Asrar Chbaro est une jeune journaliste dynamique, travaillant depuis six ans au quotidien an-Nahar, polyvalente et très habituée aux reportages de terrain qui tournent parfois à l’aigre. Elle était cependant loin d’imaginer qu’une simple couverture de l’arrivée de pèlerins libanais d’Iran, en pleine crise du coronavirus, allait lui valoir une agression aussi inattendue qu’inexplicable à l’aéroport de Beyrouth, de la part de partisans du Hezbollah mécontents des vidéos qu’elle était en train de tourner.
« Je me suis rendue aujourd’hui (hier) à l’aéroport pour recueillir des témoignages des passagers de l’avion iranien qui a atterri le matin à l’AIB, raconte-t-elle à L’OLJ. Mon objectif était de vérifier si les directives du ministère de la Santé étaient respectées. Mon premier témoin, un jeune passager de l’avion, a confirmé que les précautions prévues par les autorités étaient minimales. »
Après ce premier témoignage, la journaliste a cherché tout naturellement à prendre l’avis d’un second passager. « Je me suis dirigée vers une femme qui a effectivement accepté de me parler, poursuit-elle. C’est à ce moment qu’un homme m’a accostée assez violemment, me criant que je ne pouvais interroger des proches de martyrs, dont elle fait partie. »
La scène se renouvelle avec un second témoin. « Cette fois-ci, alors même que je tournais une vidéo en direct, je vois un homme se précipiter sur moi pour m’arracher mon téléphone, raconte-t-elle. Je lui ai demandé de me le rendre, mais il a menacé à plusieurs reprises de le casser. Mon unique souci, à ce moment-là, était de récupérer mon téléphone : quand il m’a sommée de lui révéler mon mot de passe pour qu’il puisse avoir accès à mes vidéos et les effacer, j’ai dû m’exécuter. »
L’agression subie par la journaliste n’est pas passée inaperçue puisqu’elle se déroulait en direct. Au final, plusieurs vidéos ont été effacées, mais l’une d’elles est restée intacte, celle qui montre le moment de l’agression.
À la question de savoir comment elle s’est assurée que ses agresseurs étaient du Hezbollah, elle a précisé « qu’ils se sont présentés comme tels ». « L’homme qui a pris mon téléphone m’a lancé : Pourquoi ne parlez-vous que de l’avion en provenance d’Iran ? dit-elle. J’imagine donc que les motivations sont à chercher de ce côté-là. »
Au final, c’est l’intervention d’un officier en civil de la sûreté de l’aéroport qui va permettre à la jeune femme de récupérer son téléphone et de s’éclipser. « Les partisans en colère se sont disputés avec lui, mais il leur a répondu fermement que l’autorisation de filmer ou pas était du seul ressort des forces de l’ordre », indique Asrar Chbaro. « Ils ne me font pas peur, affirme-t-elle. La vague de solidarité qui a suivi cet incident montre d’ailleurs que plus on cherche à faire taire quelqu’un, plus on lui donne de la visibilité, paradoxalement ! »
Lire aussi
Coronavirus : quand les Libanais se lâchent sur les réseaux sociaux
Le Libanais Adham al-Sayed : Je reste à Wuhan par devoir moral et humanitaire
commentaires (12)
DE LA EST VENU LE PREMIER FLEAU QUI FRAPPE LE PAYS ET MAINTENANT LE SECOND FLEAU.
LA LIBRE EXPRESSION
19 h 17, le 26 février 2020