Bien qu’officiellement hors du gouvernement, le Courant patriotique libre (CPL) et son chef restent la cible d’une campagne médiatique et politique féroce. Pourtant, lorsque l’ancien ministre Gebran Bassil a choisi de ne pas participer au cabinet présidé par Hassane Diab, il avait en tête de prendre un peu de recul au sujet de la situation gouvernementale et de se concentrer sur les questions internes au parti, tout en préparant la période à venir, notamment les élections législatives (anticipées ou non). N’étant plus directement impliqués dans les décisions, Gebran Bassil et le parti qu’il préside pensaient obtenir un certain répit qui leur permettrait de se rapprocher de la base populaire et d’adopter des positions critiques, au lieu d’assumer les responsabilités.
En effet, depuis le gouvernement formé par Fouad Siniora en 2008, après l’élection de Michel Sleiman à la présidence de la République, le chef du CPL avait fait partie de tous les gouvernements, d’abord en tant que ministre des Télécoms, ensuite en tant que ministre de l’Énergie, puis finalement à la tête du ministère des Affaires étrangères. À chaque fois, il choisissait de prendre en charge des dossiers délicats, notamment parce qu’il estimait avoir des plans précis pour s’attaquer à des problèmes restés jusque-là insolubles. Au cours des douze dernières années, le CPL et son chef ont ainsi appris à leurs dépens que ce qui peut paraître logique et simple au Liban ne l’est jamais, et que malgré une grande légitimité populaire et des alliances solides, il reste très difficile de passer à la phase d’exécution, tant que la prise des décisions au gouvernement reste basée sur le consensus. D’ailleurs, c’est l’un des principaux reproches qui leur ont été adressés par le mouvement de contestation populaire déclenché le 17 octobre. Il se résumait ainsi : en supposant que vous aviez de bonnes intentions et de bons plans, vous n’avez pas réussi à les appliquer et c’est trop facile de rejeter toujours la faute sur les autres partenaires au sein du gouvernement. Les responsables du parti et les membres du groupe parlementaire du Liban fort avaient beau expliquer dans les médias qu’ils ont dû affronter un blocage systématique, ils n’ont pas réussi à convaincre une partie du mouvement et de son assise populaire, qui les mettaient au même niveau que les autres parties politiques dans la responsabilité du désastre actuel. Pour ces raisons, le CPL et son chef pensaient donc qu’il serait préférable dans la période actuelle de prendre du recul, tout en revenant à l’action sur le terrain, qui a marqué leurs débuts sur la scène publique, lorsqu’ils étaient des militants aounistes qui descendaient dans la rue, sans crainte d’une confrontation avec les forces de l’ordre. Il s’agissait donc en quelque sorte d’un retour aux sources et à la pureté de la lutte qui avait commencé dans les années 90 au plus fort de l’influence syrienne sur la scène libanaise.
Mais en dépit du fait que le CPL n’est pas au gouvernement, les campagnes médiatiques et politiques ne le lâchent pas. Tantôt il est accusé de déformer l’hymne national et de le détourner au profit du président de la République. Tantôt il est accusé de détruire les sites archéologiques en voulant construire un siège principal près de Nahr el-Kalb et, de façon permanente, l’échec de la « politique électrique du Liban » lui est jetée à la figure, tout comme est tournée en dérision sa volonté de s’opposer à la politique financière et monétaire du président de la Banque centrale.
Pour une source à l’intérieur du CPL, toute cette campagne dirigée contre le parti et son chef n’est pas innocente. Il s’agit d’une campagne visant en effet à le diaboliser pour non seulement paralyser ce qui reste du mandat du président Michel Aoun (qui expire le 31 octobre 2022, sauf imprévu), mais aussi pour détruire son courant et le parti qu’il a fondés. Selon la source précitée, le CPL et son chef ont commis, aux yeux de leurs détracteurs, une faute impardonnable : ils se sont alliés au Hezbollah à partir de 2006, donnant ainsi à ce dernier une couverture chrétienne et lui permettant, grâce à cette alliance, de modifier les rapports de force internes au point d’obtenir en 2018 la majorité parlementaire. Selon cette source, lors de la période de vacance présidentielle (mai 2014-octobre 2016), Michel Aoun avait été approché par plusieurs parties occidentales qui lui avaient proposé d’être élu à la présidence s’il acceptait de rompre son alliance avec le Hezbollah. Il avait refusé, préférant être élu dans le cadre d’un accord interne, le fameux « compromis présidentiel ». Plus tard, et à chaque échéance importante, des propositions du même genre lui étaient faites en contrepartie d’une aide économique au Liban, toujours selon la même source. Et à chaque fois, le chef de l’État estimait qu’il ne pouvait pas isoler une composante importante du tissu social et politique libanais pour satisfaire des intérêts étrangers et en particulier ceux d’Israël. Aujourd’hui, et à la faveur du mouvement de protestation, la campagne contre le CPL et son chef a pris un nouvel élan. Selon la source du CPL, des parties occultes, à la fois internes et externes, cherchent à exploiter le mouvement, d’abord pour faire assumer au CPL et au camp présidentiel la responsabilité de la situation actuelle, et ensuite pour couper court à toutes leurs tentatives de dénoncer les véritables responsables, en menant à leur tour une campagne de protestation. Il y aurait donc, selon cette source, une véritable tentative de diaboliser le CPL, pour détruire son parcours et l’empêcher de survivre à son chef, dans l’objectif ultime d’isoler le Hezbollah pour mieux l’affaiblir et faire ensuite passer les concessions attendues sur le plan de l’implantation des Palestiniens et du maintien au Liban des réfugiés syriens.
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Le jour ou les libanais comprendront que ce type et son parti sont le mal incarné, il y aura un espoir, d'ici là c'est la chute vers l’abîme. Fossoyeur et traître du Liban devant l’Éternel.
Christine KHALIL
23 h 19, le 24 février 2020