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Société - Journée internationale des femmes

Une marche à Beyrouth, envers et contre tout, pour les droits des femmes

Le grand rassemblement initialement prévu a été annulé par crainte du coronavirus, mais de nombreuses femmes se sont quand même retrouvées dans la rue pour crier leurs droits.

Malgré l’annulation de la grande marche, en raison du coronavirus, des femmes ont tout de même manifesté, hier à Beyrouth, pour marquer la Journée internationale des femmes. Photo João Sousa

Des Libanaises, mais également des Libanais, ainsi que des résidentes étrangères au Liban se sont rassemblés hier pour une marche qui a finalement eu lieu entre le Musée national et le centre-ville de Beyrouth, à l’occasion de la Journée internationale des femmes. Le grand rassemblement prévu pour l’occasion avait été annulé par ses organisateurs (plusieurs organisations et collectifs) par mesure de précaution face à la propagation du coronavirus au Liban. Mais des irréductibles ont décidé, malgré tout, de battre le pavé.

« On marche pour l’égalité des sexes, pour l’égalité salariale, contre le harcèlement sexuel, pour le droit des femmes à transmettre la nationalité et pour l’égalité des droits, spécifiquement dans le contexte des tribunaux religieux qui régissent les lois relatives au statut personnel », explique Lama Ramadan, 31 ans, experte en communication à la Lebanese American University (LAU), à la journaliste du Commerce du Levant, Nada Maucourant Atallah. « C’est parce que nous nous sommes tues pendant des années que nous en sommes arrivées là. On ne se taira plus, on continuera de manifester, de faire entendre notre voix sur tous les sujets », a-t-elle promis.

Les manifestantes, brandissant des pancartes et des drapeaux libanais, reprenaient des slogans et des chants du mouvement de contestation contre la classe dirigeante.

D’autres contestataires, notamment des employées de maison migrantes, réclamaient la fin du système du garant (kafala), qui les place sous la tutelle de leur employeur, favorisant ainsi les violations répétées de leurs droits. « Je marche pour les droits des femmes, et contre le système de kafala qui nous contrôle depuis si longtemps. C’est ce système qui nous rend malades », explique une jeune travailleuse domestique éthiopienne tenant une pancarte où est inscrit « Le virus, ce n’est pas le corona, mais le système de la kafala ».

Des manifestants réclamant des droits pour la communauté LGBT étaient également présents.


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Un rôle de premier plan
L’ONU a, dans ce contexte, lancé hier « un appel à l’action pour les droits des femmes et l’égalité des sexes au Liban ». Le communiqué de l’ONU à Beyrouth cite le « Rapport 2019 sur l’inégalité entre les sexes », publié par le Forum économique mondial, qui classe le Liban au 145e rang sur 153 pays dans son indice mondial d’égalité entre les sexes. « En cette Journée internationale des femmes, l’ONU et ses partenaires reconnaissent les progrès accomplis au Liban, mais attirent l’attention sur la façon dont les inégalités entre les sexes sont ancrées dans les législations et pratiques du pays, et sur les progrès nécessaires pour briser le cercle vicieux de la violence basée sur le genre », poursuit le texte.

Le communiqué cite une campagne des Nations unies au Liban, sous le slogan « Nahnou Laha » (Son combat est le nôtre). Cette campagne « s’appuie sur le thème mondial des droits des femmes et raconte l’histoire de ce combat pour l’égalité des sexes au Liban, en vue de mettre en relief le parcours de certaines pionnières parmi les militantes les plus éminentes ayant façonné l’histoire du pays par leur lutte pour la paix et la justice envers les femmes », selon le texte.

Pour sa part, Jan Kubis, émissaire spécial de l’ONU au Liban, a noté que « la célébration de la Journée internationale des femmes cette année au Liban se déroule dans un contexte spécifique ». « Ce sont les femmes et les jeunes qui ont assumé le rôle de premier plan dans le mouvement national de masse pour un changement radical, qui ont protégé son caractère pacifique et non sectaire et qui ont envoyé un signal fort aux forces politiques et à leurs partisans, rejetant leurs provocations et manipulations, et leurs tentatives constantes de bloquer le changement, a-t-il souligné. Et même si le nouveau gouvernement a défini un standard inédit de 30 % de ministres femmes, et que le plan d’action national 1325 (NDLR : mis en place par la Commission nationale de la femme libanaise en vue de mettre en œuvre la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité) peut être un outil efficace pour l’émancipation et l’égalité des femmes, un long chemin reste à parcourir. Des mesures audacieuses sont nécessaires, notamment politiques, législatives, économiques et sociales. Les prochaines élections offriront une opportunité importante. »

Et Jan Kubis de conclure : « L’ONU au Liban continuera de soutenir les femmes libanaises à faire pression pour l’égalité de leurs droits, opportunités, participation, représentation et autonomisation. »


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Aoun plaide pour une loi unifiée du statut personnel
Plusieurs personnalités politiques se sont également exprimées à l’occasion de cette Journée internationale des femmes. Ainsi, le président de la République Michel Aoun a plaidé sur son compte Twitter pour une « loi unifiée du statut personnel » pour les Libanaises. Le Liban ne disposant pas de statut civil unifié, chaque Libanais est soumis au droit relatif au statut personnel de sa communauté religieuse, notamment en ce qui concerne le mariage, le divorce, la garde des enfants ou l’héritage. Chaque communauté ayant son propre droit, il existe de facto une inégalité entre Libanais à laquelle s’ajoutent des inégalités de traitement entre hommes et femmes.

Le président du Parlement, Nabih Berry, a, lui, souhaité une « bonne année » aux femmes libanaises, ainsi qu’à « toutes les mères ». « Le 8 mars est l’occasion de renouveler notre engagement dans la lutte pour que la femme libanaise prenne toute sa part dans le développement du Liban et des Libanais », a-t-il dit.


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De son côté, le leader du courant du Futur, l’ex-Premier ministre Saad Hariri, a salué « la femme libanaise qui a prouvé sa valeur et son rôle moteur au sein de la société et de la construction de son avenir ».

Le ministre des Affaires sociales Ramzi Moucharrafiyé a salué sur son compte Twitter « la femme handicapée, la femme du troisième âge, la femme violentée et la femme au travail ». Son collègue à l’Économie Raoul Nehmé a promis, également sur Twitter, « tout le soutien pour une réelle capacitation économique de la femme, afin qu’elle contribue au redressement économique et au développement durable ».

La députée Sethrida Geagea, du groupe parlementaire des Forces libanaises, a estimé dans un communiqué que « la femme libanaise, qui a tant de fois été pionnière en divers domaines, s’est distinguée cette année en tant que révolutionnaire efficace sur les places de la contestation ». Elle a salué le rôle de la Libanaise « dans la lutte contre la corruption et en faveur de la consolidation du respect de la justice et de la loi ».

Pour le député Simon Abiramia, du groupe du Courant patriotique libre, « l’égalité entre les hommes et les femmes, c’est avant tout une bonne intention de la part des hommes, et une audace de la part des femmes », assurant qu’il travaillerait à des propositions de loi visant à réaliser cet objectif.


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