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Politique - partis

Pourquoi le Hezbollah a peur du FMI

De profondes divergences sur le règlement de la crise existent entre Amal et le Hezbollah, qui craint pour ses ressources.

Le Premier ministre Hassane Diab s’entretenant avec la délégation du FMI, la semaine dernière, au Grand Sérail. Mohammad Azakir/Reuters

À l’heure où le gouvernement libanais se débat pour tenter de s’extirper du gouffre financier et économique dans lequel il se trouve, la question de recourir ou non au Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir son assistance financière, au risque de voir le pays passer sous sa tutelle, continue de faire polémique. Désormais, les divergences autour de cette question ne sont plus limitées aux partisans de camps politiques adverses, mais divisent un même camp, à savoir le Hezbollah et Amal. Alors que le premier affirme craindre comme la peste une interférence directe du FMI dont les décisions risquent, selon lui, d’avoir des répercussions majeures au plan financier, mais aussi politique, le mouvement Amal, un allié privilégié du parti chiite, serait pour sa part convaincu que la seule solution pour stopper l’effondrement passe par le recours à l’instance internationale dans des termes qui restent toutefois à définir.

Plusieurs sources concordantes ont confirmé le fossé qui existe entre le Hezbollah, qui refuse d’accorder un blanc-seing à l’institution, et le chef du Parlement, Nabih Berry, qui a fini par rallier l’idée que prône depuis un certain temps le ministre des Finances Ghazi Wazni, son ancien conseiller.

Bien avant qu’il ne devienne ministre, Ghazi Wazni n’avait jamais caché sa préférence pour le recours au FMI, une conviction à laquelle il serait parvenu en tant qu’économiste et chercheur. Une idée que le chef du Parlement aurait fini par avaliser. « Nabih Berry est depuis peu persuadé que l’aide que pourrait prodiguer cette instance est devenue incontournable à la lumière de l’effondrement », confient des économistes et certains analystes. Une position que le mouvement Amal n’a toujours pas rendue publique, dans la mesure où elle tranche avec celle que soutient son allié.

Selon une source proche des milieux du Hezbollah, ce que le parti pro-iranien craint le plus, « ce sont les conditions que le FMI pourrait imposer si le gouvernement devait décider de lui accorder le feu vert ». Parmi ces conditions, l’augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée, sur l’essence, ou encore la réduction des salaires des fonctionnaires, des mesures hautement impopulaires qui toucheraient de plein fouet la base du parti notamment. Mais les appréhensions réelles du parti chiite sont à rechercher ailleurs également. Certaines des décisions qui s’imposent affecteraient directement les ressources du Hezbollah. Ce serait le cas si le FMI venait à imposer un contrôle strict des ports et de l’aéroport, pour lutter contre la contrebande, alors qu’ils sont considérés comme étant les poumons du parti chiite.

« Pour le Hezbollah, qui ploie déjà sous une batterie de sanctions imposées par les États-Unis, une intervention du FMI dans ces secteurs contribuerait à assécher totalement ses ressources en provenance de l’extérieur et à mettre un terme aux opérations de contrebande au port notamment », confie l’analyste économique Violette Balaa. Cela expliquerait, d’après elle, pourquoi le parti refuse la suspension des liaisons aériennes avec l’Iran depuis que s’est déclaré le premier cas de coronavirus en provenance de ce pays, « d’où le parti chiite continue de recevoir toute forme de soutien et le cash dont il a besoin », ajoute l’analyste.

Cet avis est contredit cependant par Mohammad Obeid, un autre analyste politique proche du parti chiite, qui assure que « c’est plutôt par la Syrie que le parti chiite fait transiter le cash ou les armes ».

« Cette voie de passage à la frontière est à n’en point douter une ligne rouge pour le parti qui n’acceptera en aucun cas qu’elle soit obstruée », dit-il. Selon lui, le Hezb a cessé depuis longtemps d’utiliser l’aéroport où travaillent des personnes d’horizons politiques divers, rendant quasiment impossible de « faire passer quoi que ce soit sans que cela ne se sache ».


(Lire aussi: Le FMI prolonge sa mission au Liban, l’ONU l’exhorte à assister le pays)


Agenda politique

Dans les milieux du Hezbollah, on indique que le parti chiite veut limiter à une assistance uniquement technique la contribution du FMI au règlement de la crise, à condition que cela n’affecte en aucun cas les décisions souveraines du Liban au plan économique et financier. « Ce qui fait peur au parti, c’est l’agenda politique qui pourrait être camouflé sous le label des réformes économiques et financières », commente M. Obeid, qui souligne au passage que le mouvement Amal court moins de risques que le Hezbollah dans ce cas de figure.

Au contraire, en avalisant une intervention plus poussée du FMI, Nabih Berry aurait ainsi l’opportunité de montrer patte blanche à la communauté internationale dont il est plus certainement plus proche que le Hezbollah, mais aussi de se poser en sauveteur de la République, surtout depuis qu’il soutient farouchement l’idée d’un réaménagement du plan de l’électricité et la réforme incontournable de ce secteur, un point qui figure en tête des priorités. « Ce sera pour lui une manière de prendre sa revanche sur le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil », commente l’analyste.

Il reste toutefois à voir jusqu’où Nabih Berry est prêt à aller dans son soutien à l’idée d’une intervention du FMI, sachant qu’il ne risquera jamais de remettre en cause son partenariat stratégique avec le Hezbollah.

Selon certains analystes, si le parti chiite s’obstine à refuser une contribution plus avancée qu’un simple conseil de la part du FMI, M. Berry finira par lâcher prise et n’ira certainement pas à l’encontre de son allié.

« Toute la question est de savoir quel sera exactement le rôle du FMI s’il est sollicité par le gouvernement, et quelle marge de manœuvre lui sera accordée », relève enfin M. Obeid.



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commentaires (17)

Récupérer l'argent volé ne suffira pas et prendra beaucoup de temps. La privatisation aussi avec l'avantage qu'à terme elle va alléger le budget de l'État. Quant à la pauvreté accrue, elle y est déjà sans l'aide du FMI. Il faut arrêter de rejeter ce qu'on ne veut pas et commencer à faire ce qu'il faut faire.

Zovighian Michel

17 h 22, le 25 février 2020

Tous les commentaires

Commentaires (17)

  • Récupérer l'argent volé ne suffira pas et prendra beaucoup de temps. La privatisation aussi avec l'avantage qu'à terme elle va alléger le budget de l'État. Quant à la pauvreté accrue, elle y est déjà sans l'aide du FMI. Il faut arrêter de rejeter ce qu'on ne veut pas et commencer à faire ce qu'il faut faire.

    Zovighian Michel

    17 h 22, le 25 février 2020

  • On a vu ce que le FMI a fait dans les pays qui ont fait appel à lui: privatisation, libéralisme, pauvreté accrue. Si le gouvernement est sincère, qu'il commence à récupérer l'argent volé et mis à l'abri par la BDL, puis qu'il taxe sérieusement les revenus financiers. Après, on verra. Le FMI va protéger les gros voleurs et pas les humbles ou la classe moyenne.

    NASSER Rada Liliane

    13 h 47, le 25 février 2020

  • Les voilà au pied du mur les pilleurs de l’état. Car si Berry a accepté le FMI c’est pour échapper à la mise sous tutelle du pays qui irait fouiller tous les comptes et trouver les milliards partagés et le révélera au grand jour. D’où cette comédie entre les deux principaux protagonistes. Tu dis oui je dis non et après on fixe ensemble les conditions pour une intervention limitée du FMI. Ça a toujours été leur tactique et ça leur a plutôt bien réussi. Ainsi les deux seront sauvés du scandale et par là même tous leurs acolytes qui s’en sortiront blanchis et poursuivront leurs manœuvres de nuisance. Par contre si l’état est déclaré officiellement en faillite et que les pays concernés par les Eurobonds décident d’aller ouvrir la boîte à pandore, alors là je crains qu’un désastre géopolitique ne vienne perturber les donnes sous prétexte de résistance et le tour sera joué. Notre seul salut demeure dans l’unité des libanais. Seuls eux peuvent mettre tous ces gens là hors circuit et libérer leur pays de cette main mise des iraniens et autres pays qui n’ont jamais voulu le bien de notre pays.

    Sissi zayyat

    12 h 18, le 25 février 2020

  • Soyons clairs . Le FMI va aider tout le Liban et non deux partis du 8 mars . Wait and see .

    Antoine Sabbagha

    11 h 35, le 25 février 2020

  • La contestation doit mettre un délai raisonnable de quelques semaines au gouvernement pour réaliser deux mesures que par sa nature même tout état digne de ce nom se doit de réaliser: mettre fin à tout trafic de contrebande et lancer une campagne méthodique de nettoyage de toutes les administrations publiques. Faute de quoi, le gouvernement devra démissionner sur le champ et des élections législatives anticipées organisées selon la loi en vigueur. Le pays a atteint un tel niveau de faillite que au moins il n'y a plus à craindre les machines d'achat de voix des partis du régime de la bande des cinq (Hezbollah Amal CPL Courant du Futur PSP).

    Citoyen libanais

    10 h 49, le 25 février 2020

  • Parece que la premier chose que le FMI fait c'est de colmater les "fuites" dans le systeme economique qu'il tente de redresser. or le Hezb a orchestré ces fuites et ne survit que grace a elles. Voila, c'est aussi simple que ca

    Lebinlon

    10 h 41, le 25 février 2020

  • Bon article. Sauf qu'il fallait simplement conclure par dire: en conclusion, ce sont les 3 parrains (berri, nasrallah, aoun) qui prennent les decisions; les ministres sont juste des comparses.

    Nicolas Sbeih

    09 h 27, le 25 février 2020

  • La crise politique provoquée par la fronde populaire a enfin dévoilé qui est le véritable instigateur de la corruption endémique qui ravage le pays et qui en est le principal profiteur. La fronde devrait en fait être dirigée conter le Hezbollah, puisqu'il est celui qui tient l'essentiel des ressources de l’état entre ses mains. Aucun gouvernement assujetti au Hezbollah ne pourra jamais rétablir l’économie tenant compte que ce parti et ses ouailles ne payent aucunes factures et dépouillent le pays depuis plus de 70 ans. Le Hezbollah faisait ainsi d'une pierre deux coups sur sa route pour bâtir son état islamique a l'Iranienne: Il puisait dans la poche du contribuable en volant les recettes de l’état. Provoquaient des guerres a chaque fois que le pays allait mieux économiquement. Isolait le Liban de ses alliés traditionnels pour lui faire couper les vivres. Lui en contre-partie recevait de l'Iran du cash et des armes, du cash de ses trafics de drogue, de la traite des blanches et de taxes prélevées sur les Chiites de la diaspora. Le tout pour provoquer de plus en plus d’immigration et changer la balance démographique du pays. Avec les sanctions, tout a tari et il ne lui restait plus que le Liban ou il pouvait encore soutirer des sous. Il en tellement pompé que le pays a versé dans la misère d'ou la fronde. Aucun gouvernement ne pourra sauver le Liban si ce parti n'est pas déposséder de ses armes et Aoun de la Présidence tenait le vous pour dit!

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 00, le 25 février 2020

  • LE FMI NE CONSEILLE PAS UNIQUEMENT. LE FMI IMPOSE DES MESURES ET DES CONDITIONS DONT A LA TETE LA REDUCTION DES SALAIRES ET DES RETRAITES, L,AUGMENTATION DE LA TVA ET L,IMPOSITION DE NOUVELLES TAXES SUR DES PRODUITS ET UNE PANOPLIE D,AUTRES MESURES ET REFORMES DONT L,EDL ET LE SYSTEME BANCAIRE. ILS N,INVESTISSENT PAS ET NE CONSEILLENT PAS LES INVESTISSEURS ET LES DONATEURS A LA LEGERE. SANS LA PARTICIPATION ET LA SUPERVISION DU FMI NI LA BANQUE MONDIALE NI AUCUN DONATEUR ET INVESTISSEUR NE RISQUERAIT SON ARGENT AU LIBAN. LES MESURES SERONT ANTI POPULAIRES. LES CORROMPUS ET VOLEURS NE SERONT INQUIETES QU,EN PAROLES. CE QUI S,EST PASSE EN GRECE BIEN QUE LA IL Y AVAIT L,AIDE DE L,U.E. MAIS MALGRE CA ILS AVAIENT IMPOSE LE CONTROLE DU FMI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 59, le 25 février 2020

  • Jusqu'à quand allons-nous supporter, chez nous cette calamité iranienne, le Hezbollah, qui nous empêche de vivre dignement ? De quel droit nous impose-t-il sa dictature en tout, commanditée par l'Iran, pays chiite et perse, à nous, pays multiconfessionnel et arabe ? Il préfère vivre à l'iranienne ? Qu'ils fassent leurs valises, lui et sa milice, et partent vivre en Iran. Là-bas, sur place, plus de soucis de transferts d'argent, de surveillance du FMI et autres tracasseries empêcheuses de vivre selon les directives du guide suprême infaillible ! En plus, c'est un vrai paradis pour les résistants héroïques d'un axe très efficace en tout. Cela ne se refuse pas...non...?!?! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 58, le 25 février 2020

  • Cela ne fait que confirmer que le caractère non seulement terroriste mais mafieux du Hezbollah qui outre le fait d’être la cause de la mise en quarantaine du Liban pille sans vergogne l'Etat.

    Tabet Ibrahim

    08 h 46, le 25 février 2020

  • c'est simple, la Dahiyeh, qui n'a jamais paye d'electricite, de taxes municipales, d'eau, rien, et ceci depuis les annees 70 vont devoir commencer a payer leurs participations de citoyen.

    Elementaire

    07 h 08, le 25 février 2020

  • Vous la connaissez l'histoire du cheval qui rit et du cheval qui pleure.

    FRIK-A-FRAK

    06 h 31, le 25 février 2020

  • Le problème est double pour le Liban ... si il ne fait pas ce qui est recommander par le FMI il fera faillite car les pays occidentaux et même les pays du golf ne l’aideront pas et si le Liban agis dans le sens des recommandations donc cela voudra dire que sur le plan politique il suivra les conseils seulement dans ce cas comment se comportera le hezb?!

    Bery tus

    06 h 23, le 25 février 2020

  • On n’aurait jamais dû prendre en compte les souhaits du tandem Chiite et du CPL et pourtant: Deux ans et demi sans président, neuf mois pour former un gouvernement, neuf mois pour faire le budget 2019, six semaines dans l'affaire Qabr Chmoun, trois mois pour former le gouvernement Diab et on attend toujours. Chaque jour qui passe les intérêts sur la dette Libanaise augmentent USD 14 millions. Toutes ces réformes voulues par le FMI et les donateurs de la CÈDRE datent depuis Paris-III, que le tandem Chiite et le CPL ont fait échouer pour avoir la peau de Hariri et affaiblir le 14 mars dans la foulée. On a toujours su ce qu'il fallait faire depuis très longtemps et voilà qu'on est devenu le pays des opportunités perdues. Le gouvernement Diab doit trancher sans prendre en compte les "souhaits" des uns et des autres. Trancher aujourd'hui ou démissionner.

    Zovighian Michel

    05 h 34, le 25 février 2020

  • Pas que le hezb. Tous les thouar refusent une intervention trop formatee du FMI . Sachant les resultats dans d'autres pays.

    Massabki Alice

    05 h 30, le 25 février 2020

  • Eh bien c’est ce qui va se passer: le FMI va demander de colmater les brèches, desquelles vivent certaines organisations et hommes politique...qui n’accepteront certainement pas de donner la mangeoire dans laquelle ils se nourrissent.. C’est donc du cinéma auquel on assiste , et le film va être très vite retiré des salles..

    LeRougeEtLeNoir

    00 h 14, le 25 février 2020

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