Samedi, à 18h30, le Premier ministre libanais, Hassane Diab, a annoncé aux Libanais que le pays ne remboursera pas une tranche d'1,2 milliard de dollars de sa dette en eurobonds arrivant à échéance lundi. Il s'agit d'une première dans l'histoire du Liban.
Dans un discours qu'il a prononcé en direct depuis le Grand Sérail, en présence des membres de son gouvernement, le Premier ministre a annoncé ce défaut de paiement après des semaines de concertations aux plus hauts niveaux. Il a également passé en revue la situation économique et financière du pays, ainsi que les mesures que son équipe a déjà mis en oeuvre ou qu'elle prévoit de prendre. Retour sur les principaux points du discours de Hassane Diab :
- "Nous sommes confrontés aujourd'hui à une échéance considérable de la dette. En 2020, elle s'élève à environ 4,6 milliards de dollars en eurobonds, intérêts compris, le premier versement étant dû le 9 mars, c'est-à-dire dans deux jours. Face à cet enjeu majeur, nous ne pouvons qu’adopter une position ferme et lucide, dans l'intérêt de notre nation et de notre peuple. Nos réserves en devises ont atteint un niveau critique et dangereux, poussant la République libanaise à suspendre le paiement des eurobonds du 9 mars, afin d’assurer les besoins fondamentaux de la population. Prendre une telle décision n'a pas été facile; (...) Aujourd'hui, la décision de suspendre le paiement est la seule façon pour le Liban de mettre fin à l'épuisement des réserves et de préserver l'intérêt public, parallèlement au lancement d'un programme de réforme global visant à construire une économie résiliente et durable sur des bases solides et modernisées. Nous avons pris une telle décision dans le souci de préserver l'intérêt de tous les citoyens. Nous avons pris cette décision parce que nous sommes déterminés à rétablir la capacité de l'État à protéger les Libanais et à leur assurer une vie décente", a expliqué le Premier ministre.
- "Comment pouvons-nous payer nos créanciers étrangers alors que les Libanais ne peuvent pas accéder à leurs fonds à partir de leurs comptes bancaires? Comment pouvons-nous payer nos créanciers alors que les hôpitaux souffrent d'une pénurie de fournitures médicales? Comment pouvons-nous nous permettre de ne pas fournir d'assurance maladie à nos citoyens? Comment pouvons-nous payer nos créanciers alors que de nombreuses personnes sont dans la rue, et n'ont plus les moyens de s'acheter du pain? Le Liban est un pays qui honore ses engagements. Cependant, l'État est actuellement incapable de payer ses dettes à venir".
- "Le gouvernement cherchera à restructurer ses dettes, en tenant compte de l'intérêt national, dans le cadre d’un processus de négociation équitable avec tous les créanciers, dans un esprit constructif respectant les meilleures pratiques internationales".
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- "J'ai demandé aux ministres de proposer des réformes visant à rendre notre système fiscal plus équitable. Nous nous engageons à lutter fermement contre l'évasion fiscale, tout en améliorant l'efficacité du recouvrement des impôts. Nous allons également mettre en place un filet de sécurité sociale pour protéger les plus démunis".
- "Est-il viable pour un pays de se construire sur une économie d’endettement ? Une nation sera-t-elle jamais libre si elle est lourdement endettée?
Aujourd'hui, nous payons le prix des erreurs commises il y a des années. Devons-nous les transmettre à nos enfants et aux générations futures?"
-"La dette a largement excédé la capacité du Liban à la supporter, et a dépassé la capacité des Libanais à en assurer le service. Toute l'économie libanaise est devenue prisonnière de ces politiques et dépendante d’un endettement toujours plus grand. Les politiques publiques n’ont pas su trouver une issue au tunnel de l’endettement excessif qui a miné les secteurs productifs de l'économie nationale".
- "Les Libanais ont vécu dans l’illusion que tout allait bien alors que le Liban se noyait dans un océan de dettes et d'intérêts, y compris en devises étrangères, au point que la dette a atteint plus de 90 milliards de dollars, soit environ 170 % du PIB. Selon les estimations de la Banque mondiale, plus de 40 % de la population pourrait bientôt se retrouver sous le seuil de pauvreté".
- "Il n'est plus possible aujourd’hui de continuer à emprunter pour financer la corruption. Il est grand temps de rétablir une conduite éthique dans la gouvernance et de restaurer la confiance dans notre État".
- "Nous devons arrêter l'hémorragie financière de notre économie. Nous proposerons bientôt une loi spéciale pour organiser les relations banque-client, de manière à apporter plus d'égalité et de justice. Ce plan d'action façonnera le futur environnement économique et financier de notre pays. Mon gouvernement s'y engage. Et je voudrais saisir cette occasion pour renouveler, devant nos partenaires internationaux, l'engagement du gouvernement libanais à la vision de CEDRE en matière de stabilité et de croissance. Les réformes qui ont été convenues lors de la conférence seront mises en oeuvre car elles sont essentielles pour relancer notre économie et apporter la prospérité au peuple libanais. Ces réformes sont également importantes pour rétablir la confiance et le soutien de nos frères arabes et de la communauté internationale".
L'avis des experts
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Comment se déroule une restructuration de dette, selon Camille Abousleiman
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Since the start of the revolution in October, the economy has been front page in the news. It was about time. For many years, the festering economic problems were hardly discussed in the news including increasing income inequality, stagnating wages, rising poverty, high unemployment, unaffordability of basic needs including healthcare, and education with skyrocketing tuition fees which have far exceeded the rate of inflation. The way the banks were conducting their business providing high-interest rates to depositors was unsustainable and did nothing to boost the economy. Instead, it discouraged investment which has lead to economic stagnation. Coupled with high indebtment by the government at high-interest rates, lack of significant investment in infrastructure, and increasing costs of debt servicing, this has created a vicious cycle and caused the economy to reach a breaking point. It is unfortunate that the Lebanese press was not on top of these issues and did not do a good job bringing attention to them until we reached total economic collapse.
Mireille Kang
01 h 40, le 09 mars 2020