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Moyen-Orient - Syrie

Face à Moscou, Ankara paraît bien seul

Les Occidentaux ont tous exprimé leur soutien verbal à leur allié turc, mais ne semblent pas prêts à faire davantage.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan s’exprimant lors d’une réunion de son parti l’AKP (Parti de la justice et du développement) à Ankara, le 27 février 2020. Bureau de presse de la présidence turque/Document via Reuters

Après avoir perdu 33 de ses soldats dans la nuit de jeudi à vendredi dans la région d’Idleb (Nord-Ouest syrien) lors d’une attaque des forces progouvernementales syriennes (à laquelle la Russie pourrait avoir participé), Ankara a pris une claque. Il aura beau avoir fermement répondu à cette attaque en « neutralisant » plus de 300 « éléments du régime » syrien dans la foulée, selon les propos du ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, il n’en reste pas moins que le pouvoir turc apparaît plus isolé que jamais sur la scène syrienne. Au total, 53 soldats turcs ont trouvé la mort depuis le 3 février, date du début d’une escalade entre les forces turque et syrienne dans la région d’Idleb, dernier grand bastion rebelle de Syrie, que Damas – avec l’aide de Moscou – cherche à reconquérir.

Cette escalade a fait voler en éclats la relation entre Ankara, parrain des rebelles, et la Russie, soutien du régime, qui avaient, malgré leurs intérêts divergents au Moyen-Orient, réchauffé leurs liens et consolidé leurs partenariats dans beaucoup de domaines depuis 2016, particulièrement en Syrie. Le président turc Recep Tayyip Erdogan avait misé une grande partie de la pérennité de sa politique syrienne sur sa relation privilégiée avec son homologue russe Vladimir Poutine, quitte à surjouer l’alliance entre les deux pays. Ankara se retrouve aujourd’hui dos au mur, et ne peut pas prendre le risque d’une confrontation directe avec la Russie en Syrie où Moscou est maître du terrain et de l’espace aérien. « Les Turcs n’ont ni les moyens militaires ni les ressources humaines pour maintenir une présence en Syrie à long terme », explique Jana Jabbour, enseignante à Sciences Po et spécialiste de la Turquie, contactée par L’Orient-Le Jour. Signe que la Turquie n’est pas prête à l’escalade, les présidents turc et russe se sont téléphoné hier et ont exprimé leur « sérieuse inquiétude » sur la situation à Idleb et décidé d’étudier la « possibilité de tenir prochainement un sommet », selon le Kremlin. De son côté, le ministère russe de la Défense a affirmé hier que les soldats turcs tués jeudi avaient été touchés car ils se trouvaient parmi des « unités combattantes de groupes terroristes », une version fermement démentie par Ankara. Se voulant plus apaisant, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a présenté ses « condoléances » et affirmé que Moscou faisait « tout pour assurer la sécurité des soldats turcs » déployés en Syrie.


(Lire aussi : Idleb : Erdogan face au piège de Poutine, l'analyse de Anthony SAMRANI)


Soutien verbal unanime

Pour faire face à Moscou, le Saray (palais présidentiel turc) a appelé ses alliés occidentaux, et l’OTAN, à la rescousse, en vertu de l’article 4 de la charte de l’Alliance atlantique qui permet à tout allié de demander des consultations s’il estime que son intégrité territoriale, son indépendance politique ou sa sécurité sont menacées. Une réunion extraordinaire de l’Alliance atlantique a ainsi eu lieu hier. Elle n’a abouti à aucune proposition concrète visant à protéger ou défendre les Turcs dans leur entreprise en Syrie face au régime et son allié russe. La tension entre Ankara, Damas et Moscou « représente une occasion en or pour Washington de casser les liens profonds entre la Turquie et la Russie », explique Soner Cagaptay, spécialiste de la Turquie au sein du Washington Institute, qui ajoute que c’est une opportunité pour l’administration américaine d’humilier ainsi le régime syrien, de le faire payer pour ses crimes et de faire reculer Poutine. Les alliés occidentaux ont fait le service minimum en soutenant hier verbalement la Turquie et en condamnant les frappes contre ses soldats. Le président américain Donald Trump a appelé, après avoir téléphoné à son homologue turc, la Syrie et la Russie à « stopper » leur offensive militaire dans la région d’Idleb, a indiqué la Maison-Blanche. Le milliardaire républicain a également exprimé « ses condoléances et condamné » l’attaque de jeudi soir. Mais il y a peu de chance que les Occidentaux joignent le geste à la parole, ceux-ci ne voulant pas prendre le risque d’une confrontation directe avec la Russie. Cette attitude s’explique en partie par la politique du président turc qui, à la faveur de son partenariat croissant avec la Russie dans beaucoup de domaines – surtout par le biais de l’achat des missiles russes S-400 par Ankara au grand dam des Occidentaux –, a affiché un visage de plus en plus hostile vis-à-vis des Occidentaux, qu’il s’agisse des États-Unis ou de l’Europe.


(Lire aussi : Un mois d'escalade des tensions entre la Turquie et la Syrie)

Zone d’exclusion aérienne

Recep Tayyip Erdogan dispose néanmoins d’une carte non négligeable qui pourrait, selon les analystes, assurer au moins une plus grande coopération entre Ankara et les Européens sur le dossier syrien : celle des réfugiés. Ankara accueille près de trois millions et demi de Syriens sur son sol. Jeudi soir, face à l’intensification des combats dans la province d’Idleb, et cherchant à tout prix à éviter un nouvel afflux massif de réfugiés sur son territoire, un haut responsable turc avait affirmé que son pays cessera d’empêcher les réfugiés syriens de rejoindre l’Europe. Le Vieux Continent redoutant également un nouvel afflux massif de réfugiés sur son territoire, « ouvrir la voie à une vague massive d’immigration est le moyen le plus efficace dont Erdogan dispose pour faire réagir les Occidentaux », note Jana Jabbour.

Devant cette menace, les Européens semblent, selon les analystes, prêts à soutenir leur allié turc. Une éventuelle aide « pourrait se traduire par un soutien militaire sous la forme de la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne en Syrie au-dessus d’Idleb ». Le président turc doit, par ailleurs, faire face, en interne, à une autre contrainte : la politique syrienne du reïs et de son parti l’AKP (Parti de la justice et du développement) sont de plus en plus l’objet de critiques de la part de l’opinion publique turque. Contrairement aux interventions militaires en Syrie contre les forces kurdes des YPG (Unités de protection du peuple) – relais du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et considérées par Ankara comme terroristes –, les campagnes militaires syrienne mais aussi libyenne actuelles de la Turquie ne font pas l’unanimité au sein de la population.



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Après avoir perdu 33 de ses soldats dans la nuit de jeudi à vendredi dans la région d’Idleb (Nord-Ouest syrien) lors d’une attaque des forces progouvernementales syriennes (à laquelle la Russie pourrait avoir participé), Ankara a pris une claque. Il aura beau avoir fermement répondu à cette attaque en « neutralisant » plus de 300 « éléments du régime » syrien...

commentaires (4)

Je respecte plus la logique de celui qui prendra position pour erdog-ane parce que logiquement il soutient les vrais parrains des terroristes syriens cad erdog-ane et ses alliés de l'otan , que celui qui critique erdog-ane, en lui prédisant tous les malheurs du monde , alors qu'il sait que erdog-ane n'a agit que pour le compte de ses alliés de l'otan. Il y'a des logiques honnêtes et d'autres pas , bien que la logique en soi est illogique .

FRIK-A-FRAK

13 h 55, le 29 février 2020

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Commentaires (4)

  • Je respecte plus la logique de celui qui prendra position pour erdog-ane parce que logiquement il soutient les vrais parrains des terroristes syriens cad erdog-ane et ses alliés de l'otan , que celui qui critique erdog-ane, en lui prédisant tous les malheurs du monde , alors qu'il sait que erdog-ane n'a agit que pour le compte de ses alliés de l'otan. Il y'a des logiques honnêtes et d'autres pas , bien que la logique en soi est illogique .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 55, le 29 février 2020

  • Ankara qui a une longue frontiere avec la Syrie,est la SEULE a avoir un droit de regard sur son voisin, certainement pas la Russie ou l Iran.

    HABIBI FRANCAIS

    09 h 36, le 29 février 2020

  • SAINT VLADIMIR ! ÉCHEC ET MAT , ENCORE UNE FOIS ! COMME TOUJOURS !

    Chucri Abboud

    01 h 23, le 29 février 2020

  • LE DESTIN DU LILLIPUTIEN QUI VEUT JOUER AVEC LES GEANTS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 26, le 29 février 2020

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