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Économie - Focus

Dette : tour d’horizon du club des mauvais payeurs que le Liban vient de rejoindre

Même des pays qui figurent parmi les grandes puissances actuelles ont connu dans leur histoire des incidents liés au remboursement de leur dette.

Les clients des banques grecques faisant la queue en 2015 devant un distributeur automatique de billets, une scène qui a été depuis vécue par les Libanais. vverve/Bigstockphoto

Le gouvernement libanais a annoncé samedi sa décision de faire défaut sur sa prochaine échéance d’eurobonds (ses obligations d’État en dollars), soit 1,2 milliard de dollars que le pays devait rembourser en mars, et de tenter de négocier une restructuration de sa dette publique avec ses créanciers. C’est une première depuis la fondation, en 1943, de la République libanaise, dont la dette a atteint près de 91,6 milliards de dollars en 2019, libellée à près de 40 % en dollars, pour un des pires ratios dette/PIB du monde (plus de 150 %).

En décidant de faire défaut, le Liban entre dans le club des nombreux États qui, au moins une fois dans leur histoire, n’ont pas remboursé tout ou partie de leur dette souveraine à l’échéance fixée lors de la souscription. Une décision pouvant être prise de plein gré ou sous la contrainte et pouvant s’expliquer par plusieurs motifs (économiques, financiers, politiques, voire militaires). Dans son discours de samedi, le Premier ministre Hassane Diab a indiqué qu’une cinquantaine de pays avait déjà fait défaut dans l’histoire, une estimation assez juste par rapport à celles relayées par les milieux spécialisés.


(Lire aussi : Après Fitch, Moody’s réagit à son tour au défaut annoncé par le Liban)


Depuis l’Antiquité
La majeure partie des pays ayant fait défaut sur leur dette l’ont fait durant la période allant de 1800 à nos jours. Si c’est bien au XIXe siècle que de nombreux pays, notamment en Europe, ont amorcé leur transition vers le système financier actuel, il est cependant possible de documenter des incidents de ce type bien plus tôt dans l’histoire.

Au IVe siècle avant J.-C., dans la Grèce antique, dix cités-États sur treize avaient par exemple décidé de ne pas s’acquitter de leurs dettes au temple d’Apollon à Delos. Au XIVe siècle, les historiens rappellent le cas d’Edward III d’Angleterre qui ne put rembourser les dettes contractées par la couronne auprès des banquiers florentins. Parmi les cas les plus récents, on retrouve notamment le cas de l’Argentine, qui a prononcé un moratoire (une suspension des paiements) portant sur 100 milliards de dollars en 2001, celui de la Grèce en 2015, qui a fait défaut en ne remboursant pas 2 milliards d’euros au Fonds monétaire international (FMI), ou encore du Venezuela, qui a enchaîné deux défauts entre 2017 et 2018.

Les listes de pays en défaut les plus souvent reprises sur internet (notamment par le site armstrongeconomics.com) comprennent 88 « États indépendants », en incluant des pays qui n’existent plus aujourd’hui, comme la Yougoslavie, des länder allemands avant l’unification de 1871, des États fédéraux d’Amérique du Nord ou encore l’Autriche-Hongrie.


(Lire aussi : Eurobonds : Nous attendons de voir si les créanciers vont coopérer ou engager des poursuites, dit Nehmé)


Ce répertoire comprend pas moins de 22 pays africains, 27 autres répartis sur le continent américain (Nord, Sud et centre), 14 en Asie dont 4 au Moyen-Orient, en excluant le Liban (Irak, Jordanie, Koweït et Iran), et enfin 25 en Europe. Plusieurs grandes puissances actuelles sont inscrites sur cette liste, dont les États-Unis, la Chine, la Russie, le Japon ou encore la France, avec à chaque fois des circonstances très spécifiques. Les États-Unis ont par exemple fait défaut sur une partie de leur dette en 1933 dans le sillage de la grande dépression en supprimant les clauses imposant le paiement en monnaie or des contrats de dette publique et privée, avant de dévaluer le dollar, au grand dam des investisseurs de l’époque.


(Lire aussi : Le Liban en défaut de paiement : et maintenant ?)


« Serial Defaulter »
Dans leur ouvrage publié en 2009, This Time Is Different – Eight Centuries of Financial Folly (Cette fois, c’est différent – huit siècles de folie financière), les professeurs d’économie américains Carmen M. Reinhart et Kenneth Rogoff ont retenu un échantillon de 66 pays sur la même période. On y trouve 13 pays africains, 12 asiatiques (sans le Liban), 19 européens, 18 sud-américains et 4 répartis entre l’Amérique du Nord et l’Océanie.

Les auteurs précisent qu’ils ont délibérément exclu, pour les besoins de leur étude, « les pays les plus pauvres » de leur liste car ces derniers ne pouvaient « emprunter de montants significatifs auprès des prêteurs du secteur privé » et avaient pratiquement « tous fait défaut, même sur des prêts d’État à État, même sur des prêts hautement subventionnés ». Ils notent, de plus, que beaucoup de pays de leur liste, notamment en Afrique et en Asie, n’étaient indépendants « que depuis peu ».


(Lire aussi : Le Liban en défaut de paiement : les principaux points du discours de Diab)



Enfin, si le Liban est entré dans la catégorie des mauvais payeurs, il n’est néanmoins pas encore dans celle des « Serial Defaulter » (mauvais payeur en série, un terme utilisé par certains économistes). Les pays d’Amérique latine et centrale figurent parmi les pays les moins fiables pour le remboursement de leurs dettes, même si ces défauts s’inscrivent parfois dans des contextes géopolitiques particuliers.

D’après les données répertoriées par The Economist en 2014 et mises à jour depuis, le Venezuela a par exemple fait défaut 10 fois, tout comme l’Équateur. L’Uruguay, le Costa Rica, le Brésil, le Chili suivent avec 9 incidents. L’Argentine, qui était à 8 défauts, est passée à 9 hier en publiant un décret ouvrant la voie à la restructuration de 68,8 milliards de dollars de dette publique du pays.

Dans les pays voisins du Liban, la Turquie (8 défauts) et la Grèce figurent tous les deux dans le top 10 des mauvais payeurs, tandis que la Tunisie est le pays arabe qui compte le plus d’incidents.

Quant à leurs caractéristiques, les défauts enregistrés portent généralement sur la dette libellée en devises, qu’elle soit souscrite par des résidents ou des non-résidents, les incidents liés à la dette en monnaie nationale pouvant, en principe, être plus facilement gérables. Les banques centrales peuvent en effet imprimer de la monnaie nationale pour régler leur dette – exception faite de certains cas particuliers comme dans l’Union européenne, où les obligations sont nationales, mais la création monétaire est assumée par la Banque centrale européenne. Avec le risque que la monnaie nationale perde de sa valeur si la conjoncture économique ne suit pas, provoquant une inflation aux conséquences néfastes sur la population. Lorsqu’ils en ont les moyens, les États tentent autant que possible de ne pas faire défaut afin d’éviter des conséquences parfois très dures pour leurs économies (exclusion des marchés), leurs populations (plans d’austérité) et leur réputation (procédures lancées par les créanciers). Si un pays peut être mis à l’écart des marchés parfois pendant des décennies (comme cela a été le cas pour la Grèce après son défaut de 1826), une étude menée par U.S. Das, M.G. Papaioannou et C Trebesch en 2012 indique que cette exclusion peut durer en moyenne 4 ans.


L'avis des experts
Amer Bisat : « La restructuration de la dette n’est pas la panacée »

Les conséquences d’une restructuration de la dette du Liban, par Oussama A.Nasr

Pour un ajustement structurel équitable, par Samir el-Daher

Le gouvernement libanais a annoncé samedi sa décision de faire défaut sur sa prochaine échéance d’eurobonds (ses obligations d’État en dollars), soit 1,2 milliard de dollars que le pays devait rembourser en mars, et de tenter de négocier une restructuration de sa dette publique avec ses créanciers. C’est une première depuis la fondation, en 1943, de la République libanaise, dont...

commentaires (3)

Bonjour / Bonsoir, Je suggère que les banques libanaises privées et les milliardaires libanais coupables de fuites massives de capitaux soient mis à l'amende en lingots d'or et de platine au profit de la Banque (nationale) Du Liban. Bien cordialement et respectueusement, avec mes meilleures salutations, Jean-Luc Hedde ancien correspondant du Service des Actions de l'Etat Alsace, quant à la pollution atmosphérique par fibrilles d'amiante, génératrice d'allergies et donc de risques de chocs anaphylactiques.

Jean-Luc HEDDE

01 h 02, le 12 mars 2020

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Commentaires (3)

  • Bonjour / Bonsoir, Je suggère que les banques libanaises privées et les milliardaires libanais coupables de fuites massives de capitaux soient mis à l'amende en lingots d'or et de platine au profit de la Banque (nationale) Du Liban. Bien cordialement et respectueusement, avec mes meilleures salutations, Jean-Luc Hedde ancien correspondant du Service des Actions de l'Etat Alsace, quant à la pollution atmosphérique par fibrilles d'amiante, génératrice d'allergies et donc de risques de chocs anaphylactiques.

    Jean-Luc HEDDE

    01 h 02, le 12 mars 2020

  • Quand je me regarde je me désole, quand je me compare je ne console .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 48, le 11 mars 2020

  • Yess! On fait partie des grands. Génial

    Gros Gnon

    13 h 47, le 11 mars 2020

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