Rechercher
Rechercher

Lifestyle - La Mode

Éric Mathieu Ritter, nouvelle vision pour nouvelle culture

Équité, diversité, durabilité, up-cycling et liberté échevelée sont les fondamentaux de la jeune marque libanaise « Emergency Room ». Fondée par Éric Mathieu Ritter, qui vient d’être sélectionné par le grand concours du fonds Fashion Trust Arabia, cette petite maison de mode dédiée à l’individualité joue déjà dans la cour des grands.

Emergency Room 2020. Photos Tarek Moukaddem

En juin 2019, sur la devanture d’un tout petit espace de deux niveaux, situé à Mar Mikhaël, quartier de l’avant-garde créative de Beyrouth, Éric Mathieu Ritter accrochait l’enseigne de sa griffe, Emergency Room. Jouant sur l’acronyme de son nom, le jeune styliste et modéliste soulignait ainsi l’urgence d’un changement fondamental dans notre manière de nous habiller. Affirmer nos particularités, respecter notre environnement, adresser des messages clairs, sincères et sans tabous à nos congénères, habiter pleinement notre place dans ce monde, autant de principes qui font de la mode selon Ritter un nouveau bréviaire, loin du mimétisme encore dicté tant par le luxe que par la mode de masse. Cet été là, riche de son expérience tant technique qu’émotionnelle dans un petit atelier caritatif de Tripoli, le créateur avait placé sa collection sous le vocable de la « décoration », ayant adapté tout un éventail de tissus d’ameublement en fin de stock à une ligne de vêtements dignes de la fameuse scène de La Mélodie du Bonheur (Sound of Music) où Julie Andrews habille les enfants avec les rideaux de leur chambre. Bonheur en effet que cette joyeuse liberté de créer de la beauté avec des pépites condamnées à la déshérence, découvertes, réhabilitées, partagées comme une nouvelle vision et une nouvelle culture. Pour la première fois, Ritter organisait un shooting avec toutes ses muses, ratissant large parmi ses proches, filles, garçons, gros, minces, hétéros, homos, jeunes ou plus âgés, avec sa propre grand-mère, Hoda Ziadé, pour égérie absolue. Dans cette présentation, ni provocation ni joie forcée, mais la vie telle qu’elle est, exprimée à travers le vêtement avec toutes ses inquiétudes, ses petits plaisirs, ses destins individuels qui, rattachés les uns aux autres, forment la belle symphonie de la solidarité et de l’empathie humaine.

« Daddy issues », immigration et abolition des codes

« Nous sommes convaincus qu’il n’y a pas de corps idéal ou parfait, adapté ou inadapté, ni de sexe adéquat ou inadéquat. Nous pensons également qu’aucune crise économique ou humanitaire telle que celle que nous traversons actuellement ne devrait freiner une entreprise, mais, au contraire, inciter les individus et les entités à s’adapter, reconstruire et recréer », affirme Éric Mathieu Ritter. C’est ce manifeste qui l’a poussé, pour lancer la nouvelle collection transsaisonnière 2020 de la marque Emergency Room, à poser lui-même pour le photographe Tarek Moukaddem, invitant le spectateur à une immersion dans son univers, entre essayages et processus de composition. Cette collection, intitulée Daddy Issues, inscrite comme les précédentes dans une démarche de développement durable et de célébration de l’individualité à travers des pièces uniques, interroge aussi bien l’absence de la figure paternelle que le phénomène de l’immigration dont souffre notre époque, tout en soulignant que le genre ne doit plus être sujet à classification.

Rebuts et nouvelle norme

Dans cette nouvelle collection, le créateur joue les cobayes et dicte une nouvelle attitude. Une somptueuse collection de tissus de stocks se transforme en ingénieux collages, faisant fi des cloisonnements identitaires et sexuels. Dentelle, crochet, macramé, velours, soie, imprimés divers, tous issus de récupérations où l’on reconnaîtra ici un tapis de prière, là un assemblage de napperons, une robe de chambre en acétate, des rideaux ou encore une collection d’ours en peluche, ou des draps d’enfants illustrés, autant d’éléments ressourcés dans les stocks des souks de Tripoli dont Ritter fait son miel. Sarouels, cagoules élevées au rang d’œuvres d’art, splendides vestes et caracos, fourreaux et robes longues, chaussettes publicitaires ou dépareillées, chemises brodées maison avec des messages détournés, tel que cet esperanto des aéroports du monde entier signalant aux passagers que « tout bagage abandonné sera enlevé et susceptible d’être détruit », tout un ensemble de modèles hétéroclites converge vers une séduisante harmonie qui ne laisse personne indifférent.

C’est peu dire qu’on est dans l’une des premières manifestations et empreintes du nouveau monde tel que le conçoit la nouvelle génération. Il est fascinant de constater qu’avec tant de rebuts de l’ère révolue, tant de modestes étoffes et matières, Ritter ait inventé de toutes pièces les codes de ce qui sera sans doute la nouvelle norme : la singularité.


Dans la même rubrique

Hermès, minimalisme, discrétion, équitation

L’or organique d’Alexandra Hakim

Quatre finalistes libanais pour l’édition 2020 de Fashion Trust Arabia

À Paris, une Fashion Week secouée par le Covid-19

Prada à Milan : puissance femme

En juin 2019, sur la devanture d’un tout petit espace de deux niveaux, situé à Mar Mikhaël, quartier de l’avant-garde créative de Beyrouth, Éric Mathieu Ritter accrochait l’enseigne de sa griffe, Emergency Room. Jouant sur l’acronyme de son nom, le jeune styliste et modéliste soulignait ainsi l’urgence d’un changement fondamental dans notre manière de nous habiller. Affirmer...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut