », affirme ainsi Assaad Serhal, mettant ainsi l’accent sur l’importance de la sensibilisation.
(Lire aussi : Chasse aux oiseaux migrateurs : un constat mitigé, mais les mauvaises pratiques ont la vie dure)
Une mobilisation des citoyens
Parallèlement, ces organisations non gouvernementales incitent à la mobilisation de tous les citoyens. Les 27, 28 et 29 mai 2019, la SPNL et le MESHC avaient lancé la Save Heaven Campaign, qui regroupait 45 personnes issues de la société civile. Ce projet visait à sensibiliser l’opinion publique à la menace que fait peser le braconnage sur l’équilibre écologique. Les participants se déplaçaient du Sud au Nord selon la trajectoire des oiseaux migrateurs. « L’analogie faite entre leur parcours et celle des oiseaux a eu un impact important sur les consciences », souligne un rapport de la SPNL.
Les associations locales mettent également un point d’honneur à promouvoir l’engagement des chasseurs responsables pratiquant dans le respect de la loi et qui représentent un soutien important dans la lutte contre le braconnage. Ces derniers représentent désormais « un lien plus facile et fluide avec les réseaux de chasseurs », selon la SPNL. Un partenariat a ainsi vu le jour l’année dernière entre cette ONG, le MECRH et le groupe « 961 chasseurs libanais », formé de chasseurs responsables voulant sensibiliser l’opinion publique.
Comme dans 23 autres municipalités, la SPNL a mis en place des « himas », à savoir des zones protégées par les communautés locales, à Qaraoun dans la Békaa et Akoura dans le caza de Jbeil. « Cette approche des communautés et des zones protégées, datant de plus de 1 500 ans, permet une utilisation durable des ressources naturelles et place le citoyen au cœur du processus », précise Assaad Serhal. Selon le dernier rapport de l’association, cette vision a porté ses fruits : alors que 161 volatiles ont été abattus au printemps 2018 à Akoura, ils n’étaient plus que 97 l’année suivante. À Qaraoun, le nombre de chasseurs illégaux aurait été divisé par 5 entre 2016 et 2019.
De tels résultats s’expliqueraient par l’inclusion des « himas », la sensibilisation des citoyens mais également la coopération avec les Forces de sécurité intérieure. Le 13 septembre dernier, celles-ci se sont unies avec le MECRH et la SPNL pour une distribution de brochures visant à la sensibilisation de l’opinion publique, une première dans le pays.
Ce partenariat s’est révélé également précieux : ainsi le CABS, associé aux FSI, a démantelé l’année dernière 38 réseaux de braconniers et contribué à l’arrestation de 16 individus, principalement à Barja, dans le Chouf.
Assaad Serhal conclut : « À l’heure où notre système légal vacille, le projet d’une chasse durable s’éloigne. Cependant, grâce à la campagne de sensibilisation que nous avons mis en place, un nombre signifiant de braconniers se sont transformés en chasseurs responsables, illustrant ainsi la réussite de nos projets. »
Lire aussi
commentaires (4)
Jusqu'à quand ces dégénérés de la bulbe vont continuer à chasser en long et en large. On ne voit plus un moineau dans nos jardins et on continue à priver de liberté toutes sortes d'espèces d'oiseaux en les enfermant dans des cages dorées, en les choyant et en leur regardant voler dans moins de trente centimètres carrés. On me dira qu'il y a d'autres priorités, mais c'en est une car c'est avant tout une question de civisme et d'éducation, et n'ayant pas honte de dire que le libanais, en général, manque de civisme et d'éducation. Il n'y a qu'à regarder la gestion des droits des homosexuels, considérés comme des malades dans notre pays , ou encore les droits de la femme. Tirer sur des oiseaux est un manque de civisme et d'éducation, et ceux qui laissent faire sont du même niveau.
Citoyen
18 h 46, le 26 mars 2020